White rabbit (Aram)

En plein cœur de Zagreb magique, la pluie battait à son plein pour un mois de décembre au ciel morose et pourtant, en entendant le rire de sa soeur ainsi que d'@Amy Jordan à l'arrière de la petite boutique de vêtement, Zoran ne put s'empêcher de sourire avant de regarder discrètement par la vitrine.

Cela faisait quelques jours qu'il avait invité Amy à passer les fêtes chez eux, présentant ainsi officiellement la jeune femme à sa mère qu'il n'avait nullement prévenu de son arrivée. Pourtant, bien heureuse de pouvoir accueillir une troisième fille à la maison, sa mère avait tout fait pour que la jeune femme se sente à l'aise. Apprenant à manier de façon plus parfaite la langue britannique, lui cuisiner des plats typiques tout en se prenant au jeu de réaliser les pires puddings existants, Zoran voyait sa mère plus rayonnante depuis quelques temps et pour cause, la haute menace était retombée depuis des semaines et elle le sentait également.

"Zoran, je peux prendre ça?" demanda sa sœur au loin

"Tout ce que tu veux."

Un ton bien plus distrait que voulu alors qu'il regardait l'heure. Il lui avait promis de lui acheter la robe qu'elle voulait; même si c'était la plus cher du magasin. Alors que l'horloge de la boutique venait de sonner les dix heures, le jeune croate eut un signe du menton, avertissant le gérant qu'il partait, comme prévu et qu'il allait devoir veiller sur ses soeurs.

Reboutonnant ces manches, il tourna des talons pour rentrer dans la cabine qu'occupait Amy sans la prévenir, fermant les rideaux derrière eux dans la foulée. Il l'observa longuement, passant ses doigts le long de sa joue avant de tenir son menton pour la rapprocher de ses lèvres.

"Je reviens."

Il ne parlait jamais beaucoup ces derniers temps, peut-être accaparé par la lettre qu'il avait reçu de sa mère mais il la couvait volontiers de toutes les attentions possibles. Glissant sa main sur son dos en lui ouvrant la tirette de sa robe, il profita un instant de son rire et de son parfum en lui embrassant la nuque avant de transplaner soudainement, ne manquant pas de la surveiller à distance avec le traceur.




10h03
Après quelques transplanages successif, autant pour passer les frontières que pour masquer ses déplacements, Zoran arriva au lieu de rendez-vous, la pluie le suivant comme son ombre. Loin de s'accommoder avec un parapluie, il usa d'un sortilège de séchage alors qu'il ouvrait la porte arrière d'un bâtiment, quittant la ruelle sans histoire dans laquelle il avait atterrit. Son instinct le poussa à sortir sa baguette, connaissant l'énergumène qui avait déjà érigé des protections avant même qu'il n'arrive dans les lieux et il claqua de la langue alors qu'il arrivait dans un hangar aux allures de vieux garage désaffecté. Une seule petite lumière éclairait le sol bétonné et sale à souhait, l'odeur d'une huile de moteur souillé mélangé le prenant à la gorge immédiatement.

"Franchement, tu aurais pu me donner rendez-vous au pied de la tour Eiffel, on serait passé inaperçu."

Il ne le voyait pas encore se détacher de la pénombre mais il devinait sa présence comme un parfum pestilentiel. Depuis le bal, il comprenait mieux pourquoi il n'aimait pas le cousin d'Amy, simplement par sa proximité dérangeante avec @Lucy Clearwater qui l'avait poussé à le juger au moment même où Zoran avait passé le pied par la porte des Jordan. Elle lui avait parlé de lui, ignorant encore comment et pourquoi mais au vu du sale regard qu'il avait eu, il savait que Lucy n'avait toujours pas tourné la page à son propos.

Mais le bal avait eu une certaine incidence sur leur rapport en dent de scie : la venue remarquée du tzigane lui avait permis de lui offrir un échappatoire en échange d'un service qu'il lui avait rappelé par une simple missive à son égard et qui les avait conduit ici aujourd'hui même.
Se passant ainsi des politesses et des banalités des fêtes, Zoran alla droit au but, sans perdre de temps et sachant qu'Amy et sa sœur l'attendaient toutes les deux dans une boutique fermée à toute autre clientèle à partir de maintenant.

"J'ai eu des nouvelles d'Ellen."
commença-t-il avant de sortir un morceau de parchemin de sa poche. Il le tendit au Romanez en attendant que celui-ci puisse juger par lui-même du simple dessin qu'il avait fait "Elle m'a dit que tu saurais comment appréhender cette rune"

En entendant la voix nasillarde et assez insupportable du Croate, Aram savait déjà depuis longtemps qu’il était arrivé, grâce aux multiples sorts invisibles que le nigaud avait brisé en arrivant. Cependant, le tzigane prit son temps pour sortir la tête du moteur qu’il était en train de réparer, essuyant ses mains sur un chiffon sale qu’il posa sur son épaule en toisant l’agent britannique avec une certaine hauteur. Il détestait l’idée d’avoir une dette envers lui, et pourtant, Borkovic l’avait bel et bien sorti d’une impasse le soir du bal en l’aidant à s’échapper.

