Misunderstanding (Persiflette)

Elle avait longtemps vécu dans cet appartement aussi, lorsque la Ligue l'avait recontactée pour lui demander ce petit service, ça lui avait fait un pincement au coeur. Elle n'y avait plus remis les pieds depuis plus de six mois alors raccrocher son Tiffany 1905 et son flambant neuf GrimmRider griffé de la main de Michel-Ange - dernier de la courte histoire de son entreprise à 2 gallions - ça lui avait fait un petit quelque chose. Les spéculations du marché londonien avait donné des envies à la Ligue qui entendait bien jouer de la notoriété de certains de ses joueurs pour revendre à prix d'or des petits apparts sans prétention comme le sien et racheter des immeubles de plus grand standing. Elle s'était tout de même prêté à l'exercice volontiers, sa nouvelle adresse était à deux pas en plus. Retrouver un appartement vide lui avait fait un bien fou même si ça n'avait été que pour y disposer quelques affaires pour faire plus vrai. Depuis les restrictions du CSI, Perséphone et quelques autres de la ligue des jeunes espoirs avaient jugé bon de sous louer un grand loft sur le Chemin de Traverse. L'ambiance était très sympa mais elle se rendait compte qu'elle n'en était plus à un moment de sa vie où les colloques étudiantes la faisaient rêver. Elle aurait bien pris un appartement avec Fergus mais, d'une, il lui paraissait délicat de lui suggérer de planter sa soeur avec qui il vivait depuis sa rupture avec Solvi, et de deux, leur brève expérience estivale l'avait confortée dans l'idée qu'ils allaient prendre leur temps. Beaucoup de temps.

Ils s'entendaient pourtant à merveille mais il y avait comme une espèce d'indécrottable karma qui les poussait à se bouffer le nez pour un oui pour un non qu'elle n'expliquait pas.

Par exemple, ce jour-là elle n'aurait jamais pu prévoir que faire visiter son ancien appart allait mener à une énième dispute. Et pourtant...

Elle monta les escaliers sans trop y penser, jouant avec le trousseau de clés dans sa main. L'agent avait son propre jeu et devait probablement déjà attendre avec le client. Il fallait dire qu'elle était un peu - beaucoup - en retard. L'agent se serait probablement dit qu'elle ne viendrait pas mais Perséphone était une jeune femme de parole. Alors elle était venue, même avec vingt minutes de retard.

La scène sur laquelle elle tomba en poussant la porte la fit sortir de ses gonds en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Ses lèvres se pincèrent et ses sourcils prirent un petit arc carrément irascible. Ils étaient là tous les deux, à deux doigts de se faire des mamours sur SON canapé ! La fumée lui sortait presque des naseaux et cette phrase maladroite de Fergus ne fit qu'enfoncer le clou.

C'est pas ce que tu crois...

« Ben voyons ! Oh vous la pétasse ta gueule on vous a pas sonné ! », coupa-t-elle en pointant son index sur l'agent immobilier qui avait cru bon d'y aller de son petit commentaire, « Alors quoi ? On s'est déjà lassé de la gamine mais on n'a pas eu les couilles de me larguer proprement, c'est ça ?!!!! Et c'est quoi ça d'abord ? Pourquoi tu visites mon ancien appart ?!! Sans me le dire en plus !!! »

Avec leurs tribulations de l'été passé, Fergus n'était pas sans ignorer que la demoiselle n'aurait guère pu réagir autrement devant l'idée de l'adultère, ni que c'était l'explication qui apparaîtrait presque naturellement comme la plus plausible vu son indice de confiance envers la gente masculine au ras des pâquerettes.

A voir Fergus et cette femme, pris la main dans le sac - du moins à ses yeux - vu le père qu'elle avait, elle ne pouvait que croire à l'infidélité... qu'importe s'il avait failli faire le cou du jackalope à la grognasse qui pouvait se targuer d'avoir facile quinze ans de plus qu'elle. Perséphone allait forcément mettre ça sur le compte de la lâcheté masculine la plus élémentaire.

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La toute jeune poursuiveuse des Flèches d'Appleby foudroya l'agent immobilier du regard et ce fut presque comme si le silencio qui la frappa était venu de Perséphone. Cela ne suffit cependant pas à faire regagner les faveurs de sa belle à Fergus Clearwater. Bien au contraire, le soudain mutisme forcé de la bonne femme acheva de la faire monter en pression.

« Qu'est-ce qu'y a ? T'as peur de ce qu'elle pourrait bien me raconter. Mais allez-y ! la gamine est toute ouïe ! J'adorerai savoir ce que vous avez à dire... », siffla-t-elle avec un tel venin qu'on avait du mal à reconnaître la pétillante jeune femme qui ne rêvait que de voler au-dessus des nuages. D'ordinaire...

Fergus avait d'ailleurs bien pris la température et il se démenait comme un beau diable pour essayer de montrer patte blanche mais rien qu'à voir la furie que Perséphone retenait derrière ses mâchoires crispées, il pouvait déjà deviner que le compte n'y était pas.

