Watch the world burn

feat.   @Aram Romanez  


27.10. Il y avait beaucoup de choses à dire sur ces derniers mois et pourtant, Saúl ne pouvait en parler à personne. Depuis Dunn, les choses s'étaient particulièrement corsées pour lui. Toute sa vie avait éclaté, comme un pétard du Dr. Flibuste, en quelques instants, emportant avec, toute cette stabilité - bien que précaire - qu'il avait su construire. Plus vulnérable que jamais, depuis qu'il avait quitté officiellement le ministère de la magie, Saúl n’errait désormais entre chaos et idéalisme, terreur et optimisme. Beaucoup de choses s'entremêlaient désormais dans sa tête, rendant les choses de plus en plus compliquées pour lui, pour démêler le vrai du faux, mettant ainsi à mal son entraînement d'Auror.

La mission que lui avait confié le Dpt. des Mystères venu le chercher peu de temps après la mise à sac de l'Enchanteresse par le ministère de la magie n'arrangeait rien, car désormais, le silence dans lequel il avait juré fidélité pour mener à bien cette mission qu'on lui avait confiée, lui empêchait de parler à quiconque des états d'âme qu'il pouvait traverser.

Edel n'avait toujours pas répondu à sa lettre, ce qui accentuait un peu plus cette paranoïa dans laquelle Saúl glissait doucement. Si  @Siobhán G. K. Almadovar n'avait pu lui répondre après ce qu'il s'était passé le soir du quinze octobre, Saúl aurait probablement tout plaqué pour forcer les portes de Poudlard afin de savoir si les deux êtres les plus chers à son cœur dans cette université dont la sécurité semblait aujourd'hui s'effriter. En sachant ce qu'il se mijotait dans l'ombre, sa peur avait su trouver son paroxysme au point de le forcer à consommer quelques substances pour l'aider à garder un tant soit peu son calme.

Un comble pour quelqu'un qui avait rejoint une cause sous l'égide de son sang de vélane qu'il avait toujours arboré aux yeux de tous avec la plus grande fierté qui soit.

Sa mère, bien qu'elle ne se doutait de rien de tout cela, s'inquiétait pour lui, l'obligeant toujours à se resservir alors qu'elle le voyait maigrir à vu d'œil. Saúl avait toujours eu de bonnes joues, et bien qu'il entretenait particulièrement son corps, ce dernier n'avait jamais été aussi sec qu'il l'était aujourd'hui. Rassurant du mieux qu'il pouvait sa mère, il n'était pas rare de le voir s'éclipser la journée, lorsqu'il n'était pas avec les autres, pour éviter les regards inquiets d'une mère qui ne voulait que le bien pour son fils.

Quant à sa sœur, les choses se corsaient un peu plus. Une dispute salvatrice (pour Saúl) lui avait permis de s'éloigner d'elle afin de conserver les quelques secrets qu'il lui restait pour lui et seulement lui.

On le voyait alors régulièrement traîner sur le Marché aux Trolls, allant parfois parier sur des combats d'arènes, histoire de se changer les idées. Et quand il désirait s'oublier, c'était à l'Ensorceleur qu'il se rendait.


Il devait être 23h ce soir-là lorsque Saúl réapparut dans le camp des gitans. Les sons des guitares apaisaient son cœur, chassant ses obscures pensées de son esprit. Quelques rires échangeaient par-ci, par-là, il finit par passer devant la roulotte de son cousin. La lumière de cette dernière attira son regard et un petit sourire vint se dessiner sur ses lèvres. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas vu cette sale tête de fouine. Alors, réagissant à une pulsion, il se dirigea vers cette roulotte si particulière à son cœur pour venir cogner sur le bois de la porte.

« - ¿ Hermanito ? ¿ Adivina quién es ? » Fit Saúl en prenant un ton joueur.