Cependant le rom n’aurait pas cru que le tout nouveau Langue-de-Plomb ferait si vite appel à ses services. Aram avait reçu sa lettre avec une certaine exaspération, prenant son temps pour la déchiffrer. Sa mauvaise humeur ne tenait pas qu’au fait qu’il en avait assez qu’on lui envoie des courriers à tout bout de champ quand il y avait des tas d’autres manières de communiquer bien plus simples.

Il n’appréciait pas Zoran.

Le sorcier avait un je-ne-sais-quoi dans les yeux qui lui déplaisait fortement. Et le fait qu’il ait été précédemment en couple avec @Lucy Clearwater n’entrait absolument pas en compte ! Ce jeune arrogant sortait à présent avec sa cousine et Aram qui la surveillait de loin à l’aide de sa magie n’aimait absolument pas la manière dont il la traitait. Amy méritait un vrai gentleman, pas cette espèce de maltraitance qu’il osait appeler affection. Zoran n’était qu’un voyou, et pas un gentil vaurien comme lui. Non, il y avait quelques chose d’immoral en lui que le Croate essayait de cacher à tout le monde mais qu’Aram avait bien perçu.

Le Romanez lui lança un regard mauvais avant d’attraper en bougonnant le parchemin qu’il lui tendait. Encore une lettre… Tout ça commençait à l’agacer prodigieusement… Mais le tzigane se figea en pâlissant à vue d’œil alors qu’il reconnaissait le symbole dessiné sur le parchemin. La rune de loialitate… Une des plus anciennes et puissantes magie tzigane… Celle qui avait été élaborée lors de la guerre des clans, permettant de solidifier les unions arrangées, rendant les mariages unis dans la vie comme dans la mort et quasiment invulnérables. Du moins quand la rune était partagée…

- Où est-ce que t’as vu ça le gadji, balbutia-t-il en relevant vivement le visage vers Zoran. Me dit pas que…

Il réduisit la distance qui les séparait en l’attrapant violemment pas le col.

- Tu l’as pas laissée faire ça ?! Măgar prost* ! T’as pas fait ça ! J’peux même pas te frapper, sinon si comme si je la frappais elle !

Avec un cri de colère, il se retourna frappant l’air de son poing et c’est le moteur qu’il était en train de réparer qui s’écrasa sur lui-même dans un bruit de froissement de métal plié. Si Zoran ignorait la signification de la rune, c’était sans doute parce qu’Amy l’avait invoquée seule. Et si c’était le cas, c’était alors une catastrophe… Soufflant lentement pour contenir sa rage, Aram ferma brièvement les yeux avant de se tourner de nouveau vers Zoran en croisant les bras.

- Raconte-moi tout depuis le début gadjo. Quand est-ce que tu as vu cette rune pour la première fois ? Dans quelle circonstance ? Comment tu as su qu’il fallait chercher de l’aide auprès d’Ellen ?

Après tout, Zoran était peut-être moins innocent qu’il semblait le laisser paraitre. Peut-être qu’il connaissait déjà la nature de ce symbole, et qu’il avait forcé Amy dans cette voix-là afin de pouvoir puiser allègrement dans son pouvoir…


* Stupide âne

L'odeur de la vielle huile s'approcha en même temps que celle d'Aram dont les mains sales s'aggriperent à son col à peine reconnu-t-il la rune que Zoran dépoussiéra son costume d'un coup de baguette magique, les lèvres presque plissés par le dégoût. S'il aurait pu se passer de son aide, il l'aurait fait volontiers mais pour Amy et sa sécurité, Zoran ne lésignait sur aucun moyen, même à y perdre de nouveau son intégrité. Il avait conscience de passer de nouveau sur une mauvaise pente jusqu'à prendre des décisions discutables sans aucune aide. Mais lorsqu'Aram commença à remettre toute la faire sur lui, comme une solution de facilité, le jeune croate commença tout autant à s'échauffer et s'empêcha de relever les manches pour venir lui coller un pin sur la figure.

"Si tu n'étais pas occupé à rire comme une hyène quand ton cousin m'a frappé, tu l'aurais déjà vu aussi. Parce que tu crois que ça me plait de savoir qu'elle a fait ça? Tu as pas l'impression que je l'ai déjà assez repoussé et que ça n'a rien changé ?"

Il n'avait pas le temps ni l'envie de devoir discuter de ses choix personnels qui l'avaient mené à ne plus pouvoir se passer d'Amy. Appellez ça comme vous le voulez, des émotions, des sentiments, un besoin, Zoran n'était nullement du genre à se confier à ce sujet. Claquant de la langue avec la désagréable impression d'avoir été jugé avant même de rencontrer le Romanez, Zoran regarda l'heure, déjà bien trop inquiet d'être aussi loin d'Amy.

Mais entre la déception de son meilleur ami @Elijah Jordan qui l'avait poussé à le frapper devant tout le monde, @Lucy Clearwater qui se mêlait des affaires des autres et Aram qui se permettait de venir le pré au col sans même chercher à comprendre, Zoran commençait à perdre patience. Pliant le parchemin entre ses mains avant de le jeter contre le mur, il avait eu le nom qu'il voulait pour ces prochaines recherches.

