Enchanted to meet you (Siobhán)

Le ton d’Edel s’était fait rassurant avant de prendre une tournure nettement plus distante et détachée. Comme si quelque chose qu’elle avait dit ou fait venait de le surprendre au point de ne pas savoir comment réagir ni même quoi répondre. Il n’était pas compliqué de comprendre qu’ils étaient au beau milieu d’un quiproquo et, à son tour, elle prit un instant ses distances, replaçant son livre soigneusement devant elle puisqu’il n’y avait plus rien à cacher du reste du monde.

Les traits de son visage lui donnaient un air pensif alors qu’elle ne pouvait s’empêcher de fixer cette bague tournant autour de son doigt. Une petite voix lui susurrait qu’à lui, elle pouvait dire ce qu’elle se tuait à garder secret auprès des autres. Et puis, elle lui en aurait certainement déjà parlé si son entrevue avec @Sheraz Mahal n’avait pas eu lieu pendant les huit jours durant lesquels elle s’était bêtement imaginée pouvoir tout arrêter.

« Je sais que tu es là. Que tu seras là. Mais c’est pas instinctif pour moi, ces choses-là. Les autres.»

Mettre du jus de citrouille dans son vin d’ortie n’était jamais chose aisée quand il restait un brin de fierté. Mais parfois, il fallait s’asseoir sur son orgueil pour avancer, quitte à se montrer vulnérable auprès des personnes qu’on savait sincère.

Cette bague était la preuve tangible de la confiance qu’elle pouvait avoir en lui. Siobhán repensa un instant à ce qu’Edel avait gravé à l’intérieur et subitement, son cœur s’apaisa.

« C’est que récemment, je suis allée voir Sheraz pour qu’il m’aide un peu en astronomie justement. Parce que ça non plus, c’est pas instinctif. Et je croyais que tu en avais entendu parler. C’était déjà pas évident pour moi d’aller le voir et d’aller demander de l’aide… »

Sa phrase ne trouva pas sa fin, mais Edel n’aurait probablement aucun mal à comprendre qu’elle était désolée sans qu’elle n’ait besoin de le préciser à haute voix.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, parfois, les mots venaient à lui manquer. Il avait dû s’en rendre compte dans la salle sur demande, la première fois qu’ils y étaient entrés.

« Mais je ne dis pas non à des cours de dessin aussi. C’est vrai que je ne suis pas très douée là-dessus non plus. »

Sa tête était venue se déposer naturellement dans sa main qui l’accueillait alors qu’elle avait arrêté d’écrire. Sa plume était restée dans sa main libre, griffonnant frénétiquement quelques mots. Les plus importants. Elle déchirait le morceau de son parchemin qui les contenait, avant de le plier. Puis, elle se redressa avant de lui glisser dans sa poche, partant à la recherche de ses yeux, les mêmes qui pouvaient la faire plier.

« Tu es le seul à me voir telle que je suis, Edel. Imparfaite. Et ça me va comme ça. » Ses doigts effleurèrent les siens, faisant frissonner sa peau sous l’effet des vagues de chaleur qui l’envahissaient. « Si ça te va à toi aussi. »

Décorée de son bijou qui ne la quittait plus, sa main retrouvait la sienne à l’abri des regards, là où ils étaient seuls même avec du monde autour. A chaque mot qu’il prononçait, ses doigts se serraient contre les siens alors qu’elle sentait le métal de leurs chevalières se heurter dans une douce proximité.

Toute trace de légèreté avait quitté leurs échanges mais c’était précisément dans ce genre de moment qu’ils se révélaient dans leurs forces autant que dans leurs faiblesses, sans qu’aucun ne s’imagine un seul instant s’en servir ou en abuser. Siobhán resserrait encore un peu plus son étreinte alors qu’il lui répétait qu’il ne serait jamais loin, ponctuant son annonce d’un sourire qu’elle accueillit avec la même ferveur que la première fois où il lui avait dit.

« Ce n’est pas une histoire très glorieuse ni intéressante mais oui. Je te raconterai. Ça, comme le reste. »

Parce qu’elle ne doutait pas qu’il était celui à qui elle se confierait, à qui elle parlerait. Elle avait Céleste et elle avait Xris, mais Edel et Siobhán partageaient une intimité telle que les vérités s’en saisissaient pour se révéler les unes après les autres, sans trop chercher à comprendre ce qui pouvait la pousser à se montrer ainsi. L’Irlandaise avait de toute façon cessé sa quête d’un sens logique à cette relation, puisqu’elle ne répondait à rien de tangible. C’était toujours le cœur qui parlait le premier. Tout le reste pouvait encore attendre.

