Through these walls — ft. Hamza El Mahdi

ft. @Hamza El Mahdi

Ses yeux levés vers un mur puis un ciel de pierre furent la seule réponse - invisible de son interlocuteur - que son corps fut capable de formuler. De toute évidence, la flatterie ne rencontrait pas plus de succès que sa haine et en cela, le silence lui paraissait tout bien réfléchi une excellente option pour la suite de ce tête-à-tête forcé, aussi douloureux pouvait-il se montrer.

Ainsi, sans sa voix et avec pour seule vue celle plongeante son dos, Hamza pourrait reprendre le fil de ses habitudes et ne surtout pas se laisser berner par un charme qui n'avait rien de vrai. Il lui avait de toute façon ôté toute envie de l'utiliser pour se distraire, car leurs querelles incessantes n'avaient tout à coup plus rien de réjouissant à ses yeux.

À tel point que lorsqu'il reprit la parole, elle posa la main sur sa baguette, cachée dans un pli de sa longue robe sorcière, prête à formuler un sort pour la rendre sourde l'espace de quelques minutes. Mais au dernier moment, elle se ravisa. Sans doute trop curieuse pour laisser passer une occasion de l'entendre se défendre à nouveau de ses propos.

Cette fois-ci précisément, Hamza se surpassa. Tellement qu'elle en était pétrifiée, au moins autant que la pierre sous ses yeux.

Face à ce mur, que pouvait-elle répondre alors même qu'elle avait à peu près autant d'anecdotes insignifiantes à raconter sur lui ? Ne valait-il pas mieux se contenter de ne rien dire, pour éviter de se révéler au moins autant que lui sur le sens profond de leur rivalité ? Son choix s'orienta vers cette deuxième option.

Plutôt mourir maintenant que d'admettre qu'il était la seule raison pour laquelle elle travaillait trois fois plus à chaque fois que sa santé la lâchait - pour ne surtout pas prendre le risque de le laisser la distancer. Plutôt obtenir un T en métamorphose que d'avouer qu'après chaque absence, elle avait cherché à récupérer ses notes à lui par d'autres intermédiaires pour ne pas avoir à les lui réclamer et parce qu'elle savait par avance qu'elles contiendraient tout ce qu'il y avait à savoir. Plutôt tomber de son balai en plein milieu d'une finale de Quidditch que de lui dire qu'elle avait toujours personnellement veillé à ce que quelqu'un de sérieux l'informe des devoirs à faire quand, à son tour, il était absent. Ou que les jours d'examen, elle attendait toujours qu'il se place pour choisir la sienne, afin de découvrir le sujet en même temps que lui et guetter ses réactions à la lecture des questions.

Ses dents se serrèrent en y repensant. Sa mâchoire en devint même carrément douloureuse lorsqu'il lui avoua qu'il avait bel et bien remarqué ses failles. C'était tout ce qu'elle s'efforçait de cacher depuis des semaines et non content de pointer du doigt qu'il avait à quelque chose près les mêmes réflexes qu'elle, il lui fit le plus cruel des aveux. De ceux que l'on ne peut pas nier si l'on souhaite garder un minimum de respect pour soi-même. De ceux que l'on avouerait pas à son pire ennemi de son plein gré.

Le regard toujours planté dans cette même pierre, comme si elle pouvait lui apporter les réponses à ses trop nombreuses questions, Siobhán finit par laisser sa main s'y appuyer, trop éprouvée sur l'instant pour laisser son corps se tenir par lui-même. Les larmes lui montèrent à nouveau aux cils alors que son visage passait devant ses yeux.
Hamza avait raison au moins sur ce point : elle n'allait pas bien. Elle n'avait toujours pas fait le deuil de sa relation et en disparaissant du jour au lendemain sans laisser de trace, il s'était assuré qu'elle ne pourrait jamais le faire complètement, laissant à jamais un nouveau trou béant dans sa poitrine. Les cours, les enseignants, la magie... Tout cela n'avait plus de sens dans cet avenir qu'elle avait imaginé construire avec lui. Et le pire dans tout ça était probablement qu'elle se détestait de penser ainsi et de ne pas être capable maintenant de répondre quoique ce soit à celui qui la mettait littéralement au pied du mur...

Mais puisque qu'elle ne pouvait pas passer le reste de sa vie face à ce rempart, et qu'il n'y avait autour d'elle aucune issue à travers laquelle elle aurait pu s'enfuir comme lui deux ans plus tôt... Elle se retourna vers Hamza, les yeux humides.

