Le regard d’Apolline se fit légèrement triste. Sa mère semblait avoir vécu un mariage arrangé comme elle-même allait sûrement le vivre aussi. Du moins, c’est ce qu’Apolline avait cru au début de la réponse de sa mère. Mais la fin la laissa dubitative. Et sa mère, elle, semblait songeuse. Y avait-il eu une histoire avant leur mariage ? C’était ce qu’Apolline comprenait et ce que sa mère venait de plus au moins confirmer. Même s’il n’y avait pas eu d’amour lors de l’annonce de leurs fiançailles, il y avait eu une forme d’attirance. La jeune femme ignorait s’il s’agissait d’attirance physique ou d’attirance intellectuelle. C’était une question encore plus personnelle qu’Apolline n’osait pas poser. Mais elle savait que l’attirance pouvait prendre plusieurs formes. Apolline était souvent attirée par les sorciers ayant de l’intellect. La beauté seule ne lui suffisait pas.
« Oh…Je vois. » répondit seulement Apolline, la voix perdant en intensité.
Sa mère était donc trop progressiste aux yeux des Dunn. Que devait-il en être alors du côté de sa famille ? Les De Clare ? C’était une famille tout aussi élitiste que les Dunn, dont le principe de la pureté du sang et de l’excellence n’était pas un choix mais quelque chose d’imposé. Maintenant que sa mère lui avait fait la confidence d’être trop progressiste aux yeux de sa famille, Apolline arrivait parfaitement à émettre des hypothèses sur ses envies de changement dans l’éducation. Pourtant, elle avait du mal à l’imaginer, elle avait du mal à y croire. Sa propre mère aurait ce genre de pensée ? Malgré son mari si conservateur ? Comment leur mariage pouvait-il donc tenir ? Il y avait tellement de questions qui se bousculaient dans l’esprit de la jeune sorcière mais elle décida de n’en formuler aucune à haute voix.
« Je pense avoir quelques idées. » répondit simplement la brune, dans un sourire en coin.
Finalement, sa mère et elle partageait peut-être encore plus qu’Apolline ne l’imaginait ! Ce qu’elle avait du mal à imaginer, par contre, c’est que son père puisse l’aimer. Non. En fait, Apolline savait que son père l’aimait…
« …mais il ne m’aimera jamais autant qu’il aime Thésée, n’est-ce pas ? »Elle savait que sa question resterait sans réponse. Sa mère ne parlerait jamais à la place de son père. Justement parce qu’il lui avait appris quand elle devait se mettre en avant et quand elle ne devait pas. Là…C’était à Adair de répondre à cela. Mais c’était une question dont Apolline connaissait malheureusement la réponse. Il était évident que Thésée aurait toujours la première place dans le cœur de leur père, qu’importe ce qu’Apolline ferait pour changer cela. Ça en était triste. Et pourtant Apolline ne voulait pas perdre l’espoir d’obtenir autant d’amour que Thésée. Là, en cet début de journée, elle avait eu l’impression de toucher cet objectif du bout des doigts. Il restait à voir comment cette histoire allait se passer. Apolline hocha la tête à chaque règle que sa mère lui annonçait. Notamment la deuxième règle. Celle de ne jamais se comparer à quelqu’un afin de ne pas se limiter. Toujours aller plus haut, plus loin. Ne pas vouloir se contenter de ressembler à quelqu’un. Être unique, être la meilleure. Tant de précepte qu’Apolline avait bien intégré, à Poudlard notamment. Mais comment l’empêcher de vouloir ressembler à sa mère ? Beaucoup de petites filles étaient dans ce cas-là. Mais Apolline gardait en tête les paroles de Love.
« Vous avez raison, mère. Moi, je veux devenir la meilleure. » lui releva-t-elle, plus déterminée que jamais.
Et si cela devait passer par dépasser sa mère, alors elle le ferait. Un sourire amusé vint de greffer sur le visage d’Apolline lorsque sa mère lui indiqua qu’elle deviendrait peut-être ministre de la magie si elle abordait la politique comme elle le faisait avec ses études. L’ambiance était détendue, ça faisait du bien.
« Mais avant que ce soit mon tour, faisons en sorte que père le devienne. » assura-t-elle avec un sourire qui grandissait petit à petit.