Quand la voix de Saul lui parvint derrière la porte de bois de sa roulotte, Aram détourna les yeux du feu magique qui brulait dans son âtre pour fixer cette dernière sans surprise. Le Romanez ne croyait pas au hasard, et son cousin qui choisissait cet instant précis pour venir le retrouver n’était qu’une preuve de plus. Ils n’étaient tous que de vulgaires fils dans la grande tapisserie de la destinée, et Elle seule en connaissait le dessin. Mais quand Elle choisissait de donner un aperçu à l’un de ses petits, ce n’était jamais pour rien…

- L’heure est bien tard pour te décider à venir me voir principito, grogna le tzigane d’une voix morose, avant qu’il ne se décide à se lever pour lui ouvrir la porte. Oye… T’as une mine affreuse…

La lumière tremblotante de sa lanterne éclairait le visage émacié de son cousin, accentuant ses traits qui paraissaient avoir été tracés au couteau. Même son pouvoir d’envoutement ne pouvait complètement effacer la fatigue qui le creusait, comme s’il portait le poids de toutes les âmes perdues des limbes sur son dos. Saul ne semblait tenir debout que par une espèce de furieuse fièvre qui donnait à son aura un charisme plus terrible encore.

Aram posa une main calleuse sur son épaule, l’invitant à entrer d’un mouvement de tête préoccupé. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus eu de ses nouvelles, et les bribes d’information qui lui étaient parvenues de la part de la part de sa mère et de sa sœur étaient loin de l’avoir rassurées. Mais après tout, Saul était assez grand pour choisir la noirceur des combats dans lesquels il souhaitait s’engager. Aram était bien placé pour savoir que nuls mots de la part d’un ami ne le feraient dévier de la voie qu’il s’était tracé. De son côté, le Romanez se chargeait de veiller sur le reste de la famille Ochoa qu’il considérait comme la sienne.

Du moins, c’est la réserve qu’il pensait conserver jusqu’à cette nouvelle vision qui était venue le hanter quelques heures auparavant…

- Je te sers à boire mi amigo, j’ai l’impression que t’en as besoin…

Avec son propre visage hagard, et ses yeux cernés par ces flashs de l’au-delà qui lui venaient de plus en plus fréquemment, c’était pourtant le tzigane qui avait une bien mauvaise mine. Il leur servit deux rasades d’une eau de vie assez trouble qui faisait fureur dans les pots-de-vin du moment sur le marché aux trolls. Reprenant sa place sur son fauteuil qui faisait face au feu, le Romanez désigna la banquette à ses côtés pour que Saul puisse s’y asseoir. Portant le verre à ses lèvres, il le vida avant de fixer son cousin de son drôle de regard qui semblait encore coincé entre deux réalités.

Il y avait ce présent, celui où Saul était en vie. Et puis, il y avait ce futur potentiel, dans lequel il connaîtrait un sort pire que la mort si le sorcier ne changeait radicalement la tournure de son existence.

- Ta famille s’inquiète pour toi, commença gravement Aram avec un ton de reproche dans la voix. Et par famille, il entendait la notion élargie qu’impliquait le fait d’être recueilli par la communauté tzigane. Le peuple d’Aram était capable d’une générosité sans nom pour accueillir et protéger ceux qui étaient dans le besoin. Il ne demandait qu’une chose en retour : la loyauté. Nul ne pouvait tourner le dos à sa propre famille.

- Saul mon frère… Dis-le moi franchement… Es-tu en train de te perdre ?

feat.   @Aram Romanez  


27.10. Saúl se laissa guider à l'intérieur de la roulotte d'Aram sans se faire prier. La présence rassurante, quoique parfois agaçante tant ce dernier pouvait se montrer pertinent, lui fit plus de bien que prévu. L'Hispanique vint s'asseoir sur la banquette que lui indiquait Aram, sous les regards de celui-ci, qui ne cessait de le complimenter sur sa mine affreuse. À cela, Saúl répondait par un sourire à la fois douloureux et amusé, comme s'il n'y avait qu'Aram pour faire revenir d'entre les ténèbres le Saúl solaire qui arpentait, autrefois, les petites rues sinueuses que formait le groupe de roulottes sur cette partie du marché aux trolls.

