Enquête #1d : Magie interdite

Portée par Sekmet, Solvi vit passer sous les ailes du phénix des centaines, voire des milliers d’arbre. Elle la portait loin de tout ennui, à des lieues de Fergus qui ne pouvait s’extraire aussi facilement d’une situation aussi complexe. Lorsqu’une clairière se dessina sous elles, la créature se décida à poser là la tireuse d’élite avant de disparaître dans la direction opposée, celle qu’elles venaient même de quitter. Elle irait probablement porter secours à son maître, car un phénix n’abandonne jamais celui qui lui donne sa raison d’exister.

Solvi était exténuée, certainement ébranlée par ce qui venait de se passer. Cependant, elle ne prit pas le temps de se reposer. Elle n’accorda pas même un regard à la jolie clairière autour d’elle, bien plus verdoyante et vivante que ce trou où ils avaient été se loger. Dire qu’ils avaient marché ensemble, bras par dessus-bras, droit dans un mur en se voilant la face. Là, Solvi se releva et transplana directement en direction du Ministère.

Une fois arrivée, malgré tous les désagréments que provoquaient le transplanage, Solvi se mit à courir comme une dératée dans les couloirs et les escaliers du Ministère, poussant les portes qui menaient au bureau d’  @Adair Dunn.
« Monsieur le Ministre, monsieur le Ministre! » s’époumonait-elle alors que des gardes l’arrêtaient à quelques mètres du bureau. « Je vous en supplie, aidez-moi, aidez-moi… » Solvi ne suppliait jamais. Elle ne pleurait pas souvent non plus. Lorsqu’on la regardait, pour l’heure, elle n’avait que l’air d’une petite souris apeurée, les cheveux en bataille et parsemés de feuilles mortes, les yeux larmoyants, le visage particulièrement pâle.
Les gardes la laissèrent doucement tomber au sol alors que le silence du Ministre se faisait éclipser les murmures du personnel.

« Monsieur Dunn n’est pas là. Souhaitez-vous lui laisser une note? » Solvi leva la tête puis fixa le bonhomme avec des yeux qui auraient pu le foudroyer sur place.

Elle se releva puis détala en direction du bureau des Aurors, situé à plusieurs étages de là.
Totalement essoufflée et exténuée, Solvi poussa la grande porte, puis hurla dans un long sanglot de détresse « GABRIEL?! » Elle s’époumona avant de tomber au sol, inerte, exténuée.

(…)

Quelques minutes avaient passé avant que Solvi ne rouvre les yeux. Plusieurs collègues l’avaient encerclée pour prendre soin d’elle, et elle voyait déjà une équipe médicale pointer le bout de son nez au loin. « GABRIEL? » reprit-elle de plus belle.
« Gabriel n'est pas là pour l'heure. » Une vague d'incompréhension peignit son visage. Gabriel non plus n'était pas là? Dans un flot de délire, elle commença à se demander qui pourrait bien les aider. Elle agrippa un bout de tissu qui recouvrait le torse de l'un de ses collègues, là, juste à côté d'elle. Puis elle reprit dans un flot de larmes. « Fergus est resté dans la forêt, on a été attaqué, il faut nous aider. » Ce à quoi on l’enjoignit de se taire, de se reposer et de se laisser faire. La Nibelungen se contentait de secouer la tête, signifiant là son désir de transgresser les règles. Personne ne semblait agir à juste mesure. Profitant de l’arrivée de l’équipe, d’une mince inattention de l’équipe qui laissait sa place, Solvi transplana juste après avoir crié « Prévenez  @Braxton Clearwater et  @Marleen MacGregor dès que possible! »

(...)

Cette fois, elle n’était pas dans la clairière qu’elle avait quittée plus tôt. La voilà revenue pile au lieu de leur départ. Solvi s’accroupit au sol, rendant à la nature le contenu qui avait logé dans son estomac, puis marcha d’un pas hâtif mais bancal en direction de Fergus, déterminée à ne pas lâcher prise, à ne pas abandonner son camarade et son fiancé.


Dés réussis.