« Si j’étais parfaite tu n’aurais probablement pas commencé ta liste en écrivant "râleuse". Les femmes parfaites ne râlent pas. On dira qu'elles s’expriment », lâcha-t-elle en caressant le dos de sa main avec son pouce avant de reprendre leur parchemin pour envisager une relecture.

« Je vais vérifier dans mon agenda si je suis disponible ». Un sourire revint sur son visage alors qu’elle feignait de se munir un épais ouvrage dont elle tournait les pages, une à une en fronçant les sourcils. « Alors… 21 avril au soir… J’ai tournoi de Bavboules mais j’imagine que je peux annuler. De toute façon tout le monde sait que je vais finir première », ajouta-t-elle en chuchotant, non sans s'être rapprochée d’Edel comme si elle lui confiait le plus gros des secrets. « Après, Nick-Quasi-Sans-Tete… pardon, Sir Nicholas m’avait conviée à une remise des prix suite à sa participation à une compétition de lancer de tête à cheval mais j’imagine que ma présence n’est pas indispensable. » Faisant semblant de refermer son calendrier, l’Irlandaise ponctua ses recherches d’un nouveau sourire malicieux en direction du Serpentard. « Comment je dois m’habiller ? »

Elle se doutait qu’Edel n’allait pas lui donner leur destination. C’était donc le seul moyen qu’elle avait de récolter des indices de sa part, sans trop laisser paraître à quel point elle était ravie de cette nouvelle aventure en sa compagnie.

Les mots rédigés avec soin, patience et application sur le parchemin défilaient sous ses yeux sans qu'ils ne fassent véritablement sens. Plusieurs fois, Siobhán dut relire la même phrase. S'arrêter sur la même virgule. Buter sur la même tournure. Parce que rien n'avait plus d'importance que ce qui était en train de se passer à côté d'elle. Rester assise sans bouger près de celui qui l'animait était un véritable supplice qu'elle tentait habilement de masquer en se concentrant sur les réponses qu'elle formulait, à défaut de pouvoir se focaliser sur le devoir qu'ils s'apprêtaient à rendre et qui ne l'aiderait probablement pas à remonter sa moyenne.

« Je m'exprime », corrigea-t-elle en levant son doigt sans pour autant le regarder.

Le visage sérieux, un brin bornée, elle faisait mine de balayer du regard ce parchemin rempli d'évidences qui n'intéresseraient qu'eux et les lendemains sous lesquels ils s'éveilleraient, souvent avec une pensée l'un pour l'autre. Mais depuis qu'Edel faisait partie de sa vie et même si ses études revêtaient une importance capitale pour la Korrigan, force était d'admettre qu'elle aspirait à autre chose, consciente qu'elle avait loupé une quantité considérable de chapitres dans sa propre vie. Et qu'elle voulait désormais ouvrir avec lui.

« Je ne crois pas que mon planning compte si peu à tes yeux puisque — et c'est étrange d'ailleurs — ton nom y revient très souvent. »

Un petit sourire enjôleur vint s'inviter sur ses traits sans qu'elle n'ait besoin d'aller plus loin. Elle savait qu'il savait, et c'était amplement suffisant.

Depuis le 08 avril dernier, et plus largement depuis que les portes de Poudlard s'étaient fermées, ils avaient saisi chaque opportunité qui leur était offerte pour se retrouver, même fugacement. Marqués par cette semaine d'absences et de silences, ni l'un ni l'autre ne souhaitait pour le moment renouveler cette expérience.

Même si elle avait permis à Siobhán de mesurer l'ampleur de ce qu'elle ressentait.

« Ma partie d'échecs avec Glanmore Peakes tu veux dire ? Un vrai tricheur celui-là. Et quel mauvais caractère. Ça ne sera pas une grande perte. Je suis sûre qu'il a trouvé un moyen d'ensorceler les pièces du jeu qu'on utilise, ce vieux loup de mer. »

Une moue motivée par la déception s'afficha sur son visage quand sa demande ne lui permit de récolter aucun indice sur le lieu où il avait décidé de l'emmener. Il avait beau avoir lâché sa main, la seconde d'après, il attrapa au vol la première excuse pour s'approcher d'elle. Probablement devait-il sentir, d'aussi près, les battements de son cœur s’accélérer. Après tout, cette cadence devait lui être familière, désormais.