"Tu sais quoi, laisse tombé. Reste dans tes préjugés avec ta Lucy, je vais me débrouiller."

Appuyant clairement sur les fréquentations douteuses du tzigane, Zoran lui tourna le dos, prêt à partir en regrettant amèrement d'avoir écouter Elllen. Si cette trace était aussi importante et dangereuse, il trouverait un autre moyen de contrer cette magie qui liait Amy à sa dangereuse existance.

Aram plissa le nez, marmonnant de muettes insultes en romani alors que le croate s’échauffait tout autant que lui. Malgré tout, son état d’énervement rassurait quelque peu le rom qui put s’apercevoir que la situation ne plaisait pas plus au Langue-de-Plomb qu’à lui. La remarque sur sa cousine lui fit pencher la tête de côté de dépit avant qu’il se mette à grogner.

- C’est vrai qu’c’est pas ta gentillesse qui la fait rester, la simmensa… J’peux pas t’enlever que t’as tout fait pour la faire fuir…

Mais le croate était susceptible et apparemment facilement vexé. C’était bien simple, Aram avait l’impression de voir un tzigane qui s’impatientait devant lui. Si la situation n’était pas si grave, il en aurait presque souri. Levant les mains sous son nez, Aram les baissa en signe d’apaisement.

- Calmos le gadjo. Déjà on va laisser Lucy en-dehors de tout ça si tu veux bien.

Est-ce qu’il avait secrètement apprécié l’adjectif possessif devant le prénom de  @Lucy Clearwater ? Peut-être bien, même s’il n’oserait jamais l’avouer à la première concernée. Si elle pouvait rester « sa Lucy » pour ce malotru qui avait des vues sur sa cousine, c’était cependant appréciable.

- Tu crois vraiment que je vais te laisser partir maintenant que je sais ça ? Tu trouveras jamais rien en-dehors de la Communauté Tzigane pour effacer cette rune, et si jamais un autre rom en entend parler, il risque d’utiliser cette info contre Amy et contre notre clan pour le détruire de l’intérieur…

Déjà Aram réfléchissait en se frottant le menton de sa main. Voilà un casse-tête qui méritait réflexion… D’un sifflement, il remit en marche les dispositifs de protection que l’agent avait déclenché en débarquant dans l’atelier.

- Franchement, la solution la plus simple est de loin celle que je préfère le moins… Pour éviter que tu finisses par épuiser toute l’énergie vitale d’Amy, faudrait qu’on termine le rituel en appliquant sur toi la même rune qui lui permettrait à son tour de piocher dans tes forces. Mais si tu veux bien, on va d’abord tout tenter avant d’arriver à ça, parce que cet enchantement là est irréversible, c’est une union que tu signes de ton sang et qui ne prendra fin qu’à ta mort, qui signifiera également celle d’Amy.

Un frisson désagréable le parcouru à cette idée. Aram était loin d’être à l’aise devant de telles situations d’engagement extrêmes qu’il avait plutôt tendance à fuir. Et il aurait aimé en préserver un maximum sa tête de niffleur de cousine.

- Je vais plutôt te proposer des exercices… Que tu apprennes dans un premier temps à éviter d’avoir inconsciemment recours à l’énergie d’Amy. Ça sera qu’un pansement… histoire d’atténuer les dégâts. Il faut qu’on fasse ça en présence d’Amy, qu’il va falloir mettre au parfum ! Je te préviens, ça sera agréable pour aucun d’entre nous… A termes, faudra qu’on l’amène devant la Chovihani, qu’elle renonce officiellement à son engagement, mais ça, ça risque d’être compliqué…

Il faudrait déjà qu’Amy accepte de délier son cœur à celui qu’elle avait choisi d’aimer si passionnément. Connaissant la gamine, ça serait pas une mince affaire… Et c’était sans parler des effets secondaires qu’il préférait pour l’instant taire par crainte de les voir tous deux faire machine arrière.

- Le plus tôt on commence, le mieux ce sera ! Vous créchez où en ce moment ?

Le tzigane était-il entrain de lui dire qu'il se comportait mal avec la jeune femme? Si Zoran savait qu'il faisait à l'heure actuelle, un piètre petit ami, c'était une autre pair de manche que de l'entendre de la bouche d'un inconnu. Il reconnaissait avoir eu, par le passé, le même comportement qu'avec @Lucy Clearwater, la repoussant pour ne pas l'entrainer à sa suite mais Amy avait l'esprit d'une vaillante conquérante à coté d'elle. Et au fond, c'était probablement parce qu'elle ne baissait pas les bras devant son caractère de merde qu'il tenait aussi bon pour se démêler de tout.
Il n'avait jamais vécu dans une telle pression avant que son père ne parte, les Borkovic menaient une vie sans histoire et aussi calme qu'un long fleuve tranquille. Zoran n'aurait jamais été capable d'imaginer l'iceberg en plein milieu et tous ce qu'il cachait en dessous et derrière, ramassant les pots cassés de son père, pas seulement avec Thanatos mais bien l'ensemble des dettes qu'il avait laissé dans les bras de sa mère.