« Félicitations. Tu as tout vu, tout compris. Peut-être même mieux que moi. Tu es vraiment incroyable, Hamza. Toujours là à te poser en rival inébranlable… Alors  que tu sembles passer plus de temps à observer ce que je fais qu’à te concentrer sur ton propre parcours. Mais crois-moi, tu fais une erreur. »

Elle fit une pause avant de reprendre, sans prendre la peine d’essuyer ses yeux. Il était trop tard pour sauver les apparences.

« Il fut un temps où tout ça avait un sens. Où je croyais que m’obstiner à être meilleure que toi, à vouloir te battre, à guetter chaque note sur ton parchemin pour m’assurer que la mienne était à minima équivalente… je croyais que tout cela me mènerait quelque part et que cette rivalité, cette guerre du premier jour me tirerait toujours vers le haut. Il faut croire que je me suis trompée. Ça ne suffit pas.»

Les mots lui coûtaient, et une part d’elle regrettait déjà de les avoir laissés sortir. D’un côté parce que c’était admettre qu’il avait raison, de l’autre parce que c’était avouer qu’elle aussi, le surveillait de loin depuis des années. Elle reprit, avec un mélange de défi et de résignation :

« Si tu veux la première place, prends-la. Garde-la. Je n'en veux pas. Pas plus que je ne veux de ta pitié. »

Elle fit mine de se détourner, mais dans un élan qui lui échappa, elle resta sur place devant le mur opposé, le visage tourné vers lui, ses yeux rencontrant enfin les siens, remplis de tout ce qu’elle ne voulait pas dire mais qu’il semblait déjà avoir deviné.

ft. @Siobhán Gavalagh-Korrigan


Alors que Siobhán se tournait vers lui, Hamza la fixa, pétrifié par ses mots. Il s'était attendu à une réponse cinglante, à une réplique empreinte d’un défi hautain, mais sa réplique dépassait tout ce qu’il aurait pu imaginer. La jeune fille s’exposait comme jamais, chargeant chacun de ses mots d’un mélange de colère, de tristesse et de quelque chose qu’il n’arrivait même pas à définir. Si Hamza avait été intéressé de voir jusqu’où le désespoir avait plongé sa rivale, il en avait à présent un léger aperçu. Mais l’étudiant n’avait pas eu cette curiosité malsaine et il se retrouva muet devant sa souffrance.

Encore quelques jours auparavant, il en aurait profité pour riposter, lui rappelant qu’il navait cherché ni sa pitié, ni son avis sur les décisions qui lui revenaient. Mais il n’y avait plus vanité dans son regard, ni aucun éclat triomphant. Seulement un vide qui le rendait profondément mal à l’aise.

Devant les cils chargés d’humidité de la Serpentard, il avait pudiquement détourné le regard en laissant le silence répondre à ses éclats de voix. C’était comme voir une licorne se blesser mais chercher cependant à trotter aussi dignement que possible… Une scène à laquelle nul n’était censé assister…

L’étudiant finit par s’éclaircir la gorge, plus pour briser ce silence qui allait menaçait de les engloutir dans une prison de glace que pour répondre quoi que ce soit. D’ailleurs que pouvait-il répondre ? Plus aucun mot qui allait sortir de ses lèvres n'était prémédité. Et sa voix, habituellement toujours assurée, tremblait légèrement.

- Tu crois que je veux te voir abandonner ? Que tout ça, ce... ce combat, cette rivalité... ne veut rien dire pour moi non plus ? Tu crois que je serais encore là, enfermé avec toi dans ce cachot à ressasser tout ça, si je voulais simplement te voir me tourner le dos et déclarer forfait ?

Il s’avança d’un pas, hésitant, mais une détermination nouvelle prit le dessus sur son trouble intérieur. Tout ce qu’il avait jamais fait à Poudlard, chaque victoire, chaque effort… Tout ça pour qu’elle le regarde, qu’elle le pousse à être meilleur encore… Non, il ne la perdrait pas sans se battre !

- Tu crois que tu n’as plus rien à prouver, que notre compétition est vide de sens ? Tu te trompes… Tu es meilleure que moi, tu l’as toujours été, même dans tes pires moments. Et c’est précisément pour ça que j’ai besoin de toi à mes côtés.

Sans elle, qui savait ce qu’il adviendrait de lui ? Ses poings se serrèrent, comme s’il se battait contre une émotion qu’il refusait d’admettre. Sa voix baissa d’un ton, presque un murmure, mais chaque mot l’écrasait toujours un peu plus.

- Siobhán, je n’ai pas de pitié pour toi. Je ne t’en ai jamais voulu pour tes absences ou tes faiblesses, parce que je sais ce que tu vaux. Mais ne me demande pas de prétendre que ce qu’on a tous les deux ne compte pas. Même si ça n’a jamais été autre chose qu’une guerre froide, tu n’as pas le droit de m’enlever ça.

