Past and future (Aiden) [FB]

Il n'avait pas tort, il était peu probable que la piste mène quelque part. Ce sorcier semblait avoir beaucoup de ressources. Je le laissais s'installer confortablement. Pour ma part, je déplaçais une table et un autre fauteuil afin d'être en face à lui, deux bouteilles entre nous, sur la table, chacun ayant son verre. Plus la discussion avançait, plus je commençais à comprendre, malgré son esprit agité, qu'il avait de moins en moins besoin d'une solution. Non, en réalité le mal dont il souffrait le plus était une forme de solitude. Celle que l'on ressentait face au poids de ses décisions... Le manque de confidents, de personnes à qui on pouvait faire confiance...

En même temps qui pouvait comprendre sa peine ? Ses enfants ? Ils devaient bien être les dernières personnes à qui il se confierait. Délaissant un peu les livres et les parchemins, je me contentais d'être face à lui, le resservant chaque fois qu'il finissait son verre et hochant la tête à chaque fois qu'il semblait vérifier que quelqu'un écoutait son histoire. Puis il me posa une question. J'étais quelqu'un de cultivé... Je connaissais bien des choses, bien des événements, bien des cultures... Pourtant, le cœur des Hommes m'était encore inaccessibles. Je ne comprenais pas la vie, juste le sens de l'Histoire. Alors savoir s'il avait fait le bon choix... Comme si on pouvait savoir ce qui était bon ou mauvais... J'avais eu trop de travers pour être bon juge. Pourtant, je ne pus m'empêcher de dire simplement le fond de ma pensée alors que d'une main distraite je faisais tournoyer le liquide brun dans le verre.

« Je pense que quand les intentions sont bonnes il n'existe pas de mauvais choix. Je sais qu'on dit que l'enfer en est pavé... Mais nous ne sommes que des humains. Sorciers, moldus, hybrides... La vie est trop grande pour nous, mais elle nous tombe dessus sans aucune pitié. Alors désarmé on fait comme on peut, à défaut de comme on veut. On ne choisit jamais le résultats des dés que l'on lance, le seul truc qu'on peut faire c'est garder le cœur pur en les lançant. »

Ceux qui pensaient pouvoir être mauvais et faire le bien se trompaient. On ne savait jamais quand on faisait le bien ou le mal, la seule chose que l'on pouvait faire c'était de faire en sorte que l'âme qui habitait le corps restait aussi pure que possible. Or à ça, j'avais échoué. J'étais tombé dans une vengeance sans merci en jouant sur les mots de la dernière promesses que j'avais faite à ma femme.  Alors que je finissais mon verre, le regard vide qui ne cherchait même pas à observer le sorcier face à moi je finis par me confier.

« Vous savez, ma femme est morte... Assassinée par des aurors Britanniques. Elle n'avais jamais tué personne ni même asservis qui que ce soit. En tout cas pas pour de mauvaises choses... Juste... Elle s'était mariée avec moi...Et moi... Même si j'ai fait assez peu de mal, mon clan lui... En avait fait beaucoup. Alors pour m'atteindre, c'est elle qu'ils ont tué. J'ai été... Je suis encore dévasté sans elle. Elle me manque. »

Je ne parlais presque jamais de ce sujet. Cela faisait des décennies que cette tragédie était arrivée. Peu de temps avant que le Seigneurs des Ténèbres arrive au pouvoir. Pourquoi maintenant ? C'était presque naturel, comme si cela trouvé écho avec ce partenaire de boisson. Enfin, il y avait une autre raison, plus rationnelle à cette confession. Parfois pour parler il fallait un retour. L'amitié n'était rien d'autres que ça. On partageait les poids que l'on avait sur le cœur et plus le partage était important plus la réciprocité était facile. Je ne voulais pas le forcer à extirper le poison de la solitude. J'aurai pu, mais finalement c'était à lui de vouloir de ne plus être seul dans sa souffrance.

« Si je vous dis tout ça... C'est parce que... Je compatis à votre perte. Je pense être la preuve que l'on peut battre la mort. Je veux dire... Je suis mort en 1821. Donc s'il y a une possibilité... Si les vampires ont pu le faire, il doit existe un autre moyen. Je vous promets d'essayer de vous aider à la sauver. Cependant, je pense qu'aujourd'hui.. Ce dont vous avez besoin c'est d'un ami. Ou à défaut, d'un confident. »

Je resservais un verre à chacun de nous, de manière plus solennel cette fois-ci. Malheureusement l'immortalité offrait assez peu de sensation à l'alcool. Enfin, cela ne faisait pas du mal d'essayer.

« Alors parlons un peu d'elle. Peut-être que la Fortune nous sourira quand elle entendra à quel point c'est une femme merveilleuse. Quel est son nom ? »

Dans plusieurs religion le fait de pleurer les morts et de parler d'eux leur permettait la faveur des Dieux. J'aimais assez cette idée. Tout comme j'aimais aussi l'idée que l'immortalité n'était pas dans la vie éternelle, mais le souvenir que l'on laissait derrière nous. Cet amour que nous transmettions de génération en génération. En ce sens les vampire étaient bien plus mortels que les sorciers. Car le seul héritage que nous laissions se faisait dans le sang ou la soumission. Enfin, peut-être que ma longue vie aiderait cette femme à pouvoir transmettre un peu plus son amour à ses enfants.