Et s'il s'était débrouillé pour régler déjà les soucis financiers qui leur étaient tombés dessus, il savait qu'il se débrouillait pour enlever cette rune de chez Amy pour ne plus lui donner l'impression de forcer les choses. Alors pendant qu'Aram lui parlait, il se demanda un instant s'il pouvait faire en sorte qu'Amy se défasse de cette rune avec le temps, juste en rencontrant quelqu'un de bien, de bien meilleur que lui. Peut-être ouvrait-elle les yeux pour profiter de sa jeunesse pétillante sans l'avoir dans l'ombre comme actuellement.

Zoran se surprit à souffler péniblement, rien qu'à la pensée de l'imaginer une seule seconde avec quelqu'un d'autre, le sourire aux lèvres, manquant presque d'air. Au fur et à mesure qu'Aram lui expliquait qu'il était entrain de puiser dans les forces vitales d'Amy, il se calma. immédiatement. Il préférait encore qu'elle l'use lui jusqu'à la moelle pour s'en sortir. Alors qu'il lui expliquait la marche à suivre, Aram lui confia l'idée d'annuler la rune puisqu'Amy n'avait réaliser que la moitié de l'enchantement.

"T'es entrain de supposer qu'on peut l'enlever?" commença-t-il en relevant les yeux vers lui. Il était pourtant prêt à faire ce qu'il fallait pour qu'il puisse éviter de piocher une magie et l'énergie vitale de la jeune femme mais s'il y avait une solution pour qu'Amy puisse juste vivre sans avoir une autre épée au dessus de la tête, Zoran était pret à prendre le risque.

"Honnêtement, toi et moi, on sait très bien que je vais pas vivre très longtemps avec ce rythme. Soit je serais en cavale, soit je serais en prison et dans les deux cas, c'est pas une vie pour Amy."

Même si Aram ou Amy ignoraient ce qu'il avait du faire pour protéger les Romanez auprès de Ryan, il était évident qu'il n'allait pas faire long feu avec la solution tampon qu'il lui proposait pour le dépanner. Ecartant sa proposition de venir directement chez la mère du Croate le temps d'un instant, il revint sur cette possibilité qui lui restait à présent en tête.

"C'est quoi au juste, faut que je lui brise le cœur? Il faut qu'elle rencontre quelqu'un d'autre avec qui elle se sentira mieux?"

Pendant des mois, il avait tenté de ne pas répondre à ces appels sur le miroir, ni même de lui écrire ou de prendre de ces nouvelles alors qu'il gardait constamment un œil sur elle.

"Tu parles de quelles complications?"

Zoran eu l’air intéressé à l’idée de retirer la rune gravée sur le coeur d’Amy, et il devint nettement plus sympathique aux yeux d’Aram. Le Croate ne semblait pas jouer de double-jeu et le rom le sentait sincère quand il exprima son envie de voir la jeune fille libérée de cet engagement. Le Langue-de-Plomb poursuivit même, devenant de plus en plus agréable en évoquant sa fin prochaine certaine. Sans chercher à le contredire, Aram haussa les épaules en hochant la tête.

- Va… murmura-t-il en se détournant brièvement pour se diriger vers un petit frigo moldu branché au mur. Il en sortit deux bières qu’il décapsula sur la poignée avant d’en tendre une au jeune agent. C’est une princesse Amy, elle mérite bien mieux que toi ! Sans offense…

C’en était une pourtant. Les propos d’Aram collaient mal à ses gestes cordiaux car il commençait à apprécier le sorcier à mesure que ce dernier se dévalorisait. Le rom approuvait les propos de Zoran en l’enfonçant un peu plus, tout en commençant doucement à lui tendre la main, peut-être pour mieux l’embourber. Mais sans rebondir pour autant sur la fatalité du Croate, Aram réfléchissait, sourcils froncés, tout en buvant une lampée de bière.

- Na… Je pense pas que ça soit aussi simple… On pourrait essayer bien-sûr, mais faudrait qu’Amita change complétement de sentiments à ton égard pour avoir une chance d’y arriver. Et c’est pas sûr que ça arrive, même si tu fais tout ça… De toute façon, faut qu’on commence par un entraînement.

Il posa son coude contre le frigo en passant son pouce sur ses lèvres, songeant aux possibles conséquences de chacune de leurs décisions.

- Faut qu’on lui parle de cette rune… Uniquement de son lien de transmission… Comme ça on peut se garder la carte du cœur brisé pour plus tard. Mais dans un premier temps, va falloir que tu t’entraînes à rompre toi-même temporairement le lien pour l’épargner dans les moments critiques. Pour ça, va falloir accepter tout ce que je vous demande de faire. Et on va avoir besoin d’avoir Amy sous les yeux pour voir si t’y arrives ou pas…

Cette perspective ne l’enchantait absolument pas, mais ils n’avaient pas vraiment le choix. Mieux valait quelques désagréments maintenant, plutôt qu’une issue fatale si Zoran ne maitrisait pas son nouveau pouvoir. Il lui demandait les possibles contrecoups, mais même Aram ne les connaissaient pas vraiment.

