Dark secrets bring us closer

Le sorcier surprit Adil qui ne parvint pas à prendre prise pour l'immobiliser comme il l'avait appris. En deux en trois mouvements, le kabyle se retrouva à côté d'Apolline, l'air hagard, le regard un peu perdu. Il tourna machinalement la tête vers la préfète de Gryffondor alors qu'elle lui prenait le poignet avec douceur pour lui demander si ça allait, et qu'elle s'excusait pour tout ça.

Adil secoua la tête. Ce n'était pas de sa faute. Il le savait. Ce qui se passait était uniquement de leur faute à tous les deux. S'ils n'avaient pas foncé tête baissé en avant, probablement qu'ils n'auraient jamais pris la direction de la forêt interdite sans prévenir un professeur ou quelque chose dans ce goût-là de leur visite dans la forêt interdite.

Mais ils étaient dans une mauvaise passe, et très clairement, Adil ne parvenait pas à réfléchir convenablement à la situation. Que pouvait-il faire pour les sortir de là ? Il n'y avait rien à Poudlard qui leur permettait de savoir comment réagir à ce genre de situations, et c'était probablement un problème. Même le cours de Duel était tellement en dessous de ce qu'il voyait être une véritable situation qu'Auror, Brigadier et autres devaient voir tous les jours.

Trois flèches jaillirent dont ne savait où. Adil vit le visage des sorciers surpris à nouveau. Apolline réagit bien plus vite que lui, et aussitôt, après une roulade, elle se releva pour pointer sa baguette sur les sorciers. Un Bombarda particulièrement bien placé suffit à les souffler.

Adil saisit sa main, et aussitôt, ils se mirent à courir pour leur vie.

Derrière les deux Gryffondor, les sorciers se relèvent tant bien que mal. Celui du milieu est celui qui souffre le plus. Il parvient à peine à se lever, mais aussitôt, il tombe à genou, visiblement trop sonné.

Adil et Apolline prennent de l'avance, mais les sorciers tendent leur baguette vers eux pour leur lancer plusieurs maléfices, dont un éclair vert.

C'est à cet instant que jaillirent trois centaures. Celui qui porte un bouclier se met en avant, faisant rebondir le sortilège de mort sur un arbre qui explosa sous la puissance du maléfice. Nul doute que le bouclier a des propriétés magiques.

Les deux autres tendent leur arc, et deux flèches jaillirent.


Mais Adil et Apolline ont à peine le temps de se rendre compte que les centaures de la forêt interdite leur ont sauvé la mise. Pour des raisons qu'ils ignoreront encore un moment, ils étaient sortis de leur cachette, eux qui ne se mêlaient jamais aux sorciers, pour les protéger. De quoi réfléchir.

Lorsqu'Adil et Apolline arrivèrent à l'orée de la forêt et qu'ils continuent leur course vers le château, un énorme corbeau fantomatique vole au-dessus d'eux, effleurant volontairement leurs épaules de ses serres qui étaient plus tangibles qu'ils ne pouvaient l'imaginer en voyant l'aspect du corbeau une fois qui leur passe au dessus d'eux.

L'instant d'après, le corbeau disparait dans les cieux obscurcis.

Adil et Apolline semblent en sécurité.

Dire qu'ils devaient juste réviser. C'était ce qu'Adil se disait lorsqu'ils se mirent à courir comme si Gog et Magog sortaient des enfers pour les chasser. Apolline et lui tournèrent la tête pour voir un groupe de centaures s'interposaient pour les protéger des sorciers. C'était donc d'eux les flèches, se disait Adil en reprenant sa course, courant le plus vite possible tout en remerciant le ciel d'être suffisamment sportif pour tenir la course. Apolline se débrouillait bien aussi. L'instinct de survie était fort chez les deux Gryffondor. Si Jameson avait été présent, il aurait probablement dit qu'ils n'étaient pas si abrutis que ça, en fin de compte.

Ils arrivèrent à l'orée du bois. Adil sentit comme un second souffle l'envahir, lui redonnant un coup de boost. La distance qui les séparait du hall d'entrée du château était encore longue, mais il s'en fichait bien. Il serra un peu plus fort la main d'Apolline, bien décidé à ne pas la lâcher, quitte à devoir la prendre sur son dos si le besoin se faisait sentir. Mais lorsqu'ils se mirent à courir, un puissant rapace vola au-dessus d'eux, faisant claquer ses serres, les menaçant de les attraper. Adil ne ralentit pas sa course, fermant juste les yeux pour prier que le volatile ne les attraperait pas.

De sa baguette magique, Adil lança un Lumos Maxima comme s'il espérait l'éblouir, le rendre aveugle pour le faire fuir. Il ne saura jamais si cela réussit, mais en tout cas le corbeau remonta vers la voûte céleste pour ne pas revenir vers eux.