Quelques fractions de temps lui revenaient soudainement en mémoire, imaginant sans mal ce canapé et ces draps fins qui les avait cachés. Ses yeux se fermèrent un instant pour l'aider à se concentrer sur le présent.

« Hein ? Ah. Pour le devoir. » La combinaison de leurs noms l'avait interpellée à nouveau, assez pour la faire revenir. Elle savait qu'il l'avait fait exprès et sa petite combine avait fonctionné. Ce moment d'hésitation ne lui aurait donc pas échappé. « Je vais signer. » Elle fit une pause en ramenant le parchemin vers elle, n'hésitant pas à frôler sa peau au passage de sa main. « Ça m'entraînera. » Comme ça, il verrait qu'elle n'avait pas oublié, pendant qu'elle s'exécutait. Puis, elle changeait de sujet. « Si tu savais combien de parties j'ai gagné. De Bavboules. Et à la loyale. Pas comme mon frère. Lui aussi, quel tricheur. Il détestait perdre, moi j'adorais gagner. »

Quand ils étaient plus jeunes, @Finn Gavalagh-Korrigan avait souvent utilisé son don pour déstabiliser l'adversaire. Siobhán n'avait jamais pu s'y résoudre, préférant encore se délecter de remporter les tournois par ses propres moyens. Une manie qu'elle avait gardé aujourd'hui, tandis que Finn continuait de son côté d'abuser de ses charmes.

Cette pensée en appela rapidement une autre. Un peu plus grave, en plein cœur d'un sujet si léger.

« Je me demande si quelqu'un va finir par nous dénoncer. Pas pour les Bavboules, hein », précisa-t-elle pour rendre le sujet moins dramatique qu'il n'était. « Mais Finn ne s'est jamais caché d'être un vélane. Ça doit se savoir, dans le château. » Sa voix était plus basse, désormais. Comme si elle avait un réel secret à protéger. Elle secoua sa tête, comme pour éloigner ces idées invisibles et parasites. « C'est idiot sûrement, mais j'avoue m'être posé la question. »

Et forcément, un prénom lui vint en tête.

Le même à qui elle avait posé la question fatidique.

Le même à qui elle avait demandé de faire un choix avant de choisir de ne pas l'écouter.

« Parce que je sais où les trouver. Et qu’ils seront toujours là. Même si je refuse leurs aimables invitations pour m'enfuir dès que je le peux avec toi. »

Les trois premières années de ses études à Poudlard s’étaient déroulées dans la plus grande solitude, au plus grand désespoir de @Luke Korrigan qui avait vu sa fille passer son temps libre avec des tableaux et des fantômes comme une manière de combler l’absence d’amis qu’elle n’avait jamais su accepter dans sa vie. À part lui et @Finn Gavalagh-Korrigan , qui avait toujours gardé un œil sur sa sœur sans jamais prendre le risque de la juger, personne ne s’en était réellement rendu compte parce qu’elle s’arrangeait pour ne pas se faire remarquer. Encore aujourd’hui, rares étaient ceux qui obtenaient ses faveurs bien qu’elle avait déjà fait un grand chemin cette année en s’ouvrant d’abord à @Céleste Delacroix, puis @Saúl Ochoa, puis à @Xris Andērson , puis à @Edel Almadovar. À @Eynaelle Sanderson aussi, mais elle était de la famille, alors c’était sensiblement différent.

Une douce mélancolie prit possession de son cœur, l’enserrant dans ses filets comme une proie qu'elle brandirait, plus tard, un trophée. Elle diffusait ses effets jusque dans son ventre, où Siobhán ressentait alors une légère présence qui n’avait rien de douloureux mais qui lui rappelait avec force et véhémence les raisons qui l’avaient poussées malgré elle à agir ainsi.

Elle en parlerait à Edel, plus tard.

« Tu oublies toutes les conquêtes de mon frère qui ont bien dû sentir quelque chose elle aussi… ou en tout cas, se questionner. Et puis, personne ne peut avoir une chance aussi insolente et systématique aux Bavboules », ajouta-t-elle avec un léger sourire ne laissant transparaître aucune once de jugement.

