Ever Dream

Ever Dream

22 mai 2023, 11h30

La boîte trônait devant lui, sur le bureau de la cheffe des aurors. James Grey ne savait pas bien à quel moment il se retrouvait ici, alors que Trevor Bones lui avait parlé des bracelets-menottes trois jours auparavant. S’il avait su que c’était pour se rendre à l’IDEM, sans doute se serait-il alors mordu la langue et noyait dans son propre venin. Ce n’était pas que l’idée de rencontrer Ana lui hérissait le poil, mais ils ne s’étaient pas revus depuis septembre et depuis, beaucoup de choses s’étaient enchaînées.
Il y avait eu d’abord Thanatos, le divorce de @Braxton Clearwater qui avait rendu son intégration quelque peu difficile. Il y avait eu aussi le rituel, avec @Jameson Clearwater, et ensuite sa confrontation avec ses deux parents, confrontation dont rien n’était sorti. James ignorait même si Brivael était au courant. Il n’avait pas pris la peine de lui en parler, parce que la santé d’Alice était préoccupante récemment. Il n’en avait pas non plus parlé à Calixte, chose que d’ordinaire il aurait fait dans la minute, parce que le sorcier filait le parfait amour avec Symphony et qu’il avait son cabinet à tenir.

James Grey avait l’impression de sombrer, à la vue de tous, et de ne rien pouvoir y faire.

L’idée lui était soudainement venue le matin même, alors qu’il prenait son thé. Peut-être qu’elle avait trouvé quelqu’un. Peut-être qu’elle avait enfin fait son mariage de raison. Il n’avait soudainement plus eu envie de se rendre à l’IDEM. Il en aurait presque dit à Trevor de se foutre la boîte dans le cul, et en même temps... Et en même temps, il n’avait fait que penser à elle ces derniers mois, ses nuits avaient été agité seulement de voir son corps inaccessible, et quand bien même parfois il se laissait aller à la malédiction de n’être qu’un corps fait de désir, ce n’était jamais que vers elle que se tourner son esprit tout entier.

Jamais remplacée, jamais inégalée, même par les rencontres les plus charmantes, même par @Alejandra Montero ou @Céleste Delacroix.

C’était sans doute ce qui est le plus rageant et le plus beau dans l’histoire, pensa-t-il. Que rien ne défasse ce sentiment lancinant.

Si son père savait, sans doute ne l’aurait-il pas excusé lors de leur dernier échange.

Passant ses doigts sur l’arrête de son nez, comme pour en chasser le désespoir passager, James releva ses yeux sur @Nott Tyrfing qui lui expliquait qu’ils avaient extrait de cette boîte un souvenir à forme de serpent. Une vieille magie ; le souvenir avait voulu fuir mais avait finalement mordu de plein fouet un des agents. Il avait fallu le faire interner à Sainte-Mangouste de toute urgence, pour le sauver du coma étrange qui l’avait frappé, et également pour récupérer le souvenir dans sa propre mémoire.
De ce qu’ils en savaient à l’heure actuelle, c’était un souvenir d’un étudiant de Poudlard. Pas de magie noire à l’œuvre, c’était pour quoi Nott avait fini par pousser le dossier jusqu’à @Noma Karma.

En revanche, la boîte pouvait revenir au Département des Mystères, y compris avec le bracelet qu’ils avaient conservé suite à la libération d’@Asel Misra. Selon les premières analyses, les deux correspondaient, il ne restait plus qu’à décrypter la signature.

Un rendez-vous était déjà pris, comme Trevor lui avait dit, et c’était à onze heures pile qu’il devait se pointer devant la secrétaire de l’IDEM, qui le fixa en retour. Il aurait presque été certain de l’avoir déjà vu quelque part, lors de leur demande de stage auprès de @Jameson Clearwater, mais son nom ne lui revint pas et finalement elle le fit patienter jusqu’à qu’un briseur-de-sort ne vienne.

James le suivit jusqu’à une salle plus éloignée où ils purent échanger bien trente minutes sur l’affaire, après quoi le briseur-de-sort le congédia gentiment, lui demandant pas moins de deux heures pour finir de lever les divers maléfices de protection qu’il y avait sur la boîte ainsi que sur le bracelet, tout en lui confirmant que les protections étaient très similaires.

Il était donc onze heure et demi.

James remontait calmement le couloir vers la sortie, se disant qu’il en profiterait pour s’arrêter à un boui-boui à proximité. Suivre @Braxton Clearwater avait fait qu’il n’était finalement plus si exigeant que ça sur la nourriture. Après avoir mangé deux poulpes vivants lors d’une descente sur les ports de Liverpool, tout ça en écoutant une femme avec un foutu accent scouse lui expliquait comment son mari était parti avec une demi-harpie pour finalement se faire becter... Non, plus rien ne le surprenait vraiment.

La porte devant lui s’ouvrit, le faisant s’arrêter pour ne pas se la prendre. Ce n’est qu’au moment où il entendit la voix qu’il sut. Son visage en perdit ses couleurs alors que la porte se refermait et qu’il constatait, avec un effroi certain, que les yeux qu’il croisait des siens étaient bien ceux d’Ana Souvorov, en chair et en os.

Sa Karénine n’avait pas changé, ou peut-être était-elle plus belle encore que ce qu’il avait laissé lors du mariage de Symphony. Ce n’était pas exactement vrai, car dans sa robe de demoiselle d’honneur, elle avait été plus belle que la Nuit même, mais c’était le manque qui lui volait un peu de sa rationalité.

Il ouvrit la bouche, mais sentit qu’il allait avoir l’air idiot, alors au lieu de ça, il la salua de la tête, le regard la fuyant en se sentant soudainement un peu coupable. Il n’aurait sans doute jamais dû venir jusqu’ici. D’un air un peu piteux, les yeux glissants sur le sol, à la recherche d’un trou de souris pour y disparaître, la voix de James Grey, d’ordinaire si rauque, se fit toute petite :

« Je suis désolé, je ne savais pas que tu serais... là... », il se mordit l’intérieur de la joue, confirmant au passage qu’il avait bien l’air idiot.