Il s’arrêta, croisant enfin son regard. Les yeux de Siobhán, encore brillants de larmes, lui firent l’impression de se faire foudroyer su place. Ce fut étonnamment un tourbillonnant sentiment de colère qui l’envahi, formant une boule au creux de ses entrailles qui menaçait d’exploser à tout moment. Inspirant lentement, l'étudiant s’intima au calme et parvint à reprendre sur un ton presque placide.

- Je ne prendrai pas la première place parce que ce n’est pas ce que je veux. Ce que je veux, c’est que tu sois là, que tu sois toi-même.

Pas cette... ombre qu’elle était devenue ces derniers temps. Il fallait qu’elle se batte ! Qu’elle se batte de toute ses forces ! Hamza détourna le regard, incapable de soutenir plus longtemps le poids de leur échange. Il passa une main dans ses cheveux sombres, cherchant désespérément à retrouver son masque d’arrogance, mais il était parti, balayé par les vérités qu’ils s’envoyaient à la figure comme des sortilèges impardonnables.

- Je t’attendrai, répéta-t-il comme une rengaine. Peu importe combien de temps il te faudra pour te retrouver. Mais ne me demande pas de t’oublier ou de te remplacer. Parce que ça, je ne pourrais jamais le faire.

Enfin, le jeune homme recula d’un pas, laissant sa délcaration planer entre eux, preuve de la nouvelle ligne qu'il venait de franchir et derrière laquelle il ne pourrait plus jamais se réfugier. Pour la première fois, Hamza El Mahdi n’essayait pas de gagner.

ft. @Hamza El Mahdi


Le petit feu qui crépitait sagement dans son coin ne suffisait plus à conférer à ces lieux un semblant d’âme.

Il existait sans doute une dizaine de solutions différentes pour sortir de ce cachot froid et humide. D’un bout à l’autre du château, Flinky aurait adoré voler au secours de Siobhán. Seul dans son grand bureau, le directeur Korrigan n’attendait qu’une note de sa fille dans ce long silence qui les opposait. Hamza avait son père sur qui compter, et probablement quelques amis qui auraient immédiatement rappliqué en apprenant avec qui il était enfermé, et sachant combien il la détestait, au fond.

Mais qu’il fut question de fierté ou de volonté, ni Siobhán ni Hamza ne semblait vouloir vraiment mettre les moyens nécessaires pour regagner leur  liberté — et ce même s’ils avaient ouvertement clamé le contraire à qui voulait bien l’entendre.

Car sans le savoir, en croyant les piéger dans la farce de leur vie, Peeves leur avait donné ce dont ils avaient besoin : un moment de solitude partagée pour enfin vider ce qu’ils n’avaient jamais pu exprimer.

Hamza El Mahdi se prêtait volontiers à l’exercice, dépassant même largement ce dont sa rivale du premier jour le croyait capable. Comme sur beaucoup d’autres sujets, il faisait mieux qu’elle. Encore. Tout le temps. Il s’y prenait si bien d’ailleurs, que ses aveux la laissèrent un instant sans voix. Ou peut-être était-ce regard noir dont elle n’avait jamais vraiment pris la peine de détailler les nuances.

Car au fil des ans, elle s’était chargée de peindre elle-même son portrait dans sa tête. Tout ce qu’il pouvait montrer de sa personne qui s’en écartait ne pouvait être réel. Il n’y avait que son visage fermé, ses lèvres closes et muettes, son attitude hautaine et suffisante, ses gestes rythmés, son écriture régulière, ses réponses plus pertinentes que les autres aux questions qu’on lui posait, et celles toutes aussi pertinentes qu’il posait aux enseignants. Elle s’en était construit une image si précise, ni nette, sans aucun flou, qu’elle n’aurait jamais su dire de quoi était fait son sourire, ni même l’étendue de son vocabulaire. C’était tellement plus simple de rester cantonnée à ce qu’elle avait cru savoir de lui, que de chercher à voir au-delà des apparences. En cela, Hamza lui donnait une bonne leçon. Il était bien plus sensible qu’elle aurait jamais pu le penser, nettement plus à l’écoute qu’elle l’aurait imaginé. Il avait tous les arguments pour la convaincre, à cela près qu’elle n’était pas prête à entendre quoique ce soit, ni à lire entre ses lignes ce qu’il s’évertuait pourtant à lui expliquer avec ses mots à lui.

C’était plus rassurant de côtoyer une peinture qu’une vraie personne.