« - T'as pas l'air mieux. » Répliqua Saúl alors que l'on entendait l'eau-de-vie coulait dans les verres que venait de sortir Aram.

Il imita son cousin en vidant d'un trait le verre. Cette sensation de chaleur, quoiqu'éphémère, lui fit un bien profond. Bien qu'il résistait bien à l'alcool, il sentait déjà l'effet de la boisson sur son corps qui semblait commencer à réellement se détendre. Nul doute que la présence d'Aram, personne en qui il avait une confiance aveugle, l'aidait à atteindre cet état d'apaisement qui semblait s'installer doucement.

Cependant, Saúl détourna le regard lorsque ce dernier évoqua l'inquiétude grandissante de la famille à son égard. Lui-même ne savait pas quoi penser de cette situation dans laquelle il s'enfermait, avec pour seule compagnie, les ténèbres qui s'épaississaient lentement mais sûrement dans les ombres du Royaume-Uni.

La question qui vint ensuite lui fit l'effet d'un coup de poing dans le ventre. Sans qu'il ne s'y soit attendu, l'Hispanique se retrouvait à devoir s'ouvrir au Romanez sans même avoir eu le temps de s'enivrer pour avoir au moins l'excuse d'être imbibé d'alcool pour expliquer que ce qui se passait dans sa vie.

Bien sûr, certains enchantements (celui des Langues de plomb par exemple) suffisaient à protéger le plus gros de ses secrets liés à sa profession, mais... L'intégration du Witan avait des effets non négligeables sur sa psyché mettant à mal les dernières protections que le Ministère lui avait appris à placer lorsqu'il était sous-couverture. Pourtant, il savait que tout ceci viendrait. Abelforth l'avait prévenu. Saúl, par son sang de vélane, était le candidat parfait pour cette mission que le département des Mystères lui avait attribuée, mais il était aussi une pièce de choix pour le Witan qui se servirait de ses connaissances de l'organisme de pouvoir sorcier britannique pour mener à bien leurs plans de grandeur et de chaos.

Il était dur pour Saúl de ne pas céder à cela. Lui qui s'était senti personnellement trahi par le ministère de la magie lorsque les lois sales avaient paru sous la gouvernance de Dunn.

« - Des fois, j'ai l'impression que oui. »

Saúl saisit la bouteille d'eau-de-vie pour leur resservir deux verres. Il ne tarda pas à vider le sien pour s'en resservir un troisième.

« - Mais ne t'inquiète pas. Je le fais pour la bonne cause. » Ajouta Saúl, les yeux s'imbibant malgré lui de larmes qui trahissaient ses peurs les plus profondes.

Le demi-vélane avançait sur la corde raide, faisant l'équilibriste pour ne pas tomber dans les abysses. La folie était proche, mais il avait encore de quoi se raccrocher à la lumière. Saúl en était persuadé.

Le demi-vélane émit un grognement pour toute réponse. Sans doute qu’il y avait quelques mots dissimulés dans son râle, et qu’ils visaient à critiquer les cernes d’Aram mais ce dernier préféra ne pas y prêter attention. Les yeux du rom prenaient la couleur de la cendre dans lesquels elle se reflétait alors qu’ils ne se détournaient pas de Saúl. Plus son cousin cherchait à se soustraire à son examen, plus au contraire l’arménien souhaitait s'emparer de ce qu’il semblait tant lui cacher. Mais, après avoir passé plusieurs secondes perdu dans ses pensées, le mexicain finit par lui répondre dans un murmure transpirant l’honnêteté.