- Les enchantements qui touchent le cœur sont les plus difficiles à cerner et à corriger… Cette magie a tendance à échapper à tout contrôle…

Qui savait comment réagirait Amy si on lui retirait de force cette rune ? Faire ou défaire les inclinaisons du cœur n’était généralement pas conseillé et pouvait risquer d’impacter la santé physique comme mentale. Non dans un premier temps, ils devraient tout miser sur les exercices de rupture du lien temporaire du lien. Il n'y avait qu'une seule manière de faire ça et de motiver suffisamment Zoran pour cerner l'enchantement. Ils avaient besoin de la petite écervelée...

- Bon, on la rejoint ou tu la ramènes ici ?

Il ne put que détourner du regard alors qu'Aram appuyait massivement sur le point sensible du jeune croate. Au fond, il n'en avait rien à faire de son avis, tout le monde en avait. Et même si le monde entier se mettait à lui dire qu'il ne méritait pas Amy, il la regarderait toujours de la même manière.
C'était certainement ce qu'il avait retenu de ces derniers mois, entre Russel qui les avait surpris, Ellen, Elijah, Lucy et Aram, il voyait bien qu'il était loin de faire l'unanimité. Etait-ce parce qu'on prenait des mauvaises décisions et que les conséquences ne faisaient que s'enchainer qu'on devait s'empêcher d'être libre de tomber amoureux? Il avait beau avoir fait tout son possible, il n'avait fait que repousser l'échéance pour que finalement, Amy se mette à créer une rune aux allures indélébiles, certainement muée par un sentiment d'insécurité. Et si c'était tout simplement parce qu'il n'avait cessé de la repousser, qu'au moment même où il s'était senti libre de la choyer, l'espace d'un court instant, qu'elle avait saisit cette opportunité de les lier ensemble?

En y pensant, cette attitude aurait pu en faire fuir plus d'un mais Zoran s'en senti presque chanceux qu'Amy puisse découvrir cette magie dont elle ignorait la puissance. C'était un danger potentiel ambulant comme un véritable atout à avoir en son coeur. Soupirant alors qu'Aram perdait patience, Zoran tourna des talons aussi subitement pour transplaner et arriver dans la boutique fermée qui avait accueilli sa soeur et son élue. Vesna lui offrait un grand sourire avant de lui indiquer la cabine où Amy était déjà la bas et le jeune croate indiqua au gérant qu'il allait repartir avec une des filles afin qu'il prenne soin de sa soeur jusqu'à leur retour.
Tirant les rideaux pour voir la jeune femme, il lui colla néanmoins sa main sur sa bouche afin qu'elle ne hurle pas à en avertir le quartier entier. La mettre au courant de ce qu'il faisait était nécessaire et contrairement à toutes ses autres fois où il la laissait volontairement dans le flou, il préféra être honnête avec elle dans le simple but de retourner chez Aram le plus vite possible.

"On va aller voir ton cousine. Tu te souviens quand je t'ai dit que tu devais apprendre à controler tes pouvoirs? Je vais aussi en avoir besoin alors on va faire ça ensemble et on commence déjà aujourd'hui."

Bien qu'il la mettait au parfum, il semblait évident qu'il ne lui laissait pas le choix de le suivre. Alors qu'il se rapprochait d'elle, en la détaillant soudainement de la tête au pied sans la moindre gêne, Zoran se rendit compte qu'Amy était véritablement une perle dont il n'avait jamais pris soin comme il aurait le faire avec toute princesse comme elle. Passant sa main sur sa nuque, il la rapprocha de lui pour lui embrasser doucement les lèvres avant de sentir son propre coeur s'emballer au fur et à mesure qu'il goutait encore et encore à ses souffles. Il savait bien que cette rune n'avait rien à voir avec ce sentiment qu'il ne pouvait contenir quand il la voyait et il grogna presque contre elle en la repoussant doucement contre le mur, empoignant sa taille avec entrain.

"Met cette robe de coté et on y va."

Une mise en garde contre lui-même alors qu'il la trouverait délicieuse même en jogging. Zoran lui en mordit les lèvres avant de lui prendre la main et de l'attirer hors de la cabine après qu'elle ait, bien sur, accepté de le suivre. Ce n'était pas une urgence, sa vie n'était pas menacée dans la seconde, aussi Zoran pouvait se permettre de prendre le temps de lui expliquer pourquoi il était important qu'elle le suive aujourd'hui. Il n'avait pas envie de la mettre de coté pour la protéger, il savait qu'il devait l'entrainer pour qu'elle puisse se battre à coté de lui si c'était nécessaire. Il n'était juste pas question qu'il laisse Thanatos s'approcher d'elle sans qu'elle puisse se défendre.

Et ce fut ainsi qu'ils transplanèrent ensemble dans ce vieux taudis qui puaient de manière bien plus évidente la bière que le Tzigane avait ouvert juste avant. Lâchant par la même occasion la main d'Amy, autant parce qu'il savait qu'elle allait courir vers son cousin surtout au vue de leur dernière rencontre au bal où ils étaient aussi mal qu'un ponch coco, et surtout parce qu'il ne se permettait aucune familiarité avec elle en présence de sa famille, par respect.

"Tu vas lui expliquer comment elle peut faire pour prendre de mon énergie et comment moi, je peux éviter de tirer ça d'elle, ok?"