Finn en avait assez abusé pour que plusieurs rumeurs aient déjà circulé, à Poudlard. Pour autant, Siobhán n’avait aucun problème avec cette absence de pudeur : elle était fière de cet héritage que leur mère avait laissé mais surtout heureuse que son frère soit celui qui le porte pour deux quand elle avait encore du mal à se gérer.

Néanmoins, ses sourcils se fronçaient en repensant à Xris. Il avait gardé le silence pendant un mois malgré ce sourire net adressé à la préfète-en-chef dans la Grande Salle, le jour de l'annonce de la fermeture des portes. Mais il était pour le moment impossible de savoir ce que l’avenir leur préparait. Siobhán avait pourtant posé la question, dans la salle commune. Mais elle n’avait pas daigné écouter la réponse, le laissant seul avec ses propres vérités.

« Ce soir-là, dans la salle commune. Quand j’ai bu du Veritaserum. Xris m’a rejoint. Au début, tout allait bien parce qu’on ne savait pas ce qu’on buvait. Et quand on a compris… Il a complètement changé d’attitude et on s’est disputés. Il m’a demandé ce que je ressentais pour toi et je lui ai dit » Ses dents attrapèrent sa lèvre inférieure alors qu’elle repensait à la force de ses sentiments enfouis pour Edel. « Mais je ne voulais pas qu’il soit le premier au courant. » Elle se revoyait, parcourir le château de pièce en pièce, manquant de buter sur chaque marche d’escalier alors qu’elle n’avait aucune idée de là où elle pourrait le trouver. Elle avait même cru ne jamais y arriver. « Je me suis énervée, lui aussi parce qu’il avait dû croire que j’avais monté un plan pour le piéger… Et j’ai fini par lui demander moi aussi, une vérité, avant de partir. Je voulais savoir qui il choisirait entre Apolline et nous. Toi, Finn et moi. Je me suis lancée un Assurdiato pour ne pas entendre la réponse parce que j’estimais qu’elle lui appartenait. Une partie de moi avait peur de ce qu’il allait dire, je crois. Mais j’imagine qu’on verra quand on sortira. Ce qu’il a décidé. J’ai confiance en lui mais ce sourire à Apolline… »

Ce sourire avait fait taire toutes ses certitudes, même si elle n’avait jamais confronté le principal intéressé à ce sujet. Parce qu’elle savait la nature de ses sentiments pour @Apolline Dunn , parce qu’elle ne voulait pas être celle qui lui demanderait de faire un choix.

Mais elle avait bien remarqué qu’Edel avait dû se poser les mêmes questions. Lui aussi avait quitté la Grande Salle ce jour-là. Et lui aussi semblait avoir pris ses distances avec le capitaine des Serpentard, depuis. Siobhán ne les voyait plus ensemble, ces derniers temps, et elle avait bien remarqué que quelque chose semblait avoir changé entre ces deux.

« Oui, c’est vrai qu'il y a cette soirée. Tu pourras en profiter aussi, tu crois pas ? »

Elle n’avait pas besoin de sous-entendre qu’il pourrait en profiter pour se réconcilier avec Xris, même si elle se doutait qu’ils le feraient certainement sans avoir besoin de prononcer officiellement la paix.

Leur amitié était ainsi ; ils n’avaient pas toujours besoin de se parler pour se dire les choses.

Son corps blanc immobile tant qu’aucune réponse ne sortait de la bouche d’Edel, seuls ses iris d’azur bougeaient pour suivre les mouvements du Serpentard et de leur parchemin co-rédigé qui vint se poser avec dextérité et dans le silence sur le bureau de l’intervenant. Qu’avait-elle dit ou fait pour le vexer au point qu’il ne décide soudainement de quitter la salle sans même lui adresser un mot ? Le sourcil inquisiteur, la vélane était dans l’incompréhension la plus totale quand un regard salvateur arriva finalement dans sa direction. Par réflexe, elle leva ses pupilles au ciel avec un sourire.

C’était une invitation et elle n’allait la refuser pour rien au monde.

D’un coup de baguette, ses affaires se rangèrent dans son sac sans un bruit alors que tous les étudiants autour d’elle s’affairaient pour terminer leur devoir dans le temps imparti. Elle se doutait que son frère aurait probablement posé ses yeux sur elle en la voyant ainsi se préparer à quitter les lieux, mais ne s’aventura pas à se tourner vers lui, s’évitant ainsi dans le même temps toutes les questions qu’il lui poserait simplement en la regardant. Sa jumelle se persuadait silencieusement qu’elle n’avait pas besoin de son avis ou même de sa bénédiction, et attrapa la main d’Edel alors qu’ils s’effaçaient en dehors de l’amphithéâtre, de la même façon qu'ils s’étaient effacés de la salle commune, deux mois plutôt.