« Tu ne comprends pas… », commença-t-elle, au bord du précipice alors qu’il s’était enfin détourné d’elle, l’aidant inconsciemment à reprendre ses esprits après l’avoir étrangement hypnotisée le temps qu’il parlait. « Tu ne peux pas comprendre. »

Comment pouvait-elle espérer qu’il le puisse ? Après tout, Hamza n’était pas censé être au courant de ce qui lui était arrivé. Puisqu’il ne lisait pas le journal de Chelsea, il n’avait pas eu vent des rumeurs qui courraient sur la flamme naissante avec son meilleur ami, qui avait enragé Edel au point de tout arrêter, du jour au lendemain.

Il ne pouvait pas savoir que son premier amour l’avait laissée sur le quai de la gare avant de monter dans le premier train qui s’était présenté, sans jamais lui dire où il allait. Et elle, d’en bas, sombre idiote qu’elle avait été de croire qu’il existait autant de formes d’amour qu’il y avait d’êtres pour s’aimer sur terre, n’avait eu d’autre choix que de le laisser faire, regardant une partie de son âme monter à bord avec lui.

Plongée dans ce souvenir à vif, elle serra les poings, cherchant à contenir coûte que coûte le flot d’émotions qui menaçait de l’emporter.

Une larme roula le long de sa joue, et cette fois, elle ne chercha même pas à la cacher.

« J’ai tout gâché, Hamza. Tout ce que j’avais… il n’en reste rien. Et toi, tu veux que je continue à me battre contre toi, comme si le jeu avait encore une chance d’être faussement équilibré, comme si ça pouvait encore changer quelque chose, comme si tout pouvait redevenir comme avant ? Les cours, les intervenants, les notes, les devoirs. Tu ne vois que ça en moi, parce que pendant longtemps c’est ce que j’avais de mieux à montrer. À te montrer. C’était encore le cas jusqu’à il y a peu, parce que le reste est sans intérêt. Mais aujourd’hui, je n’ai même plus ça pour toi. Je n’y arrive plus… »

Il avait réussi. À cause de lui, ou grâce à lui, elle avait flanché, exprimant des trémolos de sa voix le ressentiment qui la faisait agoniser à l’intérieur.

Mais ce sentiment libérateur n’était rien comparé à la peur du constat effarant qui se dressait devant elle : sa combativité, l’amour du jeu et de la gagne, son envie de se surpasser, sa bataille sans fin avec Hamza ne suffisait plus à la tirer vers le haut.

Et même son discours qui avait pourtant tout pour lui donner envie de prendre la main qu’il lui tendait ne suffisait pas.

Dans son sillage, il n’y avait plus que la trace de son ombre. Mais ça, Hamza le savait déjà. Il l’avait vu de ses propres yeux.

« Tu veux que je sois... "moi-même", mais comment faire si je ne sais même plus qui je suis ? »

Si Hamza avait tenté de lui faire passer un message bien au-delà de la valorisation de ses compétences et de sa présence — même éloignée — à ses côtés, il y avait les prémisses d’un appel à l’aide entre ses lignes à elle.

Mais elle avait trop de fierté, et ses propres mots venaient de lui échapper.

Et pour mieux le lui faire oublier, quoi de mieux que de s’enfuir à son tour ?

« Flinky. »

Une simple mention de son prénom suffit à faire apparaître le petit elfe de maison gringalet à ses côtés.

Comme à son habitude, il se montrait digne, le menton relevé, bien qu’on pouvait voir qu’il était peu inquiet de trouver Siobhán enfermée dans un cachot, les yeux rougis par des larmes fugaces.

« Peux-tu nous faire sortir d’ici je te prie ? »

Elle n’eut pas besoin d’en dire plus pour que la créature s’exécute.

Pendant qu’il s’approchait d’elle pour lui tendre son bras, la Korrigan s’évertuait à fuir le regard de celui qui devait la sonder en ce même instant.

« Cesse d’attendre après moi. Tu perds ton temps et tu vaux cent fois mieux que ça. J’avais déjà un doute depuis la soirée de Noël, il y a deux ans, mais maintenant… Maintenant j’en suis sûre. »

…Tu vaux cent fois mieux que moi, se retint-elle d’ajouter en lui faisant face, de l’autre côté des barreaux, désormais convaincue de n’être bonne qu’à décevoir.

« Attends très exactement cinq minutes avant de le libérer, s’il te plaît », ordonna-t-elle poliment à Flinky, fuyant toujours son regard qui devait être plus noir que jamais.

Ainsi, elle aurait tout le loisir de s’éloigner avant qu’il ne se mette en tête de la rattraper.

Il n’y avait plus qu’à espérer que le château était assez grand pour qu’il ne puisse retrouver sa trace, les heures, puis les jours qui suivraient.