Une demande très précise qu'il ne voulait aucune dérogation. Si Amy avait besoin de se défendre s'il n'était pas là, il préférait encore qu'elle tire profit de ce lien avant tout tandis que lui, n'avait juste qu'à cesser de s'abreuver de sa magie, sauf en cas d'extrême nécessité.

En train de se changer, Amy sursauta alors que son rideau s'ouvrit brusquement. Bien-sûr, elle s’entendait très bien avec Vesna comme avec le reste de la famille Borkovic. Mais la jeune fille avait pourtant promis d’attendre qu’Amy enfile la robe cette fois-ci ! Cependant, le sourire de la jeune Jordan s’agrandit alors qu’elle reconnut le grand-frère de Vesna qui était revenu bien plus vite que prévu. Il l’empêcha de s’exprimer, comme à son habitude, lui soufflant à l’oreille qu’ils devaient aller voir son cousin pour qu’il l’entraine à contrôler ses pouvoirs. Amy haussa les sourcils sans comprendre l’urgence de la situation, ni même voir de quels pouvoirs parlaient Zoran. Mais le sorcier se colla à elle et la jeune étudiante oublia instantanément toutes ses préoccupations alors que son petit cœur s’enflammait à son contact. Zoran l’embrassa presque férocement et c’est son âme que la jeune fille sentit s’étioler à travers ses lèvres.

Quelques instants plus tard, elle n’était toujours pas redescendue de son petit nuage, alors qu’elle gambadait gaiement au bras de son sublimissime croate. Il lui était impossible de savoir dans quel pays ils avaient débarqué mais elle finit par apercevoir au loin son cousin. Zoran lui lâcha la main, lui permettant ainsi de courir vers Aram pour lui sauter dans les bras.

- Aram, ça fait longtemps lui souffla-t-elle chaleureusement à l’oreille.

- Prinţesă, lui répondit l’arménien en lui collant un baiser sonore sur la joue.

Si Amy était des plus joviales, Zoran qui les rejoignait se montrait particulièrement ténébreux alors qu’il demandait d’un ton sec quelque chose d’assez énigmatique à Aram. Ce dernier lui lança une brève œillade avant d’attraper sa cousine par le poignet.

- Pas ici… Suivez-moi…

Le rom plaça la main d’Amy sous son bras en l’entrainant, invitant implicitement le croate à les suivre. Il ne pouvait s’empêcher d’examiner avec une mine de plus en plus inquiète sa petite cousine qui observait la petite rue pittoresque qu’ils empruntaient du village Hongrois dans lequel Aram avait pour l’heure élu domicile. En tournant à un angle de rue, il les invita à entrer dans un espèce de petit restaurant qui semblait fermé. Pourtant, la porte était ouverte, et il fit s’assoir Amy à une table avant d’aller chercher une bouteille de vin cuit aussi doré que sucré et quelques verres qu’ils disposa sur la table. Ils auraient bien besoin d’un remontant avec ce qu’ils s’apprêtaient à vivre.

Zoran prenait place à côté d’Amy, tandis que l’arménien se tenait devant eux. Il posa ses mains sur la table pour se pencher sur sa petite cousine, avant de tirer doucement son t-shirt pour dévoiler le tout début de la rune pour l’heure quasiment invisible. Avec un soupir, il se tourna pour attraper un parchemin et une plume qui étaient posés sur une table derrière eux, les positionnant devant Zoran avant de s’assoir à son tour.

- Amy, commença-t-il lentement en cherchant ses mots. Je ne sais pas comment tu as réussi à faire ça, mais tu t’es liée à ton Zoran avec ce qu’on appelle une rune de loialitate. C’est très romantique… et très stupide, parce que c’est extrêment dangereux. Regarde.

Il pinça ses doigts pour lancer une pichenette sur le front de Zoran et Amy se plaqua une main sur son propre crâne avec une grimace.

- Aïeuuu…

La mine d’Aram s’était sinistrement assombrie. Il n’avait plus douté à partir du moment qu’il avait eu la rune sous les yeux, mais être ainsi témoin de l’asservissement de sa cousine lui était intolérable

- Tu vois, tout ce que ressent Zoran, tu risques de le ressentir à sa place, comme pour le protéger. Il faut absolument que vous vous entraîniez à rompre ce lien, parce que Zoran fait un métier dangereux et est entouré d’ennemis. Il risque de recevoir un coup qui pourrait te tuer. Ou bien trop puiser dans tes forces et t’achever sans s’en rendre compte.

Amy l’observait avec un air stupéfait alors qu’elle avait du mal à croire ce qu’elle entendait. Elle jeta un coup d’œil dans son t-shirt avant de relever le nez vers le Langue-de-Plom.

- Mais Zoran ne ferait jamais ça, le défendit-elle vivement en se tournant de nouveau vers son cousin qui l’arrêta en levant la main.

- Pour l’instant, il n’est conscient de rien. Il va falloir justement s’entrainer pour qu’il apprenne à définir la limite entre son pouvoir et le tien. Le lien fonctionne pour l’instant uniquement à sens unique. Son regard sombre s’était tourné vers le sorcier aux multiples requêtes. Amy ne peut pas puiser dans tes réserves Zoran.