Ce n’était pas les mots qu’il s’imaginait lui dire le matin même, mais Ana le poussait toujours à se réinventer. Elle le rendait fébrile d’un seul regard, hésitant alors qu’il n’avait jamais eu de doute sur quoi que ce soit, et surtout pas sur ce sentiment heureux qui remplissait malgré tout son cœur, de ne pas voir à ses doigts une seule bague de mariage.

« Mais enfin Ana, calme-toi. »
« Alors là vous pouvez y compter tous autant que vous êtes. C'est ma découverte, c'était à moi de définir le périmètre de l'étude. »
« Mais je suis sûr que Broadwick ne pensait pas à mal. Il a juste voulu t'impressionner. Tu sais comment sont les magizoologistes. »
« Ça ça n'est pas mon problème. Avec un raisonnement pareil on se retrouve avec une essence parfaitement inconnue, en quarantaine à la ménagerie. Et que ce serait-il passé si je n'étais pas tombée par hasard sur Aslaw ? On ne procède jamais à un échantillonnage avant de savoir dans quoi on met les pieds ! Jamais ! »

Dans le petit laboratoire de botanique, on entendait les fées mordeuses voler tant l'équipe se tenait l'oreille basse devant les remontrances assaisonnées de la jeune Ana Souvorov. Qu'Aestrius Broadwick ait cherché à l'épater en quoi que ce soit n'était pas son problème. Tout ce qu'elle voyait c'était que des mois de recherches étaient sur le point de tomber purement et simplement entre les mains d'un autre et qu'il s'apprêtait à s'en attribuer tout le crédit. Sans parler des méthodes franchement critiquables de l'étude en question. Capturer un cerf de de Vain Stengel était certes en soi un exploit et tout le monde ne parlait plus que de cela. Mais à son sens, le peu de données disponibles auraient mérité qu'on mette les moyens sur une étude en pleine nature plutôt que de risquer on ne savait quoi, juste pour le plaisir de lui couper l'herbe sous le pied à elle. L'avenir ne tarderait pas à donner raison à la jeune Souvorov...

« Je ne manquerai pas d'en toucher un mot à Imelda MacGregor (  @Braxton Clearwater ). Nous verrons bien ce qu'elle dira de tout cela. », menaça-t-elle comme elle s'apprêtait à vider les lieux encore pleine de son ire.

Avait-elle vraiment le choix dans le fond ? Certes, des sujets d'études elle en trouverait d'autres mais celui-ci lui tenait particulièrement à cœur, peut-être parce que personne n'y avait cru. Parce qu'elle se rappelait cette apparition quasi féérique et du long regard échangé cette nuit là, lors de sa première expédition en compagnie de Sorcha MacGregor. Elle avait eu cette idée toute bête : et si ça n'était pas un animal mais une plante. Je me demande bien ce qui peut te pousser à penser ça ? avait-il Sorcha. Et tout était parti de là.

L'idée qu'on ait pu s'imaginer lui jouer ce tour-là suffisait à l'envenimer et, en digne héritière de sa mère qu'elle était, Ana savait parfaitement bien à quelle porte frapper pour étouffer dans l'oeuf cette tentative de la supplanter. Imelda MacGregor ne souffrirait pas longtemps qu'on la prive d'un petit moment de gloire, encore moins un qu'elle couvait du regard depuis des mois. L'intervention d'Ana à l'Exposition Universelle des Sciences Magiques faisait partie de ces petits moments-là.

Tout entière dédiée à cette rhétorique punitive, elle ne s'était pas attendue à lui. Sa vision lui fit comme un petit choc. Elle s'arrêta net, stupéfaite de trouver James Grey face à elle alors qu'ils ne s'étaient ni vu ni adressé la parole depuis huit mois ou presque. Elle avait bien reçu une lettre au jour précis du solstice d'hiver. Une lettre qu'elle s'était refusée à ouvrir sur l'instant, persuadée qu'il s'agissait d'un faire-part de nouvelles qui ne lui feraient de toute manière pas plaisir. Et puis elle avait su par sa cousine Alice que les fiançailles de James et  @Céleste Delacroix avaient été rompues. Elle avait fait mine de s'en attrister, un peu honteuse de n'en retirer que de l'apaisement et l'envie furieuse de revenir vers lui après cette dispute houleuse où elle avait osé lui rendre son anneau. Elle n'en avait rien fait, évidemment. Elle avait quitté le joli domaine de St Briavel cet après midi pour retrouver cette lettre, soigneusement conservée dans le tiroir de sa table de chevet, entre les pages d'un vieux recueil de poèmes persans. Alors, elle avait décachetée la petite enveloppe et bu chaque mot, chaque courbure de la plume gracieuse de James, chaque enjambement aérien, en se demandant pourquoi il avait fallu qu'ils se fassent tant souffrir.

« Non ne t'excuse pas. », de toutes les choses qu'elle aurait pu ajouter à cela, aucune ne lui paru suffisamment neutre pour être prononcées. « Tu... cherchais quelqu'un peut-être ? », s'enquit-elle, trop heureuse de trouver un terrain neutre entre eux.