Le visage pâlit par la fatigue, la vision bancale étayée par un certain étourdissement, Solvi avançait au coeur de la clairière comme un enfant qui aurait tourné trop de fois autour d’un balai avant de se jeter dans une course effrénée. Là, pas de moment de gloire ne serait à gagner, aucune sucrerie ne l’attendrait sur la ligne d’arrivée. Solvi, mal en point, avançait bien plus vite qu’elle n’en devrait être capable, le coeur soulevé à l’idée que Fergus puisse être en difficulté ou, pire, sacrément amoché. Une simple égratignure sur la poitrine, ou une balafre au-dessus de son sourcil suffisait à lui faire montrer les dents lorsqu’il rentrait le soir, pour le plus grand plaisir du Clearwater qui aimait se faire dorloter et… osons le dire, aimait passer pour le héros de toute l’histoire. Solvi, elle, grognait un bon coup puis abondait en son sens. Il fallait admettre que quelques égratignures lui donnaient un charme certain et finissaient par séduire l’aînée des Nibelungen. Aujourd’hui, Solvi craignait que les blessures ne soient trop grandes. Jamais elle n’avait tant béni l’existence de Sekmet, ce Phénix qui lui volait la vedette à l’occasion. Pour une fois, elles avaient réussi à faire la paire. La date serait certainement à inscrire à l’encre rouge dans un calendrier si l’issue en était heureuse.

Sunny, un collègue, suivait juste derrière elle, bien plus frais et disponible qu’elle ne l’était en réalité. Sa volonté de fer la faisait avancer autant que possible. Peu de temps suffit à ce qu’il la dépasse, prenant ainsi la situation à bras le corps. Les Jagras furent décimés les uns après les autres, laissant place au Leshen qui ne fatiguait pas.

Une larme coula sur le visage de Solvi alors qu’elle apercevait Fergus au loin. Il se tenait là, debout, entier. Une vague de soulagement enveloppa son coeur, bien que la bataille ne fut pas achevée. Elle balaya les quelques gouttes sur sa peau claire avec son poignet alors que son fiancé arrivait à toute vitesse à leurs côtés. S'il le soulignait, elle dirait seulement s'être fait mal, quitte à s'inventer un mal imaginaire.

« Je suis du même avis, j’aimerais aussi éviter d’abîmer la forêt… » Endommager la nature qui l’accueillait d’ordinaire bras ouverts lui pinçait le coeur. Ce Leshen n’avait rien demandé, sa réaction aussi violente fut-elle. Ils étaient les étrangers, pas lui. Son regard croisa celui de Fergus qui y perçut l’importance de réagir rapidement. Ils ne pouvaient rester ainsi sans rien faire.

Le premier réflexe de Solvi fut de lancer un « Periculum », de sorte que l’on puisse les localiser rapidement. Pourvu que ce soit des renforts qui arrivent, et personne d’autre. Elle lança un « Diffindo » juste à côté de l’arbre que Fergus avait fait chuter pour agrémenter leur protection et réduire les possibilités de mouvement du Leshen. Pour le ralentir encore plus, un « Arresto Momentum » suivit en sa direction, permettant de leur laisser le temps de souffler davantage. « Viens par là toi au lieu de faire l’imbécile » dit-elle en attrapant le bras de son fiancé pour le soigner. Elle avait l’air concentré et ne le regardait pas dans les yeux, pourtant combien elle aurait aimé se jeter dans ses bras. Rares étaient les occasions où Solvi se montrait si douce. Elle mit toute son énergie à soigner ses plaies superficielles. Vidée de ses forces, la tentative de former une boule protectrice de feu autour d’eux échoua, pour son plus grand désespoir. Et pourtant, elle ne dirait pas qu’elle n’en pouvait plus, qu’elle se sentait prête à rendre un deuxième déjeuner qu’elle n’avait pas engloutit. Jamais elle n’admettrait avoir été mise en difficulté aussi aisément.

« Na Gwyrddlas Dyn ! »

La voix de la matriarche Cynfeirdd fendit l'air comme un coup de tonnerre. Preste et solide, elle venait de transplaner à quelques distances du petit groupe, le tir de détresse de Solvi ayant sans mal complété les informations que le patronus - un canard ? Sérieusement ? c'était ce qu'elle avait dit - leur avait donné.

Il était extrêmement rares que des étrangers s'aventurent dans la forêt d'Ysbryd. Sa mauvaise réputation suffisait généralement à la prémunir des indélicatesses des promeneurs mais il fallait croire que quelque chose avait mené tout ce petit monte à faire fi de sa première impression. La scène sur laquelle ils arrivèrent parlait d'elle-même et la colère du Leschi était plus que légitime. Sur les talons de la grande blonde, une meute de chiens glabres aux yeux luisants, tous crocs dehors, grondait menaçante. On aurait cru que ces horreurs aux longs doigts griffus étaient prêtes à déchiqueter le premier d'entre eux qui bougerait une oreille quel que soit son camp. Seul garant du carnage, Drustan le maître chien, se détachait à peine des ombres, trahi par les lumières de la belle flambée que les intrus avaient allumés pour se protéger des mauvais esprits comme leur hôte ici présent.

Le Leschi reporta un instant son attention sur la petite créature qui avançait vers lui d'un pas si assuré. On pouvait entendre le bois craquer d'indignation depuis le tréfonds de ses longs membres noueux. Finalement, lentement, il se tourna totalement vers la galloise et ils se toisèrent en manière de salut. A nouveau le bois craqua avec véhémence, dans un langage que les Cynfeirdd, du moins leur cheffe, semblait comprendre.