Et cela passait pas le fait de faire rayonner la famille, de ne pas faire de vague. Même si l’envie la démangeait depuis les attaques de Londres. Elle avait envie de tout faire exploser, de mettre un coup de pied dans la fourmilière pour que ça bouge, pour que ça avance, pour que ses amis soient retrouvés et les assaillants mis sous les verrous. Mais Apolline savait que si elle agissait ainsi, cela donnerait une très mauvaise image de la famille Dunn et pourrait faire chuter son père dans les sondages. Et c’était bien la dernière chose qu’Apolline voulait : être responsable de l’échec de son père. Si échec il y avait. Car bien évidemment, Apolline espérait que son père gagnerait. Il le méritait tellement et cela permettrait moins de laxisme sur certains sujets.
Gênée par la troisième règle de sa mère, Apolline passa une main derrière sa nuque. Elle ne tenait plus qu’à une main sa tasse mais vu la discussion qui s’amorçait, Apolline préféra la poser.
« J’essaierais. Mais ce n’est pas du tout évident. »L’émotivité d’Apolline était vraiment un problème. Se fermer à exprimer ses émotions était difficile. Pourtant elle savait que c’était un exercice auquel Apolline allait devoir se conformer. Peut-être pourrait-elle trouver des professeurs à Poudlard pour lui permettre un meilleur contrôle sur ses émotions ? Ou même dans ses proches et sa famille. Après tout,
@Lyssa de Clare et
@Alycia McWood, deux de ses cousines étaient de véritable armoire à glace. Il fallait vraiment qu’elle prenne conseil auprès d’elle.
Mais là, c’était trop. Apolline n’arrivait pas à empêcher son visage et son corps d’exprimer toutes les émotions qu’elle ressentait. Elle écarquilla les yeux en entendant le nom de
@James Grey, un voile de peur se lisant presque au fond de son regard. Puis elle fronça les sourcils en entendant le nom du jumeau d'
@Ana Souvorov . Si Apolline était amie avec cette dernière, elle avait énormément de mal à définir la relation qui la liait à Andreas. Un sourire amusé s’installa sur son visage en entendant le nom de
@Lyvan Phoenix. Mais ce sourire laissa place à un pincement au cœur en entendant l’avis de ses parents sur les Grimm.
Même si Apolline s’était toujours mise en tête que
@Michel-Ange Grimm et elle ne seraient surement pas un couple marié, d’où le fait qu’elle avait enfouie ses sentiments pour lui, l’entendre directement de la bouche de sa mère lui faisait beaucoup plus mal qu’elle ne l’avait imaginé. Elle pinça ses lèvres, retenant une émotion négative. Elle n’arrivait même plus à répondre. Elle n’arriva même pas à écouter convenablement la suite de la tirade de sa mère. Le seul mot qui était passé à ses oreilles était
étranger.
C’était comme si Apolline avait arrêté de respirer, que tout son monde avait arrêté de tourner. Elle osa regarder sa mère dans les yeux. Ses yeux à elle étaient humides. Elle n’arrivait pas à contrôler ses émotions, à les garder en elle. Fort heureusement, son salut fut la servante qui débarqua pour rappeler un rendez-vous à sa mère. Figée, impassible, Apolline sentit à peine le baiser que sa mère lui avait donné sur la joue.
Juste après le départ de Mme Dunn, la servante était revenue. Apolline était toujours figée, impassible, comme si la vie avait quitté ce corps. L’insouciance, l’innocence.
« Mademoiselle, vous allez bien ? » demanda poliment la servante.
Apolline, sans bouger, leva simplement les yeux vers elle. Puis brusquement, elle se leva de sa chaise, faisant presque un bond.
« J’ai besoin de prendre l’air. »Car elle en manquait cruellement. Sortir dans le grand domaine familial en pyjama serait surement mal vu par ses parents. Par chance, ils n’étaient pas là. Et là, Apolline étouffait littéralement. Comprendre qu’elle n’avait aucun avenir avec Michel-Ange, aux yeux de ses parents, lui avait fait coupé le souffle. Et elle avait besoin d’oxygéner de nouveau ses poumons pour ne pas tomber raide dans la salle à manger.