Cela ne les empêcha pas de gravir les marches du perron avec l'énergie du désespoir. Lorsqu'ils entrèrent dans la hall d'entrée, Adil se dépêcha de refermer les portes derrière eux tandis qu'Apolline rendait son repas du soir.

Adil agita sa baguette magique pour faire disparaître le vomi de la préfète. Il posa son dos sur le bois de la porte, se laissant glisser le long de celle-ci, la fatigue s'abattant sur ses jambes, puis ses épaules. Son souffle était encore rapide, peinant à le calmer afin de retrouver une certaine stabilité. Si l'idée de rejoindre la tour de Gryffondor lui traversa l'esprit, ses jambes lui firent comprendre qu'il allait d'abord devoir prendre cinq minutes pour se reposer.

Il ne fit même pas attention lorsqu'Apolline jura. Il était dans le même état de choc. Ce soir, ils avaient vu des choses qu'il était presque sûr de devoir garder pour eux. Les gens qui accompagnèrent Mia à une mort certaine étaient aussi dans le château, ils allaient probablement devoir profil bas. Il posa son regard sur Apolline, acquiesçant silencieusement ses propos.

Oui, ils avaient failli mourir. Adil ferait une prière pour ces centaures qui les avaient sauvés d'une mort certaine. D'ailleurs, le fait de savoir qu'ils avaient interféré avec les affaires des sorciers le fit réfléchir. Ce n'était peut-être pas le moment, mais ils ne pouvaient s'empêcher de se rappeler du cours sur ces puissantes créatures. Leur professeur leur avait dit que jamais ils ne se mêlaient aux sorciers pour des raisons évidentes (le passé tumultueux entre les deux espèces, nldr.). Mais lorsque cela arrivait, alors, quelque chose de sombre s'annonçait.

Il ne jugea pas bon d'alarmer Apolline là-dessus. De toute façon, Adil était quasiment sûr qu'elle y avait pensé, ou qu'elle allait y penser quand toutes les émotions de la soirée seraient redescendues.

Lorsqu'elle prononça le nom de Mia, Adil sentit un haut-le-cœur le saisir. Il ne put s'empêcher de roter, faisant des efforts surhumains pour ne pas recopier Apolline alors qu'il revoyait la scène de sa mort.
« - Je sais pas. Je sais pas si on le dit, je sais pas si... T'as bien vu, il y en a dans le château de ces fous ! Ils tiraient Mia comme... » À nouveau, un haut-le-cœur le saisit. Il leva la main vers Apolline, comme s'il lui demandait quelques instants pour se reprendre.
« - Imagine si un de nos professeurs fait partie de... Ça ? »
Ils n'avaient rien vu. Aucun visage, sinon celui du bourreau. Adil tressaillit. Son visage anguleux lui donnait un petit air surnaturel dont il se souviendrait probablement toute sa vie.
« - On devrait commencer par aller manger un truc avant de se rendre dans la tour. »

Adil se releva tant bien que mal, s'appuyant sur l'épaisse porte de bois, avant de s'approcher d'Apolline. Il lui tendit la main.
« - Tu vas pas me coller si je te propose d'aller faire un tour dans les cuisines, hein ? »
C'était une blague pour essayer de détendre l'atmosphère. C'était peut-être trop tôt, mais il avait besoin de relativiser, de ne pas s'enfoncer dans ces ténèbres, dans cette noirceur qui avait failli les engloutir. Il leur fallait en discuter tranquillement, et ce n'était pas ici, à la vue de n'importe quel préfet ou professeur, qu'ils pourraient le faire.

Adil resta silencieux. S'ils les avaient vus, alors oui, il y avait à craindre. Il espérait que l'obscurité de la forêt interdite allait jouer pour eux, histoire que leur soirée ne soit pas aussi merdique qu'elle en avait l'air. Pourtant, Adil n'avait rien à ajouter pour lui remonter le moral quand le sien était très certainement proche du noyau de la Terre. Il soupira, exténué. L'idée de monter les sept étages les séparant de la tour Gryffondor ne lui donnait pas envie de se lever de là. Pourtant, c'était peut-être la meilleure chose à faire. Son corps était rompu par la fatigue, il le ressentait, mais son esprit était encore en ébullition. Dormir maintenant lui serait impossible.

Alors il lui fit la proposition d'aller manger un truc dans les cuisines. La réaction d'Apolline le fit éclater de rire.
« - Je sais, je sais... » Le corps mutilé de Mia lui revint en tête. « Mais j'ai besoin de manger. J'ai toujours mangé après... Quand je faisais énormément de sports. Je pourrais pas gravir les sept étages comme ça. Ou alors, tu me portes. »
Il avait beau sourire, ou même rire, comme il le fit précédemment, son visage restait rompu par la fatigue, abimé par le traumatisme qu'il venait de vivre.

