Enquête #1d : Magie interdite

Et toc! Les petits mots envoyés à Fergus avaient eu l’effet escompté. Comme il était facile de lui faire prendre la mouche. Il suffisait de chatouiller un peu sa jalousie maladive pour que le Clearwater finisse par s’avouer vaincu. Il aurait été difficile de dire combien de fois Solvi arrivait à le berner, à le bercer d’illusions pour finalement lui montrer à quel point elle avait le dessus. Les hommes n’aimaient pas cela, encore moins les Clearwater. Mais Solvi n’était pas la petite princesse qu’il fallait dorloter et qui pouvait se laisser mener à la baguette. Elle avait un caractère bien trempé, jusqu’au plus profond de ses os (à croire que c’était génétique), et ne maintenait que très peu l’illusion.

Elle leva les yeux au ciel lorsque Fergus lui lança l’un des compliments les plus lourds, se retenant de mimer un geste de régurgitation. « Laisse-moi rire. » commenta-t-elle simplement, croyant difficilement ses sornettes. Quoique… Fergus pouvait se montrer surprenant, voire même toqué selon les jours. Sunny, lui aussi, devait ne pas en croire ses oreilles et aurait peut-être même préféré se les boucher.

Les courbettes, le charme dissimulé et calculé, tout cela n’était pas naturel. Solvi, elle, mettait les deux pieds dans le plat et les coudes aussi, tant qu’à faire. Fergus, c’était celui qui essayait toujours un petit peu de rattraper le coup, de réparer les chaudrons fêlés; celui qui inventait une excuse bidon pour éviter les incidents diplomatiques. Ainsi, lorsque Fergus commença à interagir avec  @Maeve Cynfeirdd , Solvi fut d’abord surprise par ce manque flagrant de respect. Que lui arrivait-il? Elle scruta son visage, le sien se déformant à mesure qu’il ouvrait la bouche, puis sauta sur l’occasion de se mettre aux acrobaties de funambules pour tenter de rattraper la situation. Avait-il déjà oublié qu’ils avaient failli se faire tuer dans une forêt somme toute contrôlée par les Cynfeirdd? Avait-il été victime d’une commotion lorsqu’elle était absente? Solvi observait Fergus du coin de l’oeil à mesure qu’ils suivaient tous les trois leur guide.

Le regard balayant leur environnement, une étincelle de prudence naquit au creux de son ventre. Le terrain ne semblait en rien accueillant, ce qui n’était pas à leur avantage. Racines en tous genres, dénivelés, une végétation luxuriante et humide. Rien n’était adapté à un éventuel repli. Tous trois devaient se contenter de suivre la Cynfeirdd calmement, sans broncher, quitte à tomber dans un nouveau piège. Solvi avançait à un pas mesuré, constamment sur ses gardes, sans jamais abandonner son sourire maladroit. Il fallait faire bonne figure.

Solvi regarda Fergus poser sa question avec un air de grand enfant presque terrorisé. Par Merlin, ce n’était pas cette impression qu’il fallait donner! Le regard de la Nibelungen glissa vers Sunny, comme pour lui communiquer son inquiétude. Elle ne répondit cependant pas à son fiancé, attendant que la maîtresse des lieux confirme ou infirme son information. Il ne manquerait plus qu’une sorcière habile en magie noire pour couronner le tout.

La situation était tout particulièrement délicate. Maeve n’était pas une sauveteuse désintéressée. Elle guidait les pas de toute la petite troupe, dans la bonne direction ou non, en contrepartie d’une information. Le contrat était clair bien que tacite. Solvi, elle, ne souhaitait pas dévoiler ce qui les amenait ici. L’enquête était strictement confidentielle, dirigée d’une main de fer par le Ministre lui-même. Un faux pas et toute la vie de Solvi pouvait battre de l’aile: sa relation avec les Verts-Galants pouvait éclater au grand jour en un craquement de baguette.

Elle se contenta de le regarder avec de drôles d’yeux de hibou, cherchant à lui faire comprendre la boulette qu’il venait de faire. A l’avenir, il valait mieux rester prudents.