Aram se sentit frissonner en l’écoutant. Saúl ne tentait pas de lui mentir. Il ne l’avait jamais fait par ailleurs, mais le Romanez craignait de voir cette confiance mutuellement partagée se briser d’un jour à l’autre. Son ami ne pourrait définitivement rester loyal quand son existence était à ce point tiraillée. Enchaînant les verres, Saúl se justifiait comme il le pouvait sous le regard de plus en plus sombre du tzigane. Pourtant, Aram se contenta de porter son verre nouvellement rempli à ses lèvres afin de le vider. Lorsqu’il le reposa devant lui, son visage brunit par la vie n’affichait plus que son éternel sourire roublard.

- Aye, la bonne cause tu dis ? Il n’y a qu’une seule bonne cause qui vaille la peine primo, c’est celle de rester en vie et d’en profiter le mieux et le plus longtemps possible !

Il secoua la tête en jugeant son compadre du coin de l’œil, sa mâchoire se secouant comme s’il grommelait quelques insolences en langue romani.

- Je sais quel est ton souci ! Tu t’es enfermé dans ta solitude de martyr, alors que ton cœur n’est fait que pour une seule chose : aimer !

En s’esclaffant, Aram se recula dans son fauteuil, le faisant tenir dans un équilibre précaire sur ses deux pieds de derrière alors que les siens s’étaient posés, croisés, sur l’espèce de montant qui encadrait ses flammes magiques.

- Comment s’appelait cette fille déjà que tu appelais quand tu avais trop bu ? Ah oui… Mira ! Trop respectable pour toi, c’est ce que tu disais… Crois-moi, tu devrais laisser tomber tes combats idéologiques dans lesquels tu risques de te perdre. Tu serais bien plus heureux à mettre à ton bras cet honnête petit bout de femme !

Son fauteuil retomba lourdement sur le bois du parquet qu’il fit trembler. Les flammes s’en retrouvèrent presque soufflées et la luminosité de la caravane s’assombrit brusquement. En miroir à cette atmosphère, le visage d’Aram prit un éclairage tout aussi lugubre. Parfois, il était dur de différencier l’homme et son habitation tant les deux paraissaient résonner des mêmes battements de cœur. La voix du Romanez se fit plus sérieuse, presque pressante alors qu'il comprenait que l'évocation d'un hypothétique avenir heureux et amoureux ne suffirait pas à le faire flancher suffisamment.

- Saúl… Mon ami. Tu sais que je tiens à toi. Si je m’inquiètes tant pour toi c’est que… J’ai vu ta fin. Je ne t’en ai pas encore parlé mais… Depuis quelques années, des visions s’imposent à moi. Terriblement précises. Terriblement exactes. J’ai vérifié dans le feu, dans le marc et dans les cartes. Mi hermano, ces gens que tu côtoient… Ils vont te voler ton âme. Même la mort serait un destin plus enviable que celui qu’ils te réservent… Entiendes ?

feat.   @Aram Romanez  


27.10. Saúl souffla du nez lorsqu'Aram lui expliqua sa façon de voir les choses. Il n'avait pas tort. L'Hispanique en était pleinement conscient, mais il n'avait jamais trop considéré sa propre vie qu'il vivait plus pour les autres que pour lui. Ce qui était paradoxal quand on le savait fier comme un paon quand, au final, on n’avait pas forcément d'amour propre. Saúl avait toujours souffert au plus profond de son être, fuyant ses propres démons pour une vie qu'il vivait au jour le jour sans vouloir planifier quoique ce soit qui puis lui mettre des fers aux chevilles. Pourtant, fonder sa propre famille était son plus grand rêve bien qu'il se persuadait du contraire. Il avait une peur terrible de reproduire ce que son père leur avait infligé à lui, sa sœur et sa mère.