« C'est curieux ta définition de "faire une gaffe". Tu croyais que j'allais le prendre comment que tu me parles même pas des tes recherches d'appart ? Je parle même pas de m'y associer tsss et encore moins de te taper l'agent immobilier entre deux visites !! »

Autant dire qu'elle n'était pas du tout réceptive à la plaidoirie de son petit ami qui, à cet instant précis, ne valait pas plus que n'importe quel queutard de fin de match. S'il y avait bien une chose qu'elle ne supportait pas et qu'elle ne voulait pas pardonner c'était l'infidélité.

Entre temps, l'agent immobilier s'était libérée du maléfice mais elle choisit sagement de laisser Fergus prendre les coups à sa place et de ne pas attirer l'attention sur sa petite personne. Sage décision si vous voulez mon avis.

« Bientôt tu vas me faire croire qu'elle t'a forcé... », tempêta Perséphone, les bras croisés sur sa poitrine comme Fergus continuait sa petite histoire, « Et y a rien de tout ça qui t'a fait tilt. Je veux dire : mes balais, mes bouquins, mon plaid putain ! Rien ! Je me demande bien ce qui a pu détourner ton attention à ce point... »

Qu'il ne reconnaisse aucune de ses affaires étaient peut-être le pire de tout. Finalement, elle se demandait - de façon tout à fait subjective et irrationnelle - s'il avait jamais accordé le moindre crédit à leur relation. Se taper une gamine comme disait l'autre. Elle aurait dû s'en douter !

Finalement, Fergus joua son va-tout. Une petite fiole de soit disant Véritasérum - autant dire une flasque avec de l'eau si ça se trouvait - soit disant réservée aux interrogatoires soit disant meilleure façon de savoir s'il disait la vérité. C'est justement comme Perséphone avait toute son attention focalisée sur cette petite fiole que l'agent en profita pour s'esquiver avec une phrase d'accroche franchement mal choisie :

« J'vais m'la faire ! J'te jure j'vais te mettre minable ! Chui pas batteuse mais j'vais te péter le nez !  Casse-toi de chez moi espèce de connasse !! »

Et Perséphone de balancer ses stylettos gryffées Wellington ( @Aurora Illiadis ) sur l'objet de sa rage qui fuyait déjà. Privée de cette vengeance facile, elle se retourna vers Fergus, empoigna sa fiole de Véritasérum et la vida d'un trait.

« Tu me prends vraiment pour une conne ou quoi ? Rien me prouve que c'est pas de l'eau !!! »

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En une fraction de seconde, ce qui aurait pu être le prétexte à un moment d'extrême sincérité sans aucun doute placé sous l'hospice délicieuse des sentiments, se retrouva balayé, pour être précis plaqué au sol avec une brusquerie qui tordait le cou à toute forme de romantisme.

On aurait encore pu sauver les meubles, sachant l'effet que ça lui faisait à elle qu'il la plaque au sol de cette manière -peut être parce que leur relation avait commencé comme ça - si Fergus ne s'était pas fendu de l'idée de lui coller un bézoar dans la bouche. Féroce, elle tenta de le recracher et de lutter sans vraiment comprendre ce qui prenait à son coureur de jupon de petit ami. L'avait-elle mal jugé à ce point ? Elle ne pouvait le croire.

« Mais Ferg- »

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle esquiva deux sortilèges à moitié foiré lancé dans sa direction. Ça il allait le lui payer le saligaud ! Mais à nouveau il la prit de court, fondant sur elle pour la saucissonner tandis qu'elle donnait des ruades et des coups de pied pour se débarrasser de ce fou dangereux ! Mais qu'essayait-il de faire ce barjo ? La réponse lui apparut dans une gerbe très peu glamour et un peu sonore qui achèverait probablement le beau vernis du parquet... mais sur le moment elle n'y pensa pas.

« Mais t'es malade ! Qu'est-ce qui te prend ?!!! », feula-t-elle alors qu'il lâchait l'affaire et la donzelle avec. Blême, haletante, elle fronçait les sourcils d'un air terrible tandis qu'il la serrait contre lui. Elle lui aurait bien mis son poing dans la figure ou dans les noix mais il l'avait épuisée, et pas de la bonne manière.

« Y avait quoi en vrai là-dedans Fergus ? », souffla-t-elle alors qu'il lui livrait quelques bribes d'explications. Elle s'essuya avec grande classe du revers de la manche. Elle n'était plus à ça près.

A sa décharge, le véritasérum n'était pas au programme du premier cycle...

« Mais je n'ai pas peur de dire la vérité moi ! », se récria-t-elle avec le peu d'énergie que lui avait laissé leur drôle d'échauffourée, « Et puis de toute façon, ça se voit bien ce que je pense non ? », asséna-t-elle en cherchant son regard. Si elle avait un peu honte de sa conduite explosive, on ne pouvait que deviner que derrière une telle crise de jalousie, il y avait des sentiments aussi forts qu'assumés, un peu de possessivité aussi. Elle la dissimulait mieux d'ordinaire. « Il faudra que tu m'expliques comment tu en es arrivé à cette conclusion alors que t'en loupe pas une pour faire quitter ma colloque... »

Il verrait très bien de quoi elle parlait. Toutes ces fois où elle l'avait trouvé là, comme par hasard au coin de sa rue, et ces petits conseils si avisés sur les vices cachés de la collocation... ahem...