FEAT ANA SOUVOROV. Ancienne étudiante de Beauxbâtons, où elle a fait l'essentiel de sa scolarité, puis préfète de Poufsouffle, Ana est la fille d'Alexandr Souvorov et Lady Lilith Grey. Jeune chercheuse prometteuse en botanique, on lui doit la publication de deux opus de botanique très remarqués dans le milieu et de quelques articles dans des revues de magizoologie. Venue renforcer les effectifs de l'IDEM, elle a très rapidement pris Sheraz Mahal sous son aile, malgré le fait que le jeune homme ne brille étonnamment pas dans son domaine à elle. Ana Souvorov est connue pour être un bourreau de travail. Si cela ne pose question à personne, d'autres ne manqueront pas de se demander ce qu'elle cherche à fuir en s'enfermant dans ses serres parmi les plantes... lire sa fiche

Le regard de James la couvait avec tant de douceur, avec tant de tendresse, qu’il eut été difficile de ne pas voir tout ce qu’il avait en lui pour elle. Et quand elle le regardait avec ces yeux-là, ceux qui n’étaient pas furieux de le voir, ceux qui semblaient le voir pour la première fois, il ne pouvait rien faire d’autre que de se sentir au plus bel endroit du monde. Son âme se faisait un peu plus légère et il souriait un peu bêtement, surpris par la vague soudaine du petit bonheur qui pointait son nez en lui. Il baissa la tête, se sentant incorrigible mais incroyablement chanceux finalement. Toute l’angoisse avait disparu aussitôt qu’elle lui donnait l’autorisation de lui parler, sans fuir, sans le mépriser.

La dernière fois c’était lui, lui qui avait fuit, lui qui avait été le plus dur du monde, et maintenant, il avait l’impression de n’être qu’un enfant face à elle, dans tout ce que l’enfance a d’innocent et de doux. Un petit sourire passa sur ses lippes, se retenant de lui dire ce genre d’imbécilité qui la mettait toujours dans des états impossibles, sinon quoi il lui aurait déjà déballé qu’il n’avait jamais cherché qu’après elle.

« Non, je, j’ai déjà trouvé, merci. » Il marqua une pause, avant de se rendre compte du sous-entendu et de s'empresser de clarifier : « Je suis ici parce que le Ministère m’envoie pour des analyses. »

La maturité finalement, c’était peut-être de se contenter de ce sourire là. De l’apprécier pour ce qu’il était, et de croire qu’elle ne lui offrait qu’à lui.

« Je dois les récupérer cet après-midi. Je pensais tuer un peu le temps d’ici là. Manger dans le coin... »

Son regard retomba doucement sur le visage d’Ana. Il resta quelques secondes accroché à ses lèvres, se pinçant doucement les lèvres. Il semblait peser si les mots suivants n’étaient pas trop lourds pour lui-même. Il en avait des choses à dire depuis la lettre - l’avait-elle reçue ? Pourquoi dans ce cas n’y avait-elle pas répondu ? Mais il chassa aussitôt cette pensée. Grey n’était pas là pour reprocher quoi que ce soit à la jolie Souvorov. La croiser était déjà inespérée, et si elle semblait tout aussi contente de le croiser, il ne pouvait pas faire la bêtise de déjà la mettre en colère.

« Est-ce que... », il se racla la gorge, se sentant soudainement comme un équilibriste au dessus du vide. Parler avec Ana était devenu un exercice périlleux avec les années. Il ne savait pas exactement quand c’était devenu si difficile, alors qu’enfants, ils pouvaient passer une éternité à s’écouter l’un l’autre, lui sans doute plus qu’elle, comme il aimait tout particulièrement le grain de sa voix. « ...est-ce que tu as quelque chose de prévu ce midi, ou, est-ce que je peux... t’inviter à manger ? Peut-être ? »

Il savait pertinemment qu’il tentait le diable. Soit elle s’ébrouait et le rejetait aussi sec, ce qui s’ajouterait à la pile des échecs qu’il avait déjà, soit elle acceptait et alors il lui faudrait improviser car il n’avait certainement pas prévu ça dans sa journée. Il en avait peut-être rêvé, il l’avait imaginé, mais rien ne se passait jamais vraiment comme James Grey l’imaginait quand il s’agissait d’Ana Souvorov.

« Enfin, si tu as le temps, et envie. Je ne veux pas te prendre du temps. Sinon je peux aussi, je, comme je repasse cet après-midi, peut-être qu’un verre après le travail, ou alors rien du tout, tu as aussi le droit de ne pas vouloir. J’imagine que tu as du travail, aussi. »

Il inspira doucement avant de soupirer. Lui-même ne savait plus où on avait caché le James Grey en lui. Quand il se retrouvait face à elle, il en perdait son latin, son grec et même son sumérien. C’était comme si ses grands yeux bleus pouvaient le transpercer de part en part et lire en lui tout ce qu’il ne disait pas, et il était certain qu’elle déjouait sans avoir un mot à dire tous les stratagèmes qu’il aurait pu mettre en place pour obtenir une caresse de sa part.  

Elle acquiesça avec mesure, tentant d'ignorer ce petit démon en elle qui aurait voulu jalouser la raison de travail qui l'emportait sur celle du coeur. Il n'était évidemment pas venu ici pour le plaisir de tomber sur elle par hasard et c'était l'évidence même quand ils ne s'étaient plus adressé un mot depuis des mois. Elle ne savait même pas comment justifier cette petite pointe aigüe au fond de son coeur, trop déraisonnable à son goût. Peut-être leur guerre froide et silencieuse avait-elle fini par éteindre complètement ce qui avait été leur pomme de la discorde. Mais elle ne pouvait pas croire à ça quand elle croquait ce portrait de son cousin, ce visage doux à qui elle aurait tout donné au mépris de la morale. Il lui semblait qu'il n'était qu'amour derrière cette prudence qui leur servait de garde fou.

Il suspendit sa phrase, et elle se suspendit à ce silence avec cette désagréable impression d'être trop transparente. Elle avait perdu cette facilité qu'elle avait à lui celer ce qu'elle avait sur le coeur. La faute à trop peu d'exercice sans doute, ou peut-être à la frustration accumulée des mois durant, sans cesse aiguillonné par cette idée qu'il s'apprêtait à se fiancer le jour de son anniversaire. La faute à l'envie inavouable de lui dire combien il lui avait manqué. Mais elle ne pouvait décemment pas lui faire une chose pareille, après l'avoir tant et tant repoussé. Et puis, ça restait en soi une très mauvaise idée.