L'Hispanique baissa le regard lorsqu'Aram mit les mots là où il fallait pour le mettre face à la réalité des choses. Aimer. C'était quelque chose qu'il aimait faire, mais qu'il avait toujours tenté de mettre de côté de peur de souffrir un peu plus. Les rares fois où il avait eu le courage de le faire, il s'était pris des murs de quelques pieds d'épaisseur, lui faisant alors réaliser qu'il était seul et qu'il le resterait probablement. Ce fut le cas avec @Aena Nightingale il y a presque vingt ans maintenant et ça le fut aussi avec cette Mira dont Aram venait de parler. Elle avait préféré ce voleur de Grimm (@Ebenezer Grimm). Saúl avait eu du mal à se sortir l'image du sorcier embrassant la belle Iranienne de ses pensées. Il se souvint avoir jeté le bouquet de fleurs dans la première poubelle qu'il eut croisée avant d'aller se saouler la gueule comme il le fallait à l'Ensorceleur.

À ce souvenir, Saúl se servit un autre verre sans attendre Aram qui n'avait toujours pas fini le sien.

L'ancien auror releva la tête lorsque les quatre pieds de la chaise du Romanez retrouvèrent lourdement le sol. Saúl détestait être sermonné. Pourtant, il savait qu'Aram avait raison. Mais c'était trop important, trop... Il ne pouvait pas laisser toutes ses personnes se faire enrôler sans aucune protection possible dans un bourbier qui les dépassait. Probablement attirer par la colère retenue pendant trop d'années à cause de leur sang d'hybride que les sorciers ne cessaient de dépeindre comme des êtres de seconde zone.

Il avait beau avoir des idées similaires à celle du Witan, leur manière chaotique le dépassait. Et le pire, c'était de devoir les adopter pour toujours aller plus loin dans l'organisation afin de découvrir qui était le commanditaire de tout ce groupuscule.

La main de Saúl se mit subitement à trembler sous la pression dans laquelle il glissait peu à peu à cause ou grâce aux propos d'Aram. Pour tenter de camoufler cela, il serra son emprise sur son verre pour le porter à ses lèvres afin d'en avaler une bonne rasade. Il retrouva un semblant de contrôle bien que c'était là juste un effet de l'alcool venant apaiser ses nerfs un peu trop mis à rude épreuve ces dernières semaines.

« - Lo entiendo hermano... ¿ Pero quién los salvarà ? Hein ?»

Par ils, Saúl parlait évidemment des hybrides. S'il avait accepté cet enrôlement au sein du Dpt. des Mystères, ce n'était pas pour les beaux yeux du ministère dont il se fichait désormais comme de sa première paire de chaussettes. C'était uniquement pour toutes ses victimes ignorantes que le Witan parviendrait à séduire en utilisant toutes les cartes possibles et inimaginables pour leur faire miroiter un futur radieux alors qu'il ne serait que mort et dévastation.

Il se portait garant de leur tenir la lumière sur le chemin de la folie dans laquelle ils allaient se mettre, quitte à les aider à se sortir du Witan pour les mener au ministère de la magie lui-même.

C'était ainsi qu'il se convainquait de poursuivre cette quête qui allait le manger tout cru. Saúl en était conscient.

« - Je le sais. C'est pour ça qu'il faudra que tu sois là pour Talia et ma mère si les choses... »

La force quitta ses lèvres l'empêchant de finir sa phrase. Un sourire désolé, des yeux embués braqués vers ceux d'Aram, Saúl se contenta de vider son troisième verre.

Aram eut un rire amer en écoutant Saúl s’exprimer, et baissant le regard sur sa boisson, il la vida d’un trait pour faire en disparaître ce désagréable arrière-gout.

- Les sauver tu dis, répéta-t-il avec une certaine ironie glacée en gardant les yeux fixés sur le verre, observant les flammes qui jouaient avec leurs reflets déformés par les motifs transparents.

Une part de lui ne pouvait que comprendre son cousin. Si les deux sorciers n’étaient véritablement reliés par le sang, ce n’était cependant pas pour rien que le destin les avait réunis et poussés à se considérer comme des frères. Peut-être était-ce en partie dû à leur éducation ; mais il y avait en chacun d’eux un feu qui les consommait, une volonté qui les dépassait : celle de vouloir réparer le monde. Ils savaient tous deux qu’ils s’y bruleraient les ailes et seraient détruits dans ce combat perdu d’avance. Et pourtant, chacun s’enfonçait dans son propre déni, persuadé que ses actions auraient la force de faire bouger les choses. Après tout, pourquoi la vie les aurait-elle parés de cette volonté farouche si ce n’était pas le cas ?