« Je pensais pas qu'après cet été tu aurais accepté qu'on vive ensemble c'est tout. »

Il se trouvait que justement quand elle s'était posé la question, une horde de joueurs et joueuses de sa division avaient commencé à lui mettre sous le nez des petites annonces et des perspectives très rassurantes pour son budget de joueuse en attente de contrat.

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Elle allait lui répondre d'un ton dépité qu'elle savait ce que c'était que du véritasérum mais qu'elle doutait simplement que ça en soit vraiment, quand bien même elle savait par sa mère que cela faisait partie du nécessaire de l'auror mais Fergus enchaîna sur les effets corolaires qu'une overdose aurait pu avoir. Elle ne l'avait pas réalisé jusque-là. Qu'elle aurait simplement pu faire une overdose de potion. C'était précisément le genre de raison qui faisaient qu'elle était encore sur le banc de l'université magique, quand bien même elle réfléchissait sérieusement à rendre son tablier pour aller voler dans les stades internationaux. Elle n'en avait simplement pas encore eu l'opportunité. Les exemples au supermarché parvinrent tout de même à la faire pouffer, malgré la gravité de la situation.

« Fergus... », tenta-t-elle avec l'envie de plaider sa cause pour ne pas se faire pourrir. Elle commençait à peine à prendre conscience de l'état second induit par la potion. C'était très léger, du moins ça en avait l'air. Elle était très lucide, à ce qu'il lui semblait. Suffisamment pour retenir un petit geste qui aurait voulu empêcher Fergus de prendre les deux gouttes du fond de sa fiole. Consciente de ce qu'il venait de faire, elle se couvrit la bouche, garant en elle-même ce qu'elle pensait de ça pour éviter de se répandre en mièvreries plus dégoulinantes de romantisme les unes que les autres.

Qu'il ait pu faire quelque chose d'aussi stupide pour elle, faisait plus sens que n'importe quelle chose qu'il aurait pu faire. Bizarrement, ce n'était pas la première fois que le voir faire une chose stupide produisait son petit effet sur elle.

Elle eut un sourire presque apaisé en l'entendant lui dire qu'il l'aimait, droit dans les yeux cette fois, pas comme ce jour où il avait jeté ça en se barrant sans lui laisser l'opportunité de répondre. Elle ne pouvait pas faire autrement que de le croire cette fois-ci. Il exécuta un patronus et elle, comme une enfant devant un conteur, ne put faire autrement que de suivre l'oiseau du regard. Elle s'était attendue à un renard. Ca avait toujours été un renard. Du moins, toujours, pour elle. Décontenancée, elle ouvrit la bouche mais il poursuivait.

« Je le serais qu'on vive ensemble ou non Fergus. », répondit-elle la gorge nouée. Elle croyait entendre sa mère lui en rebattre les oreilles : pas un auror, surtout pas un auror ma fille. Et il avait fallu que ce soit un auror, « Cette idée me mortifie d'autant plus que ma mère a toujours fait en sorte de m'y préparer. A raison, je suppose. Ca ne la rend pas moins inacceptable mais qu'est-ce qu'on y peut maintenant hein ? »

La seule idée avait suffi à embuer son regard, chassant toute forme de vindicte... Perséphone avait pour elle cette expression de franche honnêteté, ce petit pli touchant au coin des lèvres, comme un petit mouvement du menton qui cherchait à réfuter cette vérité trop intrinsèque pour qu'on la puisse fuir. Elle ne connaissait pas d'auror vieux. Véritablement vieux. C'était bien la preuve... Elle ne surenchérit pas. Quant à l'objection de sa jeunesse, de cette idée ridicule qu'elle ait pu être trop bien... elles revenaient sans cesse alors elle ne releva pas cette fois-ci.

« Ca n'est pas ce qui s'est passé... avec Solvi. », elle hésitait même à prononcer ce prénom, sachant les ravages que cela pouvait provoquer, « Ça n'est pas ce qui va se passer avec moi. Je ne suis pas inconséquente, naïve, peut-être... carrément même. Et puis il faut bien que je puisse continuer de dire que je n'ai rien contre les écossais parce que mon copain est écossais si je ne veux pas finir dans une panse de brebis sans fond. »

Elle esquissa un petit sourire pour l'inviter à sourire aussi, à chasser la peine. Hésitante mais tendre, elle s'approcha finalement pour venir le serrer contre elle, menton posé sur son épaule pour mieux l'envelopper.

« Alors n'y penses plus, vis l'instant présent et tu verras que tu n'auras rien à y perdre... », ce que disant, elle posa ses lèvres contre les siennes, serrant ses mains autour des bras de Fergus, « On pourrait commencer tout de suite d'ailleurs... je suis sûre que je peux te faire visiter cet appart et t'en laisser un souvenir impérissable... ce n'est pas tous les jours qu'on trinque au véritasérum... »

Apparemment, la fameuse potion n'avait pas que des effets sur les mots... ou bien était-ce une question de dosage.

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