Lui, pas plus à l'aise qu'elle dans cet exercice qui n'aurait pas dû en être un, jonglait avec les mots pour ne pas la froisser. Et quelque part dans cet inconfortable jeu d'équilibre, ils finirent par se rejoindre sans vraiment l'avouer.

« Oui. », lâcha-t-elle avec une forme d'empressement.

Avait-elle simplement voulu abréger leurs souffrances ? Cela sonnait presque comme le seul oui qu'elle lui dirait jamais mais ça n'était pas vraiment de ça qu'il s'agissait à l'instant.

« Oui, je veux dire, je suis libre. Maintenant. Il fallait que je vois Imelda mais ça attendra. »

Du travail, elle en aurait toujours. Du temps avec James, rien n'était moins sûr. Quant à reporter au soir, elle savait pertinemment que c'était jouer un jeu trop dangereux, pour lequel elle n'était plus si sûre d'avoir les cartes en main. Comme si entre eux, tout n'était plus que jeu de stratégie militaire. Un déjeuner le midi semblait peut-être moins dangereux.

Elle eut un profond soupir, essayant de chasser le poids qui lui comprimait la poitrine.

« Regarde nous... tu te rappelles quand on était petits et que jamais rien ne nous posait question ? », l'image d'un après-midi ensoleillé la rasséréna, alors elle sourit et se détendit, « Je connais une adresse sympa à deux pas, si tu aimes toujours la cuisine française... »

Tout en le disant, elle se serait maudite de ramener dans la conversation un sujet qui lui était désagréable à elle mais peut-être à lui aussi. Après tout, elle n'avait jamais trop su ce qu'il s'était passé avec sa fiancée.

« Ou autre chose. Je te suis. »

FEAT ANA SOUVOROV. Ancienne étudiante de Beauxbâtons, où elle a fait l'essentiel de sa scolarité, puis préfète de Poufsouffle, Ana est la fille d'Alexandr Souvorov et Lady Lilith Grey. Jeune chercheuse prometteuse en botanique, on lui doit la publication de deux opus de botanique très remarqués dans le milieu et de quelques articles dans des revues de magizoologie. Venue renforcer les effectifs de l'IDEM, elle a très rapidement pris Sheraz Mahal sous son aile, malgré le fait que le jeune homme ne brille étonnamment pas dans son domaine à elle. Ana Souvorov est connue pour être un bourreau de travail. Si cela ne pose question à personne, d'autres ne manqueront pas de se demander ce qu'elle cherche à fuir en s'enfermant dans ses serres parmi les plantes... lire sa fiche

« Parfait » commenta-t-il, presque surpris qu’elle accepte avec autant de facilité tout en affichant un air radieux à l’invitation. Ou peut-être qu’elle ne le faisait que par respect des conventions ? L’œil de l’ancien serpentard la dévisagea et finalement, se faisant la réflexion que la raison avait peu d’importance – c’était toujours celui des deux qui se fichait le plus de celle-ci – il se détendit, jusqu’à avoir un petit sourire en coin qui se pinça en une ride forcée quand elle évoquait les souvenirs de leur tendre enfance.

D’ordinaire, il affectionnait repenser à sa jolie Perséphone, aux coquelicots qu’il observait avec tendresse, sans jamais les toucher. C’est que les coquelicots perdaient aussitôt leurs pétales une fois cueillis, et lui ne voulait pas qu’ils se meurent entre ses doigts, se refusant d’être le responsable du délitement tragique de la flore carmine. Il lui en avait fallu du temps, mais le petit prince de la forêt de Dean avait fini par ne plus oser les effleurer, et s’asseoir seulement pour les observer de longues heures, dans le silence chaste et pieux des âmes enivrées d’amour.

Il n’avait pas beaucoup changé, même s’il avait encore commis quelques erreurs durant leur dernière année à Poudlard. A bien y réfléchir, et comme il avait pu le dire à Calixte, il avait fait l’erreur d’être empressé. Après l’excursion en Norvège en compagnie de @Jameson Clearwater et d’@Apolline Dunn, il s’était fait à l’idée qu’il allait mettre un terme à son bagage. L’étouffer ou le faire mourir lui était impossible – ou alors il aurait fallu se pencher un peu plus sur les recherches que la Porte de l’Amour, au Ministère, devaient cacher aux yeux du monde – mais il pouvait choisir de se faire l’ami de son cœur, de le regarder sans jamais l’effleurer. De ne jamais tenter le vieux démon en dormance dans sa poitrine. Même quand elle lui jetait ce petit regard en coin.

James souffla par le nez, d’un air mi amusé mi moqueur, narguant un peu peut-être la jeune femme comme il fallait mieux que parfois il la pique :
« Tu n’aimes plus la cuisine française ? »

D’un geste de la main, il fit signe à Ana de le guider, se mettant aussitôt à sa droite, grand et fin comme un corbeau traînant son manteau de printemps.

« Si c’est une adresse que tu recommandes, je te suis, sans me poser aucune question. »

Le sourire goguenard sur le visage, James n’observa que quelques secondes le profil de sa cousine.

Il savait très bien ce qu’elle avait voulu dire – ou plutôt, ne pas dire.
L’image de Céleste lui revenait, sur le flanc des côtes corses, ses longs cheveux bruns cachant son regard lui donnaient l’impression d’être sa Karénine. Ce soir-là, trop sentimental, il avait fait un choix habité, mais pas un choix de raison. Cela faisait longtemps qu’il avait laissé ce genre de chose à Ana, et pas que ce genre de chose d’ailleurs, puisqu’elle avait eu également le dernier mot sans avoir à en prononcer un seul.