Apolline saisit la main d'Adil en lui faisant une remarque bien sentie, mais légitime. Lorsqu'elle lui avoua ne pas vouloir dormir seule ce soir-là, Adil lui serra un peu plus fortement la main (aucune idée coquine en tête).
« - Je pense que je dormirais pas de toute façon. »
Il lui fit un sourire empathique avant de l'amener doucement vers les cachots tout en prenant la direction des cuisines. Adil faisait le gros dur, mais il était loin de l'être.

Un silence réconfortant les entourait à présent. Il n'y avait pas grand-chose à dire, de toute façon. L'écho des cachots porterait leurs morts bien trop loin pour que cela ne restât qu'un secret. L'idée d'être surveillé ne lui plaisait pas, mais il espérait que les choses se tasseraient d'elles-mêmes, sans trop savoir ce qui allait se passer la pauvre Mia.
« - J'arrive pas à jauger ce que ça pourrait nous causer d'en parler. Ils ont l'air de n’avoir peur de rien et... »
Un meurtre dans la forêt interdite tout de même.
Adil laissa sa voix mourir avant de voir le tableau à coupe de fruits apparaître lorsqu'ils tournèrent à droite. Les cuisines étaient là.

Adil lâcha la main d'Apolline pour caresser la poire qui s'anima, chatouilleuse. La poignée apparue, Adil la saisit et ouvrit la porte qui apparaissait devant eux. Ils entrèrent dans les cuisines de Poudlard pour y voir une bande d'elfes de maisons, curieusement vêtue d'un uniforme de cuisine aux couleurs du château.
« - Je prendrais bien du coca, mais je doute qu'on en trouve ici. » Fit Adil, en regardant Apolline qui ne devait probablement pas connaître cette boisson.
Un elfe de maison s'approcha d'eux avec un sourire enthousiaste.
« - Monsieur et madame désirent quelque chose ? »
Adil sourit.
« - Quelques fruits pour moi, et toi, Apolline ? »
L'elfe disparut avec leur commande.

Adil lui montra une petite table. Il s'assit sur le sol, se grattouillant sa barbe naissante l'air las.
« - Si on en parle, on risque d'attirer l'attention sur nous... T'as une idée de quoi faire ? »
Il avait beau tourner le problème dans sa tête, il ne voyait aucun moyen de s'extirper de ce problème. Cette peur de finir comme Mia le perturbait. Il n'avait jamais été confronté à une pareille situation. Que devaient-ils faire ?

Adil comprenait cette fatigue dont Apolline lui parlait. C'était quelque chose qu'il ressentait aussi. Il ne releva pas, préférant laisser glisser, bien qu'il eut hoché la tête. Il avait entendu, il comprenait, c'était tout ce qu'il pouvait faire. Que pouvait-il faire d'autres sinon l'inviter à le suivre dans les cuisines histoire de manger quelques fruits pour essayer d'activer un peu son corps meurtri par un effort dont il n'aurait jamais pensé fournir dans sa vie ? Se battre pour sa vie, c'était quelque chose qu'il avait toujours plus ou moins fait depuis l'apparition de ses pouvoirs dans les montagnes kabyles. Pour autant, se battre pour survivre, avec des gens qui souhaitaient intentionnellement vous tuer au moindre faux pas, c'était quelque chose de différent, de fatiguant, autant pour le corps que l'esprit qui, en plus, à cause de cette fatigue et de ces évènements, s'enfonçait dan une espèce de paranoïa sur laquelle il n'avait aucune prise.

Sauf la main d'Apolline qu'il avait serrée, comme un ersatz de cette peur qu'ils avaient enduré, celle d'être séparé, voire pire.

Elle demanda à cet elfe de maison un verre de jus de citrouille. Adil eut un sourire amusé, avant d'aller s'asseoir à cette petite table où les tabourets étaient trois fois trop petits. Il le mit contre le mur, s'allongeant sur le sol. De toute façon, il était plus que propre. Les elfes ne déconnaient pas sur la nourriture et la propreté. Leurs conditions de vie avaient beau avoir changé, s'être améliorées, ils n'avaient pas changé sur leur travailles toujours exemplaires.

Adil entendait bien les paroles d'Apolline. Il était d'accord, hochant positivement de la tête lorsqu'elle lui dit qu'il leur fallait tout de même faire quelque chose. C'était important. Mia était morte. Sa mort ne devait pas être vaine. La vision de son visage mort, retombant sur son torse où la dague était plantée. Il eut un frisson de dégout, mélangé à une peur irrépressible.
« - On commence par où ? Tout ce que je me souviens de... De tout ça, c'est que Mia voulait se tirer. On peut supposer plein de choses, mais on n’en saura pas plus. »

L'elfe de maison revint avec une coupe de fruits et un pichet de jus de citrouille avec deux verres. Adil eut un sourire plein de gratitude. Ce dernier s'inclina poliment avant de disparaître après leur avoir dit que s'ils avaient besoin d'autres choses, qu'ils n'hésitent pas.