Un léger sourire la gagna alors qu’il les dirigeait à l’abri des regards indiscrets, la hissant sans lui demander son avis sur le rebord d’une fenêtre. Ses jambes fines s’enroulèrent autour de lui comme un serpent autour d’une proie et elle ne put s’empêcher d’attraper son cou alors que leurs lèvres se joignaient après une attente qui lui avait semblé interminable. Gagnée par les frissons et par le feu qui irradiait peu à peu ses membres, l’Irlandaise caressait sa joue lorsqu’il lui annonçait avoir fait le nécessaire auprès des conquêtes de son frère.

Edel veillait sur les siens.

Elle le savait depuis le premier jour et il le prouvait au quotidien.

« Je ne savais pas », admit-elle non sans chercher son regard avec le sien. « Il y a encore beaucoup de choses que je ne sais pas sur toi. Et heureusement, toute une vie pour t'apprendre. »

Son regard se faisait de plus en plus tendre à mesure que les minutes passaient. Ces moments de solitude partagés faisaient toute la différence et elle s'en rendait compte à chaque fois que le hasard lui offrait le plaisir de le retrouver. Il n'y avait que lui pour lui faire ressentir ce genre de chose et cela l'effrayait autant que ça la galvanisait. Ces parenthèses lui permettaient toujours de le voir autrement, s'adonner à la confidence, à la confiance et à la confession.

Siobhán essayait toujours de temporiser sans jamais chercher à le brusquer.

« Il l’aime. Quelqu'un qui compte beaucoup pour moi a un jour essayé de me faire comprendre que, quand on aime, il y a des choses qu’on ne peut pas tout à fait maîtriser. » De sa main, elle releva son menton pour le contraindre à la regarder. L'aveu se tinta d'une voix douce : « Moi aussi, je souris souvent quand t’es là. »

Bien sûr, la situation était différente et bien sûr, @Xris Andērson aurait pu y réfléchir à deux fois. Mais pouvait-on réellement le blâmer d'aimer, même s'il avait choisi, à leurs yeux à eux, la mauvaise personne dans ce contexte compliqué ? Si Xris avait choisi @Apolline Dunn, il n'y avait rien que leurs yeux ne puissent faire ou changer. Les lois de l'amour étaient immuables. Les mots de @Maeve Cynfeirdd trouvaient tout leur sens, à présent.

C'est le genre de chose qui ne tient généralement pas compte de ce qu'on a décidé ou prévu.

Loin de vouloir laisser une chance à Edel de l'interrompre, de la contredire ou de s'agacer, Siobhán poursuivit.

« Je suis pas en train de lui chercher des excuses. Moi aussi ça m’a fait quelque chose. Mais tu as raison. Il aurait eu l’occasion de nous dénoncer en un mois et il ne l’a pas fait. Peut-être que toi et moi on devrait penser d’abord à ça quand on le verra demain. » Elle fit une grimace en réalisant que la colère d'Edel n'était certainement pas due aux mêmes raisons que la sienne. « Même si je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé entre vous… »

Aucune question ne prit le pas, cette fois-ci. Edel devait se sentir libre de lui expliquer et s'il ne le faisait pas, c'est qu'il n'était pas prêt de lui parler de ces choses-là. Jamais, elle ne forcerait le passage dans son jardin secret. Ses pensées lui appartenaient.

« Si j’ai pas écouté, c’est que j’ai mon idée et que je voulais pas l’entendre. Mais tu le connais mieux que moi. Qu’est-ce que tu penses qu’il a répondu ? »

On parlait quand même de Siobhán. Les questions qui n'étaient pas posées finissaient toujours par se voir relayées par d'autres interrogations qui prendraient alors le pas, le temps d'une réponse a minima.

Mais là encore, loin d'elle l'envie de le forcer à parler d'un sujet qui, de toute évidence, lui pesait plus qu'il ne voudrait jamais l'admettre. Alors, elle lui offrit une porte de sortie au cas-où il voudrait changer de sujet sans vraiment le dire.

« Où est-ce que tu m’emmènes ce soir et est-ce que ça implique de faire un baise-main à une gente dame qui se ferait un plaisir de revoir son petit chouchou ? »