Mais si Aram acceptait sans broncher son destin, il lui était impossible de voir Saúl se saborder sans réagir. Pas quand son don l’avait alerté, le privant du moindre repos devant ce danger brulant qui le menaçait.

- Tu crois vraiment qu’ils ont besoin de toi ? Les hybrides ont en eux la force de se sauver eux-mêmes !

Aram ne pouvait s’empêcher de songer à @Zoey Woods, à @Ellie Yard. Impossible pour lui de voir ces louves comme de pauvres créatures à aider. Et pourtant, elles avaient eu besoin de lui, chacune à sa manière et à son époque. Le tzigane sentait lui-même la faiblesse de son discours, mais il était prêt à tout pour sortir son compagnon de route de la fournaise dans laquelle il s’était lui-même jeté.

- Tu penses que toi seul peut faire la différence ? Si le monde doit bruler en réaction à la manière dont les sorciers occidentaux traitent ceux qui sont différents, eh bien qu’il brule ! Ni toi ni moi ne pourront l’empêcher ! Tout ce qu’on peut faire, c’est se préparer pour protéger ceux qui comptent, mais on ne pourra pas sauver tout le monde. Ta mère et ta sœur ont besoin de toi. Moi, j’ai besoin de toi ! On existe, on est tangibles ! Pas comme ces chimères que tu poursuis !

Etrangement à court de mots, Aram secoua la tête en retombant dans le silence comme si l’énergie qui l’animait venait de s’éteindre. Sans doute que Saúl pouvait sentir un tout autre message transparaitre dans ses pupilles aussi sombres que son âme. Evidemment Aram ferait partie de ceux qui resteraient pour combattre l’incendie, et sauver le plus grand nombre d’âmes possibles. Si le marché venait à sombrer, sa roulotte serait la dernière à partir pour s’assurer qu’aucun pauvre diable ne serait oublié. Finalement, quand il reprit la parole, son ton était devenu bien plus sinistre, et sans aucune once de la vie qui l’habitait d’ordinaire.

- Si tu refuses, alors c’est moi qui te rejoindrais. J’irai là où personne d’autre ne peut se suivre… Si tu crois que je vais simplement te regarder te perdre, tu te trompe lourdement. Je ne peux pas tourner le dos à mes visions, j’en perdrai jusqu’à mon don. Si tu penses que tu n’as pas le choix, alors moi non plus. Tes décisions seront les miennes compadre !

feat.   @Aram Romanez  


27.10. Saúl voyait bien que son explication ne suffisait pas à son frère de cœur. Aram n'était pas facile à convaincre et cela depuis toujours. Il avait toujours vu le choix de carrière de l'Hispanique comme étant stupide et inapproprié quand on connaissait le sang qui coulait dans les veines du latino. Enfant de vélane, créature bien trop séduisante, enfant du Serpent à plumes dans des contrées qui filaient encore des cauchemars aux descendants des premiers colons espagnols, Saúl pouvait être le parfait représentant de tout ce que le colonialisme redoutait. Si les Espagnols n'étaient pas en reste sur ce sujet, les anglais, gouvernement qu'il eut servi (servait encore) n'était clairement pas en reste.

Mais ce n'était pas pour eux qu'il se mêlait si facilement au chaos du Witan, quitte à y perdre ses dernières parcelles de raison dans son esprit déjà si corrompu. Saúl n'oubliait pas la lumière qui le guidait dans des ténèbres toujours plus épaississantes. Il n'oubliait pas les jeunes hybrides, comme @Siobhán Gavalagh-Korrigan ou encore @Eynaelle Sanderson qui pouvaient se faire enrôler facilement. Il n'oubliait pas non plus les créatures qui se laisseraient séduire par dépit comme les Yard (@Ellie Yard), incapable de trouver un pouvoir suffisamment fort pour les protéger de la vilenie des sorciers qui représentaient, malheureusement, la communauté sorcière. Saúl était un chevalier noir dans un monde plus sombre encore.