Adil prit un abricot qu'il coupa en deux pour en retirer le noyau.
« - On peut faire quelque chose... Peut-être fouiller dans les affaires de Mia ? Mais faudrait pas se faire prendre. Si jamais on s'fait choper, on va être lié à... ça. »
Il ne voulait pas revivre cette situation. La raconter, c'était se replonger dedans, c'était entendre la peur et les cries de Mia, c'était aussi voir son assassinat macabre et cette petite boule lumineuse être extirpés de ses lèvres. Un frisson parcourut son échine malgré la température plus qu'agréable des cuisines de Poudlard.
« - Et cette petite boule lumineuse... Je suis sûr d’en avoir entendu parler quelque part. Tu sais ce que c'est ? » Murmura Adil, comme s'ils étaient encore dans cette forêt.

Adil médita ce que venait de dire Apolline. Il ne connaissait pas Mia si bien qu'il ne l'aurait voulu. Elle était plus âgée, toujours très engagée sur différentes causes. Un peu comme sa cousine Lucy. C'était d'ailleurs pour cela qu'il ne lui avait jamais trop parlé en plus des deux années qui les séparaient. Avoir Lucy comme cousine suffisait à se tenir loin de ce genre de personnes quand on n’y était pas obligé. Et pourtant, il l'adorait sa cousine. Ils avaient beaucoup de choses en commun, notamment leur goût pour la lecture romantique.

Le Kabyle sursauta quand il vit que la fille de Dunn se tapait le front. Il ne s'attendait pas à la voir aussi investie, lui qui mangeait son abricot d'un air fatigué. La fatigue commençait enfin à conquérir ses pensées. L'idée de dormir dans les cuisines lui avait déjà même traversé l'esprit. Mais Apolline se rendait compte qu'elle pouvait se rendre dans le dortoir de Mia sans avoir à trop se justifier grâce à son insigne de préfète. Adil se redressa, l'air intéressé, comme si ce fut le coup de jus qui lui manquait pour continuer l'enquête.

Mais alors qu'Adil s'apprêtait à lui proposer de s'y rendre, Apolline le regarda avec horreur en se rendant compte qu'ils avaient laissé son corps derrière eux. Le Gryffondor baissa le regard sur les fruits. L'idée d'y retourner, surtout maintenant, ne lui plaisait pas du tout. Il sentit de nouveau la peur l'envahir, la peur pour sa vie, pour leur vie et lui étreindre le myocarde. Il se força à choisir un fruit, n'importe lequel, pour essayer de se changer l'esprit, de se rattacher à quelque chose de bien, de chaleureux, quelque chose qui lui ferait du bien.

Saisissant un autre abricot, il lui parla de cette boule lumineuse qu'ils avaient vu sortir des lèvres de Mia. Apolline ne mentait pas quand elle disait qu'elle ne trouverait probablement pas le sommeil. Son cerveau était bouillant.
« - Ah oui... »
Donnant une tout autre dimension à l'horreur qu'ils venaient de vivre, l'idée de voir l'âme de Mia ne jamais trouver la paix le fit tressaillir, malgré la chaleur de la pièce.
« - Je sais pas. Je sais vraiment pas. Ça doit être une forme de magie noir vraiment sombre... »
Le Gryffondor ne faisait pas avancer la conversation. Contrairement à Apolline et sa mémoire eidétique, Adil n'avait pas cette capacité de tout enregistrer comme ça. Les évènements récents, puis la fatigue venant, il lui était impossible de pousser la réflexion aussi loin.

Adil prit une pêche qu'il entreprit d'ouvrir en deux avec un couteau. Mais de ses mains stressé, il se rentra la lame dans le pouce.
« - Aïe, putain. » Fit-il, aussitôt, en lâchant la pêche et le couteau sur la table, tout en pressant son pouce avec son autre main, le liquide vermeil s'échappant de ses doigts.

Un haut-le-cœur le saisit alors qu'il revoyait le sang de Mia s'échappait de ses orbites et de son torse. Il serra les dents, rajoutant :
« - C'est rien, c'est rien. »
À se demander s'il n’essayait pas plutôt de se convaincre que de rassurer Apolline. Il saisit une serviette où il enfonça son doigt tout en serrant fortement le tissu. Il sortit sa baguette qu'il pointa sur son pouce droit et incanta un ferula qui devrait suffire.
« - Si on doit se rendre dans son dortoir, faut le faire maintenant. Lorsque sa disparition sera découverte, d'ici un ou deux jours, ça sera impossible. »
Il ne lui proposait pas de le faire tout de suite, mais... pourquoi pas, en vérité.