« Tu n’as pas à t’en faire pour ça » reprit d’un ton plus doux James, comme s’il cherchait à la ménager, « je me suis rendu à l’évidence que j’étais incapable de concrétiser quoi que ce soit. Alors, pour changer, j’ai décidé de me marier avec la seule chose qui voulait bien de moi : mon travail ! C’est plutôt satisfaisant, je suis sur beaucoup de dossiers, ça me surprend tous les jours et le Ministère est un amant plutôt exigent. Tu verrais ce qu’il me fait faire parfois, je suis toujours à crapahuter à droite et à gauche, il me pose tout un tas de question et je n’ai pas la moitié des réponses, et alors il m’envoie faire le garçon de course et derrière la paie est maigre mais j’imagine qu’il s’attends à ce que je me nourrisse d’amour et d’eau fraîche… » tenta doucement de plaisanter James, sans oser lui jeter un regard pour savoir si elle s’empourprait de colère encore ou si elle ne goûtait pas l’humour douteux certes de l’ancien serpentard.

Elle eut un petit sourire emprunté. Il savait très bien son amour pour la France, quoi que celui-ci ait passablement diminué ces six derniers mois. Il saurait bien ce qui se cachait derrière la remarque anodine, en apparence.

Elle attendit son invite silencieuse pour reprendre le chemin de son bureau, flanquée de cette ombre familière qu'était son cousin. L'envie de glisser sa main dans la sienne, de le serrer dans ses bras bien présente à son esprit, elle ressentait l'impossible besoin de faire tabula rasa. Mais elle ne pouvait rien changer de ce qu'ils avaient choisi de laisser derrière eux. Certains jours cela semblait plus difficile que d'autres.

Elle eut un petit rire cristallin comme il lui décrivait la relation passionnée et cruelle qu'il entretenait avec son travail au Ministère. Malgré elle, elle eut une pensée pour sa mère qui ne se remettrait jamais de ce que son neveu préféré ait été remis entre les mains d'un homme qu'elle avait toujours considéré comme un bon à rien.

« Je vois exactement ce que tu veux dire... il m'arrive parfois de commencer une nouvelle journée de travail sans avoir froissé les draps de mon lit et de me rendre compte qu'en fait, je ne mets quasiment plus les pieds à la maison. C'est d'autant plus vrai depuis que j'ai fait augmenté mon sac de chercheuse par un mécamage. Certaines semaines, je vis littéralement dans un havresac. Qui l'eût cru ? »

Certes un havresac de luxe, inutile de le préciser. Mais tout de même, c'était drôle à imaginer venant d'elle. Elle l'entraîna avec elle vers la sortie. L'air frais de la rue les cueillit au passage. Par habitude, elle avait manqué lui demander son bras mais finalement, à titre de rattrapage, s'était contentée de croiser les bras sous sa poitrine en prenant à gauche.

Le Bec Fin était une adresse très appréciée de ceux qui pouvaient se l'offrir, occasionnellement ou plus régulièrement comme c'était le cas d'Ana. Elle avait beau vivre dans un havresac, elle n'était pas prête à s'abaisser au point de recourir à la cantine de l'IDEM. Si elle acceptait sans sourciller les abominations culinaires qui accompagnaient toute expédition qui se respectaient, elle préférait sauter un repas voire deux que de manger n'importe quoi quand elle était sur place.

« Bonjour Mademoiselle ! », lança le maître d'hôtel avec enthousiasme, « Votre table habituelle je présume ? »
« S'il vous plait Gustave. »

Le sorcier à la fine moustache guidon les invita à le suivre d'un petit signe de tête très étudié, suivi d'un monsieur comme l'étiquette prescrivait que l'homme précéderait la femme à sa suite.

« La table convient-elle à monsieur ? », interrogea-t-il finalement en leur désignant une table couverte d'une nappe à broderie anglaise, toute proche d'une fontaine et d'un puits de lumière magique.

FEAT ANA SOUVOROV. Ancienne étudiante de Beauxbâtons, où elle a fait l'essentiel de sa scolarité, puis préfète de Poufsouffle, Ana est la fille d'Alexandr Souvorov et Lady Lilith Grey. Jeune chercheuse prometteuse en botanique, on lui doit la publication de deux opus de botanique très remarqués dans le milieu et de quelques articles dans des revues de magizoologie. Venue renforcer les effectifs de l'IDEM, elle a très rapidement pris Sheraz Mahal sous son aile, malgré le fait que le jeune homme ne brille étonnamment pas dans son domaine à elle. Ana Souvorov est connue pour être un bourreau de travail. Si cela ne pose question à personne, d'autres ne manqueront pas de se demander ce qu'elle cherche à fuir en s'enfermant dans ses serres parmi les plantes... lire sa fiche

Un sourire fin passa sur les lèvres de James alors qu’il hochait la tête d’un air moqueur :

« Dans un havresac… Je vois que Mademoiselle Souvorov se dévergonde, bientôt elle nous apprendra qu’elle a dormi dans une étable et qu’elle a aimé ça… »

L’ancien serpentard se voulait mutin, joueur, alors que l’oreille n’avait pas manqué un seul mot et qu’il avait bien cru comprendre qu’elle ne froissait aucun drap avec personne, pas même avec elle-même, en revanche la présence dans l’équation d’un mécamage était un peu plus ennuyeuse. Du moment qu’il n’était pas jeune et merveilleux… Avec un peu de chance, ce serait encore un de ces curieux personnages, aux mains toutes grasses, au visage couvert de suie. Le plus rebutant et le plus mal élevé possible, si Merlin avait bien pitié de lui.

L’air frais de la rue eut raison des dernières incartades du myocarde jaloux. Il eut pour premier réflexe de lui tendre la main mais elle avait déjà les bras sous la poitrine, comme une jeune femme tout à fait indépendante. Il souffla légèrement par le nez, pincé qu’elle ne le laisse pas même à la plus simple et innocente des aides, mais n’en fit pas davantage étalage. L’instant était fragile et il le respectait ; se mettant tout juste à son niveau, calant le pas sur le sien, les mains coincés dans son dos, ce qui lui donnait davantage encore l’air de ces grands freux qui ornaient la tête de dragon du portail de Dean.