« Ceux-là ne sont pas de ma responsabilité mais j'apprécierai que tu les traite comme tels. »

Dans un grondement sourd, la créature rejetait la demande avec irritation. Aucun des Cynfeirdd ne broncha. A y bien regarder, aucun n'avait ne serait-ce que la main sur sa baguette et leurs armes, s'ils en avaient vraiment, ne se laissaient deviner nulle part.

« Ne déshonorons pas notre vieille alliance je te prie. »

A ces derniers mots, la créature renâcla d'un ton presque contraint. Le Leschi observa longuement le petit groupe de saccageurs puis celui des chasseurs puis il se mit à gronder à nouveau de colère, de rage avant de lacérer l'air de ses griffes. Maeve ne cilla pas. Elle reconnaissait déjà les signes du repli. Bientôt, ce fut toute la forêt qui se mit à craquer autour d'eux comme si quelque chose s'enfonçait profondément dans la terre. Le Leschi disparut dans l'obscurité tandis que les Cynfeirdd en sortaient.

Maeve embrassa les dégâts d'un regarde expert, posant sa main sur le tronc de l'arbre centenaire que les gamins avaient sacrifié à leur cause. Le Leschi attendrait réparation de tout cela. C'était une certitude.

« Des explications ne seraient pas de trop. », intima la cheffe de meute avec autorité.

Elle avait été plus amicale envers celui qu'elle appelait Gwyrddlas Dyn, dans son gallois natal.

« T’es sacrément bête quand tu t’y mets. On te tend une branche, tu prends tout l’arbre à la place. C’est pareil avec ta bêtise. » répondit-elle, le regard toujours blessé sur les plaies de Fergus. L’automne plus que frisquet du Royaume-Uni, accompagné des grosses couches de laines nécessaires sur le corps, avaient sauvé le Clearwater de blessures bien plus profondes. Solvi passait ses doigts sur les plaies tout en murmurant des sorts pour les aider à se refermer plus vite. « Si tu continues comme ça, j’appuierai sur tes plaies. » Elle s’arrêta pour lever le regard vers lui, d’un air sacrément taquin. « Par pure maladresse, bien sûr. » Elle grimaça lorsqu’il évoqua le personnel féminin de Sainte-Mangouste. La dernière fois déjà, Solvi y avait repéré deux ou trois jolis minois qui auraient pu lui voler la vedette. Et tout particulièrement l’une d’entre elle, une certaine  @Zahra Jekyll, qui n’avait pas manqué de toupet. « T’as raison, je devrais peut-être changer de vocation et te faire soigner par une jolie demoiselle alors que je drague le premier mec canon qui vient se faire soigner dans le service par mes petites mains. Juste sous tes yeux. Ça pourrait être pas mal comme scénario, non? » Quand Fergus cherchait, Solvi piquait. Paradoxalement, c’était aussi ce qui renforçait leur complicité.

Afin d’éviter l’attaque du Leshen, Fergus se jeta de tout son corps sur Solvi qui roula un peu dans la terre. Elle avait rarement eu l’air aussi débraillée. « Ça va, tu n’es pas bien difficile si ça ça te suffit. » affirma-t-elle, consciente qu’avec les branches qu’elle avait dans les cheveux, elle aurait aussi bien pu accueillir un nid de Jobarbilles. « Hm… Je me demande bien vers qui mon choix va se porter ceci dit… » glissa-t-elle, franchement amusée.

Mais la plaisanterie fut de courte durée. Devant Fergus se dressait une femme, une femme à l’allure solide. La voix qui résonnait dans la forêt était ferme, déterminée. La langue employée ressemblait à celle du vieux gallois. Très peu de familles parlaient encore ainsi. A en juger par la confiance qu’elle dégageait en ces lieux, ça ne pouvait être qu’une Cynfeirdd. Le Leshen recula à sa demande, sans nul doute à contrecoeur. Fergus, Sunny et Solvi n’étaient décidément pas les bienvenus. Dans un grondement terrible, chaque élément de la forêt qui les entourait reprit sa place comme si rien ne s’était jamais produit, hormis les branches brisées qui ne pouvaient être réparées ainsi que les traces laissées par les trois sorciers.

Chacun d’entre eux devait faire profil bas. Même le plus stupide des sorciers devait comprendre cela. Solvi fronça les sourcils, surprise, lorsque Fergus commença à monter sur son piédestal. Si elle avait été dans une situation moins sérieuse et délicate, elle lui aurait probablement jeté une pomme de pin sur la tête pour lui remettre les idées en place.