« J’imagine que cela dépendra de son envie de nous recevoir. Bien que nous ne cherchions à n’embêter personne, aussi loupé que ça l’est admettons-le, j’ose imaginer que des employés du Ministère ne sont jamais la bienvenue. Surtout dans le cadre d’une enquête. »

Maeve fronça les sourcils sans pour autant se retourner. La transparence du gamin était presque trop pour être vraie. A l'arrière, fermant la marche, Drustan, lui aussi tiqua.

« Une certaine forme de magie... il va falloir être plus explicite si vous ne voulez pas qu'on vous abandonne en plein milieu du marais, avec les lichens dévoreurs de chair  et les moustiques. »


Drustan eut un sourire moqueur. Le pire des deux deux n'était pas celui que l'on croyait. Il se donna une grande dans le coup. Ces saletés étaient déjà sur eux. Les chiens commençaient à s'en agacer sérieusement.

Quant à savoir si quelqu'un habitait vraiment là haut, la blonde ne répondit pas, poursuivant sa route en bordure des hauts stagnantes. Ses bottes de chasseresse apportait un avantage certain. Comme un fait exprès, il se mit à pleuvoir. Ils étaient encore à une heure de marche de la cabane de la vieille. Maeve se protégea d'un coup de baguette distrait. C'était le genre d'endroit où elle préférait avoir une bonne visibilité. Autant dire que pour ça, ce ne serait pas aujourd'hui.

« Si ça peut vous consoler, personne n'est jamais bienvenu là bas. »

Ils s'en seraient rendu compte assez rapidement de toute manière. Ils étaient encore une demi heure de marche quand la pluie cessa. Un épais brouillard se leva des eaux croupissantes du marais. Drustan envoya  les chiens à l'avant, compensant quelque peu le manque de visibilité. Après un petit moment de marche pourtant, ils pouvaient commencer à distinguer une espèce de petit promontoire rocheux. Pas tout à fait une colline mais juste assez pour pouvoir observer ce qui venait des marais. Une silhouette torve se tenait là, immobile, si bien que dans le brouillard on aurait pu la prendre pour un élément du décor.

« Drustan et moi nous nous attendrons là. Bon courage. », annonça Maeve en s'asseyant sur une souche avec un sourire de renarde.

Instruction pour la suite

Les Cynfeirdd vous ont accompagnés jusqu'en haut du promontoire.
La silhouette qui vous épiait semble avoir disparu mais la cabane elle est bien là. L'aspect général de la cahute pourrait laisser penser qu'elle n'est pas habitée mais un filet de fumée s'échappe du maigre conduit qui sert de cheminée.

A ce stade vous êtes seuls. Vous avez le choix entre :

• inspecter les environs
  
• taper à la porte
  

A quoi jouait Fergus? Tentait-il un gigantesque coup de bluff? Solvi l’écoutait déblatérer toutes sortes de bêtises, usant de ses gros yeux lorsque  @Maeve Cynfeirdd avait le dos tourné et que l’information semblait particulièrement délicate voire presque confidentielle. S’il continuait ainsi, elle ne pourrait que s’inquiéter de le voir partir au travail tous les matins. Les Aurors n’étaient-ils pas censés conserver la plupart de leurs informations professionnels pour eux? Le secret défense n’était-il pas l’un des piliers de leur travail? Solvi, peu habituée à travailler avec son fiancé, imaginait la chose avec grande difficulté, les tireurs d’élite ayant pour habitude de taire le maximum de choses possible, quitte à inventer toutes sortes d’âneries. Fergus essayait-il de noyer le poisson en faisant croire à la Cynfeirdd que tous ses propos étaient bien trop francs pour être honnêtes?
L’heure du conflit n’avait pas sonné. Il n’y avait rien de pire pour s’éparpiller et baisser sa garde que d’amorcer une dispute, même au sujet du travail.