Son regard tendre la couvait du coin de l’œil, et bientôt il la suivait sans même regarder où elle le menait – pour peu que ce fut à sa perte, il n’en aurait rien su, et y serait même allé tout heureux.

Au moment d’entrer dans le restaurant, James passa tout de même l’œil sur la devanture qui était sobre mais luxueuse. Une fois à l’intérieur, il put apprécier le décor, d’une finesse charmante aux matériaux nobles, que ce fut le bois ou le marbre. Un regard appréciateur et connaisseur, même si ce qui restait le plus beau à ce tableau était encore la présence de Madame.

« Elle est parfaite », répondit simplement James, dans une métonymie tendre.

Il observa le serveur, faisant un geste pour être celui qui tirerait la chaise de Miss Souvorov, avant de s’asseoir en face d’elle. Il y avait des choses qu’il voulait bien souffrir qu’elle ne lui autorise, mais pas ça, pas cette galanterie à laquelle il se pliait sans rechigner, par un plaisir servile.

Il prit place en face, ses doigts glissant sur la nappe pour en vérifier la douceur, et comme il s’y attendait, l’étoffe était douce et robuste, d’une belle facture. Probablement une nappe issue d’une grande maison, tissée par des fées charmantes.

James releva le visage vers le serveur, attendant qu’il dépose la carte pour l’ouvrir. Sur la sienne s’affichait les prix, pas sur celle de Madame, quand bien même Ana devait déjà avoir une fine connaissance de combien coûtait le moindre de leurs plats.
L’ancien serpentard attendit que le serveur parte un instant, pour glisser sur la jolie figure de Miss Souvorov un regard amusé, cachant toujours ce petit venin amer de jalousie :

« Gustave, mh ? », l’air de dire, vous en êtes déjà aux familiarités ?, bien qu’il n’imaginait pas la tête de Lilith si jamais sa fille s’amourachait d’un serveur, même dans un restaurant de luxe.

« Qu’est-ce que tu me conseilles ? Je choisirais le vin seulement. Pour le reste, je te fais confiance. »

Il n’avait guère d’appétit quand il pouvait choisir simplement de la dévorer du coin de l’œil, toujours discret. Son pouce grattait le coin de son index, d’un petit tic nerveux alors qu’il ne savait plus sur quoi l’orienter. Sa sœur, peut-être ? Ou la maladie d’Alice ? L’un était odieusement joyeux et baigné de lumière, l’autre effroyablement triste pour un repas de retrouvailles. Ni l’un ni l’autre ne lui parlaient.
Il n’avait pas vraiment envie de parler de lui, surtout, alors il eut un petit sourire charmant, heureux simplement de l’avoir avec lui le temps d’un dîner :

« J’ai cru t’entendre rouspéter quand je suis arrivé à l’IDEM. Tu as des... soucis ? »

L’air de rien, le métier commençait à entrer, et les brides de conversation devenaient pour ainsi dire des indices. On pouvait difficilement cacher quelque chose à un Langue-de-plomb, alors qu’eux, à contrario…

Le serveur revint, James fit sa commande comme suggérer par sa cousine et prit un vin blanc, moelleux, pour le plat principal, et un rouge fruité pour le désert. Il avait toujours été difficile avec le vin, appréciant son amertume mais exécrant la moindre minceur  ou maigreur.

Elle eut un petit hoquet moqueur, très aristocratique. Dormir dans une étable... on n'était pas prêt de l'y voir, à moins que ce ne fut pour le travail mais dans ces conditions, elle aurait sans aucun doute choisi le confort luxueux de son havresac bien avant de se rouler dans la paille. Il y avait des limites à tout. Si elle ne rechignait jamais sur le terrain et que ses mains étaient finalement plus souvent dans la terre que dans la soie, elle ne pouvait pas renier ses origines sociales.

Ils firent le chemin, presque top à l'étroit chacun dans leur personnage. Elle n'avait pas manqué la main qui avait amorcé une ouverture juste au moment où elle, se refermait. En silence, elle se maudit d'avoir présumé trop vite mais ne montra rien de son débat intérieur. Par chance, l'adresse où elle comptait l'amener n'était pas loin et Gustave avait l'art et la manière de s'introduire. La table lui plut. Un instant, Ana fut tentée de chercher un double sens au petit commentaire de James. Parfaite. C'était le genre de choses qu'il aurait pu lui dire avant toutes ces prises de bec. Elle se trouvait à nouveau devant ce navrant constat qu'elle était incapable de faire le deuil de ces moments de grâce qu'ils avaient eu en nombre. Ils laissaient en elle une plaie béante et dévorante qui se réveillait chaque fois qu'elle posait les yeux sur James Grey.

« Si tu n'as pas changé de palais, je te recommanderai le filet de louvine. », elle espérait bien qu'il n'aurait changé en rien.

Quoiqu'il en soit, elle comptait bien suivre, séduite par ce poisson qu'elle connaissait bien tout autant que par son accompagnement de Pamplemousse, betterave et citron vert. Elle n'opposa aucune objection au choix des vins, tout comme elle avait approuvé en silence tous ces petits témoignages de galanterie, de la chaise à la carte et même à lui laisser le choix du menu tout en lui retirant celui de la boisson. Dans ce genre de moments, Ana caressait sans y croire la douce utopie qu'ils pourraient durer dans l'accord parfait. Elle savait bien que non mais elle n'était pas prête à rompre le charme, surtout pas après des mois de silence douloureux. Elle ne put réprimer un sourire tendre, cherchant tout autant que lui la conservation qui ne mettrait pas le feu aux poudres. Il fut le plus rapide...