Solvi se releva d’un coup, soudainement ragaillardie. Elle posa la paume de sa main sur l’épaule de Fergus pour se placer légèrement en avant de ce-dernier. « Je suis Solvi Nibelungen. Tireuse d’élite en mission pour le Ministère de la Magie. Nous avions pour ordre d’investiguer la maison qui se trouve au sommet de la colline. The Crown's Cwt si je ne m’abuse. Nous avons préféré passer par ici plutôt que de transplaner, pour mener une enquête plus minutieuse et approfondie, mais nous nous sommes faits surprendre. » Depuis quand Solvi faisait-elle de la diplomatie? Elle était plutôt connue pour être bourrue. Les missions la transformaient réellement. « Toutes nos excuses, nous ne pensions pas causer de tels désagréments. » Elle adressa à  @Maeve Cynfeirdd  un sourire maladroit. Elle faisait de son mieux. «  Nous serait-il possible de visiter la maisonnette? Pourriez-vous nous conter son histoire, par ailleurs? »

Le regard de la cheffe de famille tomba sévèrement sur le jeune homme qui se croyait en position de bienséance. Cela ne fit rien pour arranger son cas et bien évidemment la chasseresse ne donna pas signe d'un quelconque changement d'attitude. Ces jeunes du Ministère... de plus en plus ignorants des bons us, entre autres choses qui auraient pu être utiles à leur propre survie. Quant à cette veine tentative de se rattraper en brandissant les couleurs du Ministère et de l'Écosse tout à la fois... Maeve n'en pensa même rien mais on entendit pouffer derrière elle.

« Je suis désolée de vous le dire mais ça n'est pas le lieu idéal pour prospecter en tant que futurs parents. », se moqua la blonde quand le jeune homme accorder finalement quelques bribes d'explications. La proximité des deux jeunes gens ne lui avait vraisemblablement pas échappé.

La fameuse cabane de la sorcière, comme l'appelaient les locaux, The Crone's Cwt, était en effet bien loin du portrait pittoresque que les agents du Ministère semblaient s'en faire. Ils finiraient bien par s'en rendre compte, sans doute à leur dépend. Maeve ne coupa pas pourtant, laissant à la jeune femme l'occasion de faire mieux que son acolyte écossais. Ca n'était pas bien difficile. Les bras croisés sur sa poitrine, la chasseresse observait le petit groupe, laissant planer le doute sur la possibilité d'un saufconduit.

« Je serais curieuse de savoir ce qui peut bien vous intéresser là-bas. J'imagine que vous me raconterez tout ça en chemin... », il allait sans dire que ce n'était pas une demande mais une exigence de sa part. D'un signe de tête, elle signifia aux autres qu'ils pouvaient rentrer, seul un bonhomme aussi grand que large demeura. Le maître chien Drustan. Pas un mot ne passa ses lèvres tandis qu'il se plaçait en queue de file comme Maeve, ouvrant la marche, prenait la direction des marais qui bordaient la forêt d'Ysbryd. Elle se demandait toujours ce qui avait bien pu leur passer par la tête pour se dire que c'était une bonne idée de couper par là. Ce n'était pas faute d'alerter le Ministère sur son manque de connaissance des terrains et du folklore local. Les pieds dans la mélasse, ils progressaient lentement mais sûrement, accompagné par les coassements des grenouilles et le chant des grillons des paluds. De temps en temps, les chiens découvraient leurs horribles crocs et s'agitaient en direction de la forêt toute proche, comme si leurs yeux luminescents et leurs grondements sourds ne suffisaient pas à donner la chair de poule. « The Crone's Cwt. Le Ministère a toujours eu du mal avec les langues celtes. J'ai bien peur qu'on vous ait envoyé ans le savoir dans un nid de Chaporouges. Ça ne serait pas une première... Quant à se payer une petite visite, vous n'aurez qu'à poser la question à la propriétaire des lieux si vous avez le malheur de tomber sur elle. Les locaux tiennent pour sûr que c'est une faiseuse de mauvais sorts. Une sorcière des marais pour parler moldu. », expliqua-t-elle après avoir entendu une version plus détaillée des tenants et aboutissants de leur mission.

Maeve Cynfeirdd avait cet espèce de sourire carnassier qui ne disait pas dans quel camp elle se rangeait réellement. Etait-elle en train de les aider ou de les livrer à un autre monstre ? Difficile à dire sans la connaître.

Une chance pour le Ministère, avoir embarquer une Nibelungen dans l'équipe leur donner ce petit avantage. Les Nibelungen avaient proposé leur aide, ou du moins une retraite dont Eochaid n'avait jamais voulu entendre parler. Solvi ne s'en souviendrait peut-être pas mais Maeve, elle, se souvenait.