Solvi ne rétorqua rien lorsque Maeve les somma d’en dire plus sur les raisons de leur venue. L’idéal était de détourner l’attention et faire en sorte que ses pas les guident toujours vers la fameuse cahute. Se taire, c’était accepter la situation sans en perdre trop le contrôle. Perdre le contrôle de la situation, c’était une chose. Perdre toute sa patience, c’en était une autre. Solvi glissa un regard mauvais à Fergus, sans rien dire, un regard qui voulait tout dire. Elle savait ce qui se cachait derrière cela: une impatience fulgurante, une envie exaspérante de vouloir se retrouver dans le confort de son appartement, un pessimisme sans faille maintenant qu’il était tout boueux. Fergus était un gamin qui était fatigué et qu’on ne laisse pas se reposer.

Solvi, exaspérée en le voyant faire sa comédie en pleine forêt, se fichant littéralement d’elle, le fusilla du regard et profita d’un moment où Maeve avait le dos tourné pour lui faire signe qu’elle l’observait attentivement. Qu’elle le surveillait. Et qu’elle n’en aurait pas fini avec lui une fois rentrés. « Rassure-toi Fergus, tu seras certainement bien au chaud là-haut. » trancha-t-elle, sournoise. Elle n’attendait pas de réponse à cela.

Après avoir marché encore une bonne demi-heure, le petit groupe s’arrêta presque tout en haut de la colline, enfin parvenus à leur destination. Solvi contempla les environs que la pluie avait cessé d’inonder pour observer le brouillard épais qui s’était levé à la place. Ce pouvait être un avantage  heureux en cas de fuite comme un désavantage terrible en cas d’attaque. Son regard s’arrêta sur la silhouette qui se découpait un peu plus haut. Etait-ce la fameuse vieille dame? Tout semblait au moins l’indiquer.

Solvi remercia Maeve et Drustan, tout comme Fergus et Sunny, lui laissant le soin de demander une dernière faveur à la Cynfeirdd. Elle crut rêver lorsqu’il lui envoya un clin d’oeil, sans aucune honte, juste sous ses yeux. Elle en resta estomaquée, fulminante même, mais encore une fois se retint de dire quoi que ce soit. Solvi au travail, ce n’était pas Solvi en dehors des heures de boulot. Autant vous dire que ce soir, Fergus passerait un très mauvais quart d’heure.
« Vas-y, frappe, puisque tu en as décidé ainsi. » siffla entre ses dents dans une sorte de murmure plus pour elle-même que pour lui.

Solvi et Sunny restèrent derrière, la Nibelungen prête à riposter en cas d’attaque soudaine.

Dans son dos, le petit de Jameson continue de faire le zouave. Ca n'est pas pour s'attirer les faveurs de Maeve mais elle ne montre aucun signe qu'elle a remarqué le petit manège de l'auror. Il est vrai que ce n'est pas une profession pour laquelle elle a tellement de respect mais eût égard à son nom et à celui de son amie, la cheffe de famille choisit de fermer les yeux. Elle les accompagne donc jusqu'à un certain point, peu désireuse de se mouiller quand eux ne prennent pas le risque de la transparence. Après tout c'est le jeu.

Le petit avorton lui offre un merci en demi-teinte, quand elle n'en attendait pas. Encore une fois cela ne passe pas inaperçu et à son air fermé, on peut se douter qu'elle se retient de lui en tirer une. Un regard au troisième membre de ce groupe hétéroclite. Elle se demande comment il a atterri ici celui là ? C'est qu'on ne l'entend presque pas comparé aux deux autres. Ca, en revanche, ça n'est pas pour lui déplaire. Drustant, lui, se tient un peu plus en retrait. Ses chiens s'impatientent ce qui n'est jamais trop bon signe.

Voilà que le petit gringalet se permet de la solliciter à nouveau. Maeve le regarde longuement de ses iris froids et durs puis finalement, une espèce de sourire rusé vient réchauffer son visage sévère.