« Oh rien de grave. Un de mes collègues s'est inventé des prérogatives sur l'un de mes sujets d'étude. », depuis le temps qu'ils ne s'étaient plus parler, elle n'avait jamais eu l'occasion de lui faire part de cette fabuleuse théorie sur laquelle elle travaillait depuis un an et demi déjà. Et pourtant ce cerf qui n'en était pas un avait occupé absolument toutes ses journées depuis qu'elle était revenue de son stage de fin d'études en Écosse. C'était que les choses avaient vite pris de l'ampleur. En supputant que ledit cerf était en fait une plante, elle remettait en cause le travail d'un magizoologiste reconnu. Cela lui avait même valu quelques lettres anonymes et un retour de ses parents à la maison de ville londonienne. Elle avait explicitement fait savoir qu'elle ne voulait pas ébruiter l'affaire. Il aurait été de mauvais goût de chercher un peu d'attention de son cousin à ce moment-là et par un biais aussi peu glorieux. Entre temps, l'Exposition Universelle des Sciences Magiques lui avait fait une place dans son programme. A ce stade de l'étude, quoi de plus normal que la capture d'un cerf variable, dans son dos, l'ait fait sortir de ses gonds, « Je ne pouvais décemment pas me laisser évincer sous le prétexte fallacieux qu'on aurait voulu se faire valoir à mes yeux. C'est un sujet qui me tient trop à coeur pour cela. »

Gustave réapparut, lui offrant de goûter le vin pour confirmer le choix de Monsieur. Elle remercia d'un signe très discret de la tête avant de donner un tourbillon à son verre pour en éprouver la jambe, la couleur et les arômes. Elle y trempa finalement ses lèvres, appréciant le moelleux à la pointe de sa langue avant de faire cette critique :

« Excellent rôti. Parfait pour moi mais peut-être un peu court pour toi. Tu verras. »

S'ils avaient goûté ce vin d'une même bouche, elle n'aurait sans doute pas dit mieux.
Le maître d'hôtel ne put s'empêcher de le relever pour lui-même, bien trop respectueux du savoir-vivre pour se permettre quelque remarque que ce soit. S'il s'était substitué au sommelier, c'était parce que Miss Souvorov était de ces clients qu'il fallait choyer.

FEAT ANA SOUVOROV. Ancienne étudiante de Beauxbâtons, où elle a fait l'essentiel de sa scolarité, puis préfète de Poufsouffle, Ana est la fille d'Alexandr Souvorov et Lady Lilith Grey. Jeune chercheuse prometteuse en botanique, on lui doit la publication de deux opus de botanique très remarqués dans le milieu et de quelques articles dans des revues de magizoologie. Venue renforcer les effectifs de l'IDEM, elle a très rapidement pris Sheraz Mahal sous son aile, malgré le fait que le jeune homme ne brille étonnamment pas dans son domaine à elle. Ana Souvorov est connue pour être un bourreau de travail. Si cela ne pose question à personne, d'autres ne manqueront pas de se demander ce qu'elle cherche à fuir en s'enfermant dans ses serres parmi les plantes... lire sa fiche

« Alors ce sera la louvine pour moi également, merci », James eut un sourire, séduit quelque part par l’idée qu’elle en sache autant sur lui qu’elle le montrait à ce moment. En réalité, il aurait bien pu être dégoûté à l’idée de manger de ce petit loup de mer à la chaire si tendre, qu’il l’aurait fait, au moins d’une manière bien servile, car il lui réchauffait plus le corps qu’elle le connaisse à ce point que de manger un quelconque plat. C’était à ce point l’emprise qu’elle avait sur lui, et James Grey ne pouvait que s’en rendre compte alors qu’il lui souriait et qu’elle lui souriait en retour.

Eloignant les pensées peu élégantes, il tenta de rapiécer la conversation avec ce qu’il avait vu quelques instants auparavant. Il n’attendit pas longtemps pour que sa cousine ne lui réponde, alors que le serpent en lui s’éveillait de nouveau.

Collègue.
Prérogative.
Sujet d’étude.

James eut une petite moue, et s’il ne prononça pas un mot, il sentit nettement sa gorge se serrait au moment où elle lui avouait que le collègue avait voulu se faire bien voir de la jeune Souvorov. Si d’abord, ses pensées s’empoisonnèrent de tout le venin dont il était capable, il se rappela avec une certaine honte ce qu’il était arrivé en Norvège, lors de son stage avec @Jameson Clearwater et @Apolline Dunn. Aussitôt, un frisson désagréable lui lécha les reins et il se calma presque aussitôt pour ne plus porter que cette drôle d’humeur qu’on ne lui connaissait pas, maussade et en même temps résigné.
Sur un coin de table, ses doigts pianotèrent nerveusement sur la nappe, alors qu’il voulait au moins lui demander – mais Gustave apparut dans le coin de sa vision et le stoppa aussi sec dans son élan.

Il ravala sa salive, le souffle toujours un peu difficile, avant de finalement boire à son tour, après avoir écouté la critique toujours très – trop ? – juste d’Ana.

Les yeux pensifs, le Grey reposa son verre avec une moue satisfaite.

« Un peu court c’est vrai, mais ce qu’il perd en persistance, il le gagne en loyauté. Très bon bouquet, je ne regrette rien. »

Le regard de James glissa jusqu’à Gustave qui s’éclipsa comme s’il n’était jamais intervenu.

Il semblait au jeune Grey que chaque mot qu’il s’arrachait était lourd d’un double-sens et il n’y pouvait rien. James déglutit péniblement, tentant de reprendre le doux contrôle de ce corps – que dire, de cette carcasse – qui n’en faisait qu’à sa tête. Il avait pourtant eu le discours le plus présomptueux la veille au soir à la petite cubaine, @Alejandra Montero, et maintenant quoi ? Il avait oublié qu’il ne souhaitait rien de plus que le bonheur d’Ana Souvorov ? N’était-il jamais qu’un petit monstre bien orgueilleux ?

