Ripples in the Sand

Asel haussa les épaules, froissée mais lucide.

« Ouais je sais... », grogna-t-elle entre ses dents. Entendre la femme aux serpents déblatérer sur le cassoulet et le fromage de tête lui avait tout de même donné quelques indices de son incompétence. C'était à se demander pourquoi @Yeleen Sô ne lui avait jamais rien dit. Peut-être était-elle un cas trop désespérant pour qu'on puisse envisager une quelconque amélioration.

Dans le loin, la femme aux serpents faisait sa tambouille et il semblait faire un peu moins froid même si ça l'aurait tuée de le reconnaître. C'était surtout qu'elle ne comprenait pas le but de tout cela. Que venait-t-elle faire, elle, en plein milieu du désert. Elle avait bien saisi qu'elle n'était pas le premier choix de ce Ryan, mais justement quel intérêt de la retenir indéfiniment, de lui faire voir du pays, de prendre soin d'elle ? Comme si elle n'avait finalement été qu'une invitée bien malgré elle.

La servante retomba dans son mutisme, ce qui acheva de rembrunir l'étrangère.

« Je ne vous comprends pas. Mon clan n'avait aucune querelle avec votre chef jusque-là. Quel intérêt pour vous de vous attirer plus d'ennemi tout ça pour les histoires de cul de votre patron ? »

Elle se fichait pas mal de choquer qui que ce soit. Dans sa mémoire, les paroles de la renarde était restée gravées. Tout ça pour des histoires de fesses. A se demander ce qu'Azkaban avait dans son sac à malice pour ce genre de cas...

Finalement la servante revint, sans faire grand cas de la conversation qu'Asel essayait désespérément de lancer. La jeune femme avisa les deux fioles qu'on lui présenter, écartant d'office l'une et l'autre.

« Je ferais avec la nausée et sans le sommeil merci. Les cauchemars... »

Mais elle ne termina pas sa phrase, portant son regard ailleurs. Les cauchemars elle commençait à en avoir vaguement l'habitude depuis quelques mois. Il lui suffirait de demander à sa mère la recette de sa potion de sommeil sans rêve si un jour elle avait le bonheur de la revoir. En tout cas pas question de toucher à n'importe quelle potion. Surtout pas venant de ce nid de serpents.

La drôle de sensation qui lui faisait tourner la tête lui disait déjà qu'elle regretterait cette décision mais plutôt crever que de plier. Ce n'était une petite nausée qui allait la tuer après tout. Le manque de sommeil, peut-être, mais elle ne voulait plus en perdre une miette.

« Vous n'avez pas répondu à ma question. Pourquoi vous interdit-on de parler ? J'ai vu que les jardiniers avaient eu la langue tranchée... »

Jardiniers ce n'était peut-être pas le terme mais elle comprendrait. Inutile d'essayer de lui faire croire qu'elle se trouvait dans un cinq étoiles car, pour scintillant que fut le ciel au dessus de leur tête, Asel ne s'y trompait pas : ici c'était l'enfer pas le paradis. Un enfer sournois qui ne disait pas son nom.

Elle ne savait pas bien ce qu'elle pensait de tout ça. Se taire par choix ou par punition ne rendait en rien l'endroit plus vivable. Tout ici lui hérissait le poil au point qu'elle se jurait déjà intérieurement de ne jamais remettre les pieds dans un désert. Elle se raviserait sans doute plus tard... et puis maintenant elle se demandait bien quelle genre de trahison pouvait être sanctionnée si durement. Pourquoi le mutisme plutôt que la mort, tant qu'à y être ? A ses yeux, cela tenait plus de la cruauté que d'autre chose mais ce que les diables qui vivaient dans ce nid de serpent estimaient être justice ne la concernait ni ne l'intéressait guère finalement.

Tout ce qui lui importait c'était de rentrer chez elle. De retrouver Adil, sain et sauf. Pouvoir enfin lever le doute sur ce qu'elle avait ressenti dans le hangar près de la mer.

« Pour vous qui vivaient au milieu du désert et des serpents ce n'est peut-être pas qu'une histoire de cul mais croyez moi, pour l'autre mal luné, Ryan, ça commence bien par une histoire de cul. Je sais ce que je dis. », rectifia-t-elle, balayant sans une once de prévenance toute intention de la renvoyer à son jeune âge. Elle avait déjà failli mourir une fois à cause des conneries de jalousie de ce Ryan. Et elle commençait à se découvrir une rancune tenace à son égard. Probablement plus forte encore du fait du lien particulier qui l'attachait à @Adil Mesli.

Finalement, elle secoua la tête, ramenant à elle ses genoux pour conjurer les températures détestables autant que l'envie de vomir qui commençait à se faire sentir. Elle était épuisée mais elle lutta presque jusqu'au point du jour. Ce fût un cauchemar, plutôt une vision d'horreur, qui la tira du sommeil où elle avait sombré. Elle ne put rien pour refouler le spasme violent de son estomac qui se tordait. Effet du poison ou de ce qu'elle venait de voir en rêve ? Difficile de se faire un avis.

A partir de là, la jeune femme se mura elle aussi dans le silence, réservant son énergie à se cramponner à la décision qu'elle avait prise de gérer cela seule. Par moment, quand elle touchait le fond, on l'entendait à nouveau fredonner entre ses dents cette curieuse chanson. Recroquevillée à même le sol, les bras enserrant ses genoux et le visage baigné de sueur et de larmes mêlées, elle ne se laissait plus approcher que lorsqu'elle atteignait cet état d'extrême fatigue où elle ne pouvait plus finalement qu'être spectateur de ce qui se passait autour d'elle.