« Je n'y manquerai pas. »

Intérieurement, elle se réjouit de la tête du vieux beau charismatique quand il apprendra que son rejeton se permet ce genre de portrait. C'est probablement un peu ce que @Blodeuyn Cynfeirdd doit dire elle aussi. Mais ça n'est pas le sujet. Ils patienteront donc. C'est une largesse qu'elle leur fait. Après tout rien ne l'oblige à poireauter là, au pied de ce marais puant pendant qu'ils règlent leurs petites affaires avec la vieille.

Le début de la mission avait prouvé à quel point il était inutile de faire des détours. Solvi était du genre à tout analyser en mission avant même de tenter quoi que ce soit, par pur principe de précaution. En réalité, c’était tout l’inverse de son quotidien hors travail où elle vivait au jour le jour, d’aventures en aventures. Cette-fois, Fergus n’en avait fait qu’à sa tête et avait décidé de prendre la situation en main. Si elle n’était pas contre un peu d’initiative, dans tous les domaines de sa vie, elle aurait toutefois préféré éviter de se jeter tête baissée vers la première solution qui s’offrait à eux. Fergus avait-il calculé quoi que ce soit? Il semblait à la Nibelungen qu’il n’en était rien et que son fiancé, guidé par sa bêtise soudaine, avait décidé de faire comme bon lui semblait. Elle retint toutefois un sourire, provoqué par l’affection subite que lui montra Fergus, sous couvert d’une nouvelle petite pique. Si la situation n’était pas aussi sérieuse, elle l’aurait certainement assailli de remarques acerbes avant de le caresser un peu dans le sens du poil, histoire de se réconcilier.

Lorsque Fergus frappa à la porte, les coups résonnèrent, laissant penser que la petite cabane soit-disant habitée était totalement vide. Après un lourd silence, les gonds de la porte finirent par lentement grincer à mesure qu’elle s’ouvrait, comme dans le pire des cauchemars que l’on aurait pu faire. Solvi recula, la paume de sa main droite fermement agrippée à sa baguette. Elle était prête à riposter si la situation dérapait. Ce fut une vieille dame, véritablement affreuse, qui leur ouvrit la porte. Elle avait pu imaginer toutes sortes de personne, mais pas cette terrible harpie qui les regardait d’un oeil vitreux. La grand-mère avait tout des pires histoires que l’on contait aux enfants pour les empêcher de s’aventurer dans des lieux hostiles et reculés. Le sérieux de Solvi sembla déteindre sur Fergus alors qu’il reculait pour se coller à elle. Finalement, les vieux contes d’horreur fonctionnaient sur son fiancé. C’était bon à savoir.

Elle laissa Fergus se présenter au nom du Ministère et faire du mieux qu’il pouvait. Il fallait dire que la réaction de la vieille dame, c’est-dire aucune, n’inspirait aucune chaleur ni aucune confiance. Solvi hocha de la tête, attendant que la sorcière réponde à ce que Fergus venait de lui dire. Mais rien ne vint et le silence continua de souffler sur les plaines. « Je suis Solvi Nibelungen, Brigade magique du Ministère. Monsieur Clearwater et moi-même cherchons simplement à en savoir plus, non pas à vous déranger. » Même s’il fallait l’admettre: si la vieille dame avait à être dérangée, Solvi n’hésiterait pas.

La Nibelungen salua intérieurement Fergus pour avoir employé le mot « collègue » à son égard. Elle acquiesça seulement, d’un air le plus banal que possible, cherchant à éviter de leur attirer des ennuis. Si la situation devait tourner au vinaigre, il valait mieux que la vieille habitante ne sache rien de ce qui les reliait. Une chose était sûre: cette vieille femme n’inspirait pas confiance à Solvi. Elle n’en dit rien, évidemment, cherchant surtout à débloquer le mutisme dont la vieille dame faisait preuve. L’agente en avait vu des personnes et créatures à l’aspect repoussant, allant des visages naturellement déformés aux gueules cassées par les bagarres qui avaient lieu sur le marché aux Trolls. Cette dame-là n’avait, en comparaison, rien d’exceptionnel mais, pour Solvi, elle cachait quelque chose de sombre et inquiétant.