« Si c’était une approche pour te plaire, c’était un peu cavalier. »

Le sourire plaqué sur les lèvres, James se laissa aller à juger tout ça de loin et de haut. Ce n’était plus son problème. Si Ana voulait aimer ce petit collègue, ou même le mécamagicien ou même le serveur avec sa moustache ridicule, il n’avait pas le droit d’intervenir. C’était douloureux, mais il avait fait ce choix. Ses doigts pianotaient toujours avec une certaine nervosité, mais son visage ne laissait transparaître que la sagesse d’un homme ayant bien compris sa leçon. Il reposa doucement son dos contre le dossier.

Ana Souvorov était, à l’instar de la rose du Petit Prince, née avec le soleil. De la même façon, elle avait cette vanité un peu ombrageuse parfois, mais surtout, elle embaumait tout son monde et il n’avait pas su la comprendre, ni dans ses actes, ni dans ses mots. Elle avait été un peu naïve, lui un peu bête, elle contradictoire, lui si maladroit.

Il voulait la rendre au monde, lui permettre d’aimer, quant à sa propre condition ; il devait encore trouver le moyen d’être heureux, puisqu’elle comme lui devaient en rester là.

« Il s’excusera sans doute. Il aura au moins appris qu’il ne faut pas sous-estimer les épines d’une rose. »

Gustave arriva, déposant devant Madame son plat, puis devant Monsieur. James le remercia, avant d’aviser le plat superbement préparé. Son doigt avait cessé de pianoter alors que l’iris bleu-vert courrait sur le tranchant du couteau en argent que le serveur avait laissé. Il laissa Gustave disparaître, sans même lui jeter un regard. James releva finalement les yeux sur Ana, non sans un sourire simple.

« Quel était ce sujet d’étude, si ce n’est pas trop indiscret ou top secret ? »

Il aurait compris si elle ne voulait rien lui dire, mais Grey avait besoin de changer de sujet, de changer d’air, de ne plus penser à ce petit bonhomme qu’il imaginait avec cette même tête affreuse, de gentil gars, de bonne pâte, qu’il avait vu en Norvège. Il le vomissait par tous les pores de sa peau, et s’il présentait bien jusque-là, il savait très bien qu’il se mentait à lui-même.

James avait formulé tout ce qu’il aurait aimé être quand il avait un peu d’alcool dans le sang, mais force est de constater qu’il n’arrivait pas même à dompter son propre monstre intérieur.

« Cavalier, c'est le moins que l'on puisse dire. », fit-elle en posant ses lèvres avec délicatesse sur le fil de son verre de vin. L'agacement était susceptible de la reprendre à tout moment. Essayer de la dominer par quelque méthode que ce fût était une bien mauvaise manière d'essayer de lui faire battre le coeur. Pour cela, il aurait fallu que Bradwick susse enflammer leur relation au même niveau d'intensité qu'avait su le faire James. Or il n'y avait que James pour la faire s'embraser de la sorte. Mais ça n'était pas le propos. « C'est un grossier personnage qui n'aime guère s'entendre dire non. Sans doute parce que ça lui arrive trop peu souvent. », se contenta-t-elle d'avouer bien certaine que ça n'était pas une riche idée que de mettre celle-ci dans la tête de son cousin. Il ne pouvait pas bien prendre l'idée qu'un autre ait pu avoir ce genre de prétention. Elle ne l'aurait pas bien pris si les rôles avaient été inversés. Parlant d'endurance et de loyauté, une petite part d'elle-même espérait qu'autant qu'elle, James n'avait pas changé.

Quoiqu'il en fut, il préféra balayer l'impertinent collègue pour en revenir ce qui avait le plus de chance de l'intéresser elle.

« Un secret de polichinelle s'il en est. Quelques articles ont déjà paru sur le sujet et on m'a sollicitée pour venir en parler à l'exposition universelle. C'est surtout que si mes théories se vérifient, elles supplanteront les travaux d'un grand ponte de la Magizoologie. », ce n'était pas la raison pour laquelle elle avait poussé si loin mais elle ne boudait pas son plaisir à l'idée, « C'est une découverte que j'ai faite lors de mon premier stage de terrain, pendant que tu étais en Norvège... »

Et de lui dévoiler par le menu, avec la même passion que dans l'enfance, les petites subtilités qui l'avait mener à la théorie que le cerf variable était en réalité une plante. Elle parlait en y mettant les gestes comme c'était rarement le cas, l'éducation laissant peu de place à l'emphase et elle avait ces petites étincelles dans le regard. Sans doute ne se serait-elle jamais arrêtée si leur plat n'avait pas fini par leur être servi.

« Par la rose aux milles épines, et toi tu m'aurais laissé te noyer de mots sans m'interrompre. Pardon. Encore un peu et nous mangerons froid. Bon appétit », glissa-t-elle dans le plus parfait des français.

Six années à fréquenter les rangs de Beauxbâtons pour finir à déjeuner en tête à tête avec lui. La situation était d'une ironie délicieuse, mais elle ne boudait pas son plaisir.

« Et toi qu'as-tu fait de tout ce temps ? Je sais bien que tu ne peux pas me parler de ton travail mais il y a bien autre chose... »

Elle savait bien ce qu'elle espérait qu'il ne lui dise surtout pas mais il fallait qu'elle en ait le coeur net, quand bien même cette demande silencieuse était ridicule.

FEAT ANA SOUVOROV. Ancienne étudiante de Beauxbâtons, où elle a fait l'essentiel de sa scolarité, puis préfète de Poufsouffle, Ana est la fille d'Alexandr Souvorov et Lady Lilith Grey. Jeune chercheuse prometteuse en botanique, on lui doit la publication de deux opus de botanique très remarqués dans le milieu et de quelques articles dans des revues de magizoologie. Venue renforcer les effectifs de l'IDEM, elle a très rapidement pris Sheraz Mahal sous son aile, malgré le fait que le jeune homme ne brille étonnamment pas dans son domaine à elle. Ana Souvorov est connue pour être un bourreau de travail. Si cela ne pose question à personne, d'autres ne manqueront pas de se demander ce qu'elle cherche à fuir en s'enfermant dans ses serres parmi les plantes... lire sa fiche