L'ambiance avait changé depuis que nous nous étions installés l'un en face de l'autre. Il se moquait de moi et de mes grandes phrases que l'on pouvait trouver dans des recueils. Je croyais vraiment en ce que je disais, mais d'un autre côté, je ne pus m'empêcher de rire à sa remarque. Il était vrai que parfois les réflexions philosophiques permettaient avant tout d'éviter de parler de choses plus triviales, comme les sentiments. Prendre du recul était l'apanage de ceux qui n'aimaient pas voir le monde avec leurs propres yeux. Cette quête de réalité objective était souvent un moyen de fuir sa propre subjectivité.

« Je ne suis pas un vampire comme les autres. »

J'accompagnais cette phrase d'un petit mouvement de sourcils avant de rire. Oui, c'était assez arrogant de dire cela. Pourtant dire autre chose aurait été un mensonge. Les vampires fonctionnaient, visiblement comme les Irlandais, beaucoup en clan. Le clan était l'unité qui primait. Rares étaient les vampires aussi vieux que moi sans clan...

« Voyez-vous, il est peu commun qu'un vampire pactise avec des chasseurs. Pourtant cela m'arrive plus ou moins régulièrement depuis que j'ai aidé un des leurs dans une vendetta. Exterminant au passage mon clan. »

Avec un sourire triste, je finissais encore une fois mon verre avant de me resservir. Son esprit chaotique me menait la vie dure, mais comme je ne cherchais pas spécialement à tirer quoi que ce soit de la lecture de ses pensées cela limitait l'effort que cela me demandait. Le chasseur les avait fait crier, hurler de douleur. J'entendais encore une de mes amies qui me suppliait de l'aider. Comment pouvais-je être fier de cela ? Cependant en semant la mort on ne récoltait que ce que l'on semait. Les sorciers avaient bien des défauts, mais nous étions bien arrogants de nous croire supérieurs pour autant. J'avais deux cents ans, j'étais plus fort, plus rapide que le sorcier devant moi. Je pourrai facilement le plier à ma volonté... Peut-être pas facilement, mais je pouvais réussir à faire ça. Pourtant, peut-être qu'un jour ce dernier me serait supérieur, peut-être l'était-il déjà.

« Si j'émettais de tels doutes concernant la mort... Ma compagne me ferait payer d'avoir douté d'elle, je pense. »

C'était bizarre, je ne parlais jamais d'elle. J'essayais jusqu'à ne pas penser à son nom de peur de ce qu'il pourrait faire ressortir chez moi. Ce monstre que j'avais réussi à contrôler. Je ne valais pas mieux que ceux de mon clan. La seule différence, c'était que j'avais rencontré la bonne personne au bon moment. Lui aussi visiblement vu tout le bien qu'il disait de sa femme. Ether Gavalagh... J'essayerai de me souvenir de ce nom. Si un jour, je devais faire une fondation ou une idiotie de ce genre. Ce n'était pas tant pour lui que je me disais ça. Juste... Je croyais sincèrement que veux capables de marquer aussi durablement un autre cœur mérite de vivre pour l'éternité. Un nom n'était rien d'autre qu'un moyen de prolonger le bien que renfermait la personne. C'était pour cette raison que je n'avais aucun attachement au mien.

« Je ne cherche pas à vous arracher quoi que ce soi mon ami. Je lis dans les pensées comme un sorcier se sert naturellement de la magie. Si mon... Charme surnaturel doit être contrôlé ainsi que ma soif de sang, comme vous le faite pour votre magie un peu trop offensive, je ne vois pas le mal de connaître les pensées des autres tant que je ne mens pas moi-même. En-tout-cas, elle a l'air d'être une sorcière d'exception. »

Sentant un peu la lourdeur qui s'emparait de son cœur, il s'aventura sur un terrain que je ne maîtrisais vraiment pas. Le poids d'être parent. Jamais je ne saurai ce que c'était de tenir un nouveau-né dans mes bras. Pourtant, je pouvais entendre, non pas dans ses pensées, mais au travers de sa voix, tout le déchirement qu'il ressentait et l'amour qu'il avait pour sa fille.

« Nul parent ne devrait connaître la mort de ses enfants. Ce n'est pas ainsi que la nature fonctionne. Et c'est un vampire qui dit ça. Et puis, par Morgane... La magie fait des progrès. Une pierre qui rend immortelle, des casques qui rendent invisibles, des cornes qui donnent à manger à volonté... Mais sans aller jusque-là, les nouveaux transports, les nouveaux traitements... Si la magie n'a pas encore trouvé le moyen de la ramener, vous le ferez. C'est l'avantage d'être un sorcier expérimental, non ? »

Sur mes lèvres, un petit sourire malicieux se dessina. Après tout, s'étaient ses mots que je reprenais contre lui.