Du moins, pas tant qu’il n’avait pas fait sa propre rune sur terminer le sortilège, mais il était hors de question que cela arrive. Aram pointa du doigt la plume et le parchemin posés devant Zoran.

- On va avoir besoin d’un peu de motivation… Écris ton nom et ton prénom l’ami…

Alors que le croate s’exécutait, la main d’Amy la démangea soudainement, avant que des lettres ne s’y forme, gravées à même la peau. Zoran Borkovic.

- Tu vois, en ce moment-même tu utilises la rune pour transférer ta douleur sur Amy. Maintenant, il faut que ça cesse, si tu ne veux pas la voir souffrir. Utilise la révolte que ça provoque en toi pour essayer de sentir ce lien et de le contourner…

Amy semblait être heureuse de revoir son cousin et ce fut à ce seul sourire qu'il tenta de se raccrocher alors qu'ils traversaient la place Hongroise dont il pouvait reconnaître les consonances dans le parlé des habitants qui passaient à coté d'eux presque sans les voir. Ils étaient largement de l'autre coté de la Croatie mais c'était suffisant pour Zoran qui imprima chaque détail de la place pour pouvoir revenir ici en cas de besoin. La confiance était loin de régner entre Aram et le croate, encore plus alors qu'il le voyait observer Amy, comme pour savoir si elle se sentait bien chez elle dans la maison des Borkovics. Serrant les dents et un peu plus à l'écart par rapport à eux, Zoran les suivit dans une restaurant désaffecté et fronça les sourcils alors que le tzigane déposait des verres pour eux avant de se lancer dans les explications avec Amy. Et bien qu'il était conscient qu'il était temps pour la jeune femme de comprendre tous les enjeux en cours, il ne put s'empêcher de sentir un pincement au coeur à l'idée de voler toute l'innocence de la jeune femme qui avait encore tant à vivre à coté. C'était pourtant tous ce qu'il voulait lui éviter, ne souhaitant qu'elle porte sur ses épaules ce qu'il avait du porter lorsqu'il était en septième année. Il ne doutait nullement de la force de la jeune femme à pouvoir le faire mais il préférait encore qu'elle puisse vivre une vie étudiante avec bien moins de pression. Le mal était fait, Amy était là à pâtir des conséquences sans qu'il ne puisse l'aider davantage qu'en travaillant avec elle et Aram à présent.

Soupirant silencieusement en se rapprochant de la table, il se retient de frapper le tzigane au moment où il lui mis une simple pichenette sur le front tandis qu'Amy était la seule à s'exclamer de surprise. Amy, dans la naïveté la plus pure, ne pouvait se résoudre à comprendre à quel point ce lien pouvait les mener dans un cycle infernal et Zoran obtempéra en voyant la plume et le parchemin avant de se rendre compte avec horreur de ce qu'il écrivait par transfert sur la peau de la jeune Romanez.

Lâchant immédiatement le tout, il prit les mains d'Amy en voyant son nom et son prénom sur sa peau, blêmissant à vue d'œil. Il ne put se résoudre à vouloir la guérir et lança un sortilège pour atténuer la douleur qui sembla encore plus vider l'énergie d'Amy. Il merdait jusqu'au bout et il grogna doucement.

"C'était pas du tout ce que je t'ai demandé."

Aram venait pourtant bien de lui dire qu'Amy ne pouvait pas puiser de sa magie mais Zoran était assez buté pour lui faire comprendre qu'Amy devait pouvoir le faire en cas d'urgence.

"Je vais m'appliquer mais je veux qu'elle puisse prendre mon énergie si c'est le seul moyen." il n'était pas question qu'Amy risque bien plus que lui dans cette histoire. Il l'observa un temps, loin de s'épancher dans des gestes affectifs devant son cousin mais dont les sentiments étaient clairement plus visibles à cet instant. Il la protègerait quoi qu'il arrive, même s'il devait en donner sa vie. Et si Amy avait réalisé cette rune sans le savoir, il se rendait bien compte qu'elle avait toutes les cartes en main pour continuer et sceller leur sort ensemble, pour le pire et le pire.

Les jours meilleurs n'étaient pas encore prêt d'arriver et Zoran se saisit alors de la plume pour écrire, tout en tenant de son autre main celle d'Amy pour se faire pardonner tout comme pour avoir sa chaleur contre lui. Il n'avait clairement pas envie de boire pour noyer son énergie dans un verre, bien qu'il sentait qu'Amy en aurait bientôt besoin pour oublier d'avoir mal. Car s'il tenta dans les premiers essais de s'appliquer à se contrôler sans penser à Amy, ni même à quoi que ce soit, il voyait la douleur s'imprimer sur la main de la jeune fille comme dans son regard et s'empêcha d'exprimer une frustration qui s'accumulait.

Pourtant le langue de plomb n'avait jamais été aussi assidue depuis la sortie des bancs de Poudlard, fronçant les sourcils dans un premier temps avant de comprendre qu'il devait presque tout autant user de son Occlumancie pour fermer de possibles transferts d'énergie. Si la tâche était ardue dans un premier temps, la seule volonté de préserver Amy prit rapidement le dessus et Zoran serra de plus en plus fort la main valide de la jeune femme entre la sienne pour se donner le courage de se surpasser.