Son cœur le poussait à continuer, sachant très bien vers quel destin il se tournait.

Bien sûr qu'il savait que, seul, cela ne servait à rien. Saúl n'était pas fou au point de croire que lui seul pourrait stopper la montée du Witan. Mais il ne pouvait s'empêcher d'essayer. Incapable de lutter contre ce besoin de se faire porte-étendard d'un monde meilleur quand lui-même n'y croyait plus. C'était tout là le problème que son esprit affrontait chaque jour alors qu'il voyait le pire dont les hybrides étaient capables, luttant alors contre une société qui ne faisait qu'attiser tout cela comme si tout était fait pour que le chaos ne change à jamais la face du monde.

« - Je sais tout ça. » Avait-il murmuré du bout des lèvres.

Il ne put en dire plus, car déjà Aram prononçait les mots qu'il redoutait d'entendre de la bouche de gens qu'il aimait par-dessus tout comme sa sœur. Rejoindre le Witan pour l'aider dans cette cause perdue où les ténèbres ne faisaient que corrompre tout ce qu'elle touchait. Saúl ne doutait pas du petit prince. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de vouloir, lui aussi, le protéger de tout cela.

Quelque part, quelque chose, comme une sensation, lui intimait de s'ouvrir à lui, de l'accepter sur ses bancs. De lui révéler la vérité. Ses motivations. Son but. Alors dans un sourire désolé, il répondit :

« - Toi... ? Au service du ministère de la magie ? »

Saúl lui avouait à demi-mot ne pas l'avoir réellement quitté. Il lui tira la langue qu'il changea en plomb d'un claquement de doigts avant de lui rendre son apparence initiale par le même stratagème.

« - J'ai pactisé avec un diable pour en contrer un autre. Je préfère la prison au chaos. »

Il y avait quelque chose de profondément triste dans son regard. Saúl repoussa son verre. C'était déjà trop pour ce soir.

« - Mais si c'est de l'aide que tu me donnes, alors je veux bien. » Ajouta-t-il, d'un air las. « Tire-moi les cartes. » Reprit-il, ses yeux brillants d'une lueur intense.

La dernière tirade d’Aram attira un sourire bien amer sur le visage du demi-vélane et le Romanez se raidit en l’observant – sentant qu’une terrible révélation allait s’abattre sur eux. Cette dernière ne se fit pas attendre et le tzigane partit dans un florilège de jurons en se levant pour s’éloigner de son cousin.

- Prin toți sfinții, îngerii și demonii !*

Laissant son instinct réagir pour lui, il cracha son dégoût dans les flammes magiques qui crépitèrent en réponse, tout en s’emparant d’un bouquet de sauge posé sur la cheminée qu’il enflamma d’un claquement de doigts. Lorsqu’il souffla dessus, les plantes séchées exhalèrent un mince filet de fumée dont il entreprit de tapisser tous les recoins de la caravane.

- Je savais que toute cette histoire sentait pas bon, mais je savais pas qu’elle puait à ce point ! Tu vas m’attirer le mauvais œil avec toutes tes conneries ! Tu ai wacko limba de plumb**…

Le Rom se lança dans une nouvelle floppée d’injure qui se voulaient plus destinées à calmer sa stupeur qu’à réellement offenser celui qu’il considérerait toujours comme un frère, pour le meilleur et pour le pire. Le pire, il l’avait juste sous les yeux… Pouvait-on imaginer plus épouvantable découverte ? Non seulement Saúl s’était embourbé dans cette secte dont il ne pourrait ressortir indemne ; mais en plus, il continuait à jouer un dangereux double-jeu au service de ces profiteurs autocrates et conservateurs qui dirigeaient le Ministère de la Magie. Son cousin savait-il bien lui-même où allait sa loyauté ?

