Début de ta seconde vie.
27.03.22
Le flottement, si doux. L’abandon, total. Le noir, partout. Le changement, brutal.
Le moment à partir duquel tu captes une différence, à l’instant où tu prends conscience de ton existence, tout part en vrille. Tu ne te sens plus bercée dans cet espace-temps infini.
Indéfini. Au contraire, tu ressens douloureusement les limites de ton corps. De ton esprit. Il n’est plus infini. Tu te retrouves cantonnée, limitée à une version de toi-même si minuscule dans l’univers.
Amputée de toi-même. Tu ouvres les yeux. Éblouie par la lumière et les murs blancs de cette chambre d’hôpital.
Tu sais que c’en est une. Tu sens cette odeur médicamenteuse de potion que se traînent tous les médicomages derrière eux.
Tu ne sais pas d’où tu le sais, mais cette connaissance est en toi. Le troisième sens qui te revient est le touché. Lorsqu’une infirmière pose sa baguette sur ton bras. Pour prendre tes constantes ? Tu ne sais pas. Le contact te gêne.
Une baguette pointée par un inconnu est synonyme d’attaque. Ta bouche semble pâteuse et tu refuses la potion que l’infirmière cherche à te faire avaler.
Tu sais qu’elles sont toutes très mauvaises. Puis enfin, tu entends toutes ces voix. Trop. Elles bourdonnent dans tes oreilles. Tu ne les comprends pas.
Alors tu fermes juste les yeux. Tentant vainement de retrouver cette paix que tu as quittée en reprenant conscience du monde qui t’entoure.
À ton second réveil, tu constates qu’il n’y a qu’une seule personne dans ta chambre. Vu la blouse blanche, tu en déduis facilement qu’il s’agit d’un médicomage. Il reproduit les examens que tu te souviens avoir eu juste avant. Plusieurs heures auparavant ? Tu ne sais pas trop, n’ayant pas la moindre idée du temps écoulé. La discussion te paraît plutôt floue. Et lorsqu’il te demande ton nom, ton prénom, ton âge, le lieu où tu te trouves, où tu résides, qui est le ministre de la magie actuel, tu es incapable de répondre. La seule certitude que tu possèdes, c’est d’être dans un hôpital. Et ce n’en est même pas une, plutôt une supposition.
Le verdict ne tarde pas à tomber. Tu es amnésique. Tu vas rester dans cette chambre quelque temps pour de plus amples examens pour tenter de découvrir si c’est une amnésie temporaire ou définitive.
Tu ne paniques pas tout de suite. Ne prenant pas vraiment conscience de l’impact de la nouvelle. Ce n’est que lorsqu’une femme blonde pénètre la chambre et cherche à t’emprisonner dans une étreinte, que la panique t’envahit.
Tu ne reconnais pas celle qui se dit être ta mère.•••
Tu apprends que tu t’appelles Fairbairn, que tu as 26 ans et tu vois ton apparence en te tenant devant un petit miroir dans la salle de bain. Tout ça, ça va. Tu te familiarises avec l’idée. Mais lorsque tu prends connaissance de ton prénom, Dee, rien ne va plus. Tu refuses catégoriquement de posséder une lettre en guise de prénom. Que tu sois amnésique ou non, tu ne comprends pas comment des parents peuvent manquer à ce point d’imagination, voire d’amour, envers leur progéniture pour leur infliger un tel supplice. Non. Tu refuses tout simplement.
Qu’il s’agisse du second prénom de ta grand-mère paternelle n’entre même pas dans la balance. Quitte à faire, pourquoi ne pas avoir choisi une couleur ou le nom d’une ville pendant qu’on y est. C’est exactement la raison pour laquelle tu as fait un pied de nez à ceux qui t’ont nommé ainsi en choisissant de t’appeler Blue à présent.
La blonde responsable de ta panique ? Ça sonnait bien mieux que London ou Paris à tes oreilles. Et puis, tu adores le bleu.
Tiens, voilà une certitude dont tu ne connais pas la provenance.Tes parents espèrent désespérément qu’en retrouvant la mémoire, tu retrouveras également l’envie de porter ton prénom. Ou cas échéant, si ça n’arrive pas, que de te retrouver entourée de tes proches, te fera revoir ton avis sur ce rejet complet.
•••
La vie en famille, puisque tu es retournée vivre chez tes parents pour ta convalescence, te semble en décalage. Comme si rien n’était naturel. Tu te sens étrangère avec ta famille. Malgré les efforts que tu fais, pour t’intégrer, tu sens une forme de rejet envers eux. Comme s’ils étaient des inconnus. Tu ne reconnais aucun de tes amis. Ayant même du mal à croire qu’ils le sont au premier abord. Pourtant, tu reprends des habitudes qui sont tiennes dont tu n’as cependant pas conscience, mais qui rassurent grandement tes proches.
Tu apprends également que tu es une passionnée de mode, que tu es même styliste dans une maison de haute couture réputée. Tu es plutôt sceptique face à ce point. Comme si quelqu’un te poussait dans une voie qui n’était pas faite pour toi. Pourtant, à la vue de ton portfolio, de tous tes dessins et de toutes tes créations, tu retrouves des flashs concernant ce point de ta vie.
Ce qui rassure autant ta famille que les médicomages. Ne perdant rien de ton talent, tu reprends tes crayons et ton carnet pour croquer les gens qui t’entourent. Tes doigts se souvenant mieux que ton cerveau des proportions pour dessiner un corps et l’habiller.
Tu reprends le cours de ta vie suite à ça. Avec encore des visites à Ste-Mangouste pour avoir un suivi médical complet. Pour tenter de débloquer de nouveaux pans de ta mémoire. Pour contrer le blocage concernant tout ce qui n’est pas professionnel. C’est lors de l’une de ces visites que quelqu’un a fait un commentaire comme quoi ton amnésie n’était peut-être pas naturelle, mais provoquée par la magie. Pourtant, les médicomages n’ont trouvé aucune trace de sortilège d’amnésie ni d’effet secondaire dû à une potion. Affirmant que si quoi que ce soit est responsable de cette amnésie, ce n’est pas leur domaine de compétences.
Tous des incapables. Si c’est un rituel qui en est à l’origine, c’est vers un briseur de sort que tu dois te diriger. C’est la seule piste que tu as pu obtenir d’une certaine Dr Jekyll. Et pourquoi ne pas compter sur Mister Hyde pendant qu’on y est…
Suite à ça, tu as décidé qu’ils ne pouvaient de toute façon rien faire de plus, alors autant t’économiser du temps et de la patience en cessant tout simplement de continuer des tests que tu as déjà fait et refait. Tu vas réapprendre à vivre et advienne que pourra.
Tu recommences à travailler depuis quelques semaines déjà et tout se passe pour le mieux.
Mis à part que tu ne reconnais aucun de tes collègues. Pourquoi en serait-il autrement pour le reste de ta vie ? Tu n’as après tout aucun problème avec les objets ou les connaissances acquises pendant ta scolarité
à Poudlard dans la maison serdaigle, comme ton père, une fierté qu’il tient à ce que tu partages, ou avant ou après.
Tu sais également que ta mère fait campagne pour le poste de ministre de la magie, tu l’as vu et entendu à la radio sorcière (RITM).
Lieu où elle travaille et dont elle est propriétaire d’ailleurs. Mais tu n’arrives pas à rapprocher le savoir qu’il s’agit de ta mère avec sa présence à tes côtés et son apparence. Comme si elle n’était qu’une étrangère.
Tu vas juste tenter de réapprendre à vivre et voir où tout ça peut bien te mener.