Il ne parlait pas alors qu'il était désolé du mal qu'il était entrain d'infliger à Amy à travers chaque essai, le détachement qu'il éprouvait lui étreignait le coeur comme s'il repoussait encore et encore la présence d'Amy dans sa vie. Il regardait de temps en temps le verre rempli de l'alcool fort qui lui montait en tête avec la conviction qu'il n'avait pas encore besoin d'un tel remontant pour assumer tous ce qu'il était entrain de faire pour épargner Amy. Mais il ne pouvait que constater que les marques sur la main de la jeune femme ne s'estompait pas aussi vite que voulu.

"Soigne là tu veux bien." grinça-t-il contre le tzigane, les nerfs se tendant rapidement. A l'heure actuellement, il ne pouvait pas se concentrer et la soigner sans puiser chez Amy.

Après une quinzaine de minutes d'intense acharnement, Zoran lâcha la plume avant de serrer Amy dans ces bras, sans pouvoir se retenir davantage. Glissant son nez dans ses cheveux bruns, il ferma les yeux, se souvenant qu'il avait promis d'en prendre soin et qu'il donnerait sa vie pour la sienne bien avant le pacte de sang qu'il avait fait avec son père. Il souffla, sans pouvoir se retenir de penser qu'il ne méritait clairement pas qu'elle souffre pour tous les élans d'affection qu'elle ressentait pour lui.

Ce Zoran était le sorcier le plus insupportable qui lui ait été donné de rencontrer : tout le mépris que pouvait avoir un citoyen britannique, avec cette opiniâtreté typique du peuple des Balkans. Il s’entêtait à ne pas vouloir comprendre ce que le rom lui disait et restait buté sur la réciprocité de l’enchantement. Aram fit siffler ses lèvres en regardant ailleurs mais n’élabora aucune critique construite. En effet, il avait bien vu la manière dont le Langue-de-Plomb avait pali en voyant les lettres gravées sur la peau d’Amy, et comment il avait tout lâché avec un air de panique. Zoran avait beau jouer les insensibles, Aram voyait bien à quel point la sécurité de sa cousine lui tenait à cœur. Cependant, quand le croate s’acharna à vouloir guérir la sorcière, le tzigane ne put retenir un mot qu’il souffla entre ses dents.

- Prost… (crétin)

Mais Zoran avait déjà repris la plume pour s’entraîner, sans lâcher de son autre main celle d’Amy. Se rendait-il compte, ce bougre d’âne, du regard que la jeune fille lui lançait ? Voyait-il dans ses yeux tout l’amour qu’elle lui portait ? A n’en pas douter, la jeune étudiante ressentait à peine la douleur face au plaisir qu’elle semblait éprouver à être l’objet de l’attention de celui qu’elle aimait. Pour peu, on aurait presque dit qu’elle était ravie de ce traitement particulier. Si Aram avait un peu rechigné à l’idée de tout lui révéler, le comportement de sa cousine le déroutait : c’était comme si les mauvaises nouvelles glissaient sur elle. Comprenait-elle réellement la portée de ce qu’il lui avait dit, ou est-ce que son grain de folie lui permettait de tourner la page aussi facilement que s’il lui avait parlé de la météo ?

Pourtant, au bout d’un moment, même cette boule de joie sans fond commença à montrer des signes de faiblesse. Malgré tous les efforts de Zoran, les noms se gravaient toujours aussi profondément dans sa peau. Aram souffla nerveusement devant la douleur évidente de la jeune sorcière et se servit un verre de la bouteille qu’aucun d’eux trois n’avaient touché pour l’instant et le vida d’une traite. Finalement, avec quelques mots lancés à regret, Zoran abdiqua en lui demandant de la soigner.

Aram sentit le soulagement le parcourir alors qu’il attrapait la minuscule main de sa cousine entre les deux siennes pour faire courir sa magie à travers sa peau et sa chaire. Quelques secondes plus tard, quand il la relâcha, il n’y avait plus aucune trace du mauvais traitement qu’elle venait de subir. Le Romanez lui adressa un sourire de réconfort avant de tourner une mine bien plus fermée vers Zoran.

- Ben va falloir s’entrainer le gadjo ! Je croyais qu’on vous apprenait à contrôler votre magie dans votre Ministère… Je sais pas comment vous êtes devenus l’une des plus grandes puissances mondiales avec aussi peu de talent… Tsssk tsssk…

Il secoua la tête avant de se resservir un verre, et en profita pour pousser celui d’Amy vers elle.

- Ma petite Amita… ça te dirait de venir en Arménie avec moi ? On pourrait t’apprendre à mieux contrôler ta magie, et à mieux te protéger, qu’est-ce que tu en dis ?

Mais au lieu de lui répondre, la jeune fille tourna le nez vers son beau, comme si c’était à lui de décider pour elle. Il y avait presque une certaine crainte qui perlait de ses iris, comme si – enfin – l’appréhension l’avait atteinte mais qu’elle remettait toute sa confiance en Zoran, plutôt qu’en sa propre famille. Ce constat eut pour résultat d’échauffer prodigieusement Aram, qui, de nouveau, émit un petit sifflement d’agacement.