Dans un râle d’exaspération, Aram se prit la tête entre les mains avant de finalement s’effondrer de nouveau sur la chaise qui faisait face au Mexicain.

- Pourquoi frate***, pourquoi…

L’arménien inspira longuement en s’enfonçant deux doigts dans ses orbites comme s’il préférait s’arracher les globes oculaires plutôt qu’être témoin de ça avant de finalement attraper son verre pour le terminer cul-sec. Il continuait de grogner quelques mots dans un mélange d’anglais, de romani, d’arménien, d’espagnol et de roumain qui signifiait plus ou moins quelque chose comme « il m’aura vraiment tou fait c’ui là » ; avant de s’exprimer dans son anglais à l’accent plus que roulant.

- Eh pourquoi je te lirais les cartes, tu peux me le dire ? J’en ai pas besoin pour connaître ton destin ! Tu vas te faire faucher l’âme, que ça soit d’un côté ou de l’autre ! Tu vas tout perdre, et tu n’entraineras que le chaos avec toi ! Tu crois que j’ai vraiment envie de lire ça ?

Et pourtant, à mesure qu’il parlait, il avait fait apparaître entre eux sa petite table ronde en osier sur laquelle il aimait à tirer ses cartes. Son jeu déjà entre ses doigts, il le manipulait avec une telle facilité qu’on aurait dit que ce n’était rien d’autre qu’une extension de ses doigts. Bientôt, ses vieilles cartes au dos brillant de mille feux s’étalèrent sur la table, et trois d’entre elles qui avaient sauté hors de leur tas furent retournées devant eux.

La première carte représentait la Tour, structure inquiétante et chancelante frappée par la foudre, symbole d’un bouleversement et d’une destruction imminente. Ses fondations commençaient déjà à s’effriter, démontrant le manque de stabilité qui préfigurait la catastrophe à venir. Adjacente à la Tour, la deuxième carte révélait les Amoureux dans un état de désarroi profond. L’union autrefois harmonieuse entre ces deux personnages semblait désormais avoir sombré dans la discorde. L’effritement de ses liens affectifs était la deuxième flèche qui percerait son frère. Ce triptyque morose fut complété par la présence inquiétante du Pendu. Suspendu à l’envers, il incarnait à la perfection le sacrifice et l’abandon dont faisait preuve Saúl dans sa quête perdue d’avance. Mais ce sacrifice pourrait-il éviter la tragédie imminente ? Ensemble, ces cartes formaient un bien funeste prélude au destin tragique qui attendait le Langue-de-Plomb.

Résigné, Aram contempla les cartes avant de lever lentement son regard sombre et sans âme vers son compagnon. Il l'observa avec la même intensité que s’il le voyait pour la première, comme pour la dernière fois. Lentement, le Romanez retourna ses trois cartes qui furent mélangées au reste comme si effacer leur présence allait rompre dans le même temps la malédiction qu’elles venaient de prédire.

- Non mon frère, je ne peux pas lire tes cartes, se contenta-t-il de souffler douloureusement à Saúl avant de se resservir à boire d’une main un peu plus tremblante qu’auparavant.


* Par tous les saints, les anges et les démons !
** Espèce de cinglé de langue de plomb
*** mon frère

feat.   @Aram Romanez  


27.10. Saúl ne put s'empêcher de rire devant la réaction d'Aram. Ce n'était pas de la provocation ou de la moquerie, c'était... Autre chose. Quelque chose de plus doux, de fraternel. Il avait observé Aram s'énervait après lui pour finalement se poser devant lui afin de lui tirer ses cartes qu'il s'était pourtant juré de ne pas faire. Saúl l'observait avec douceur comme s'il cherchait à le couver du regard. Une furieuse envie de le prendre dans ses bras le prit, mais il ne fit pas un geste, il ne fit rien, acceptant son destin dans le silence, car Aram avait raison. Jouer le double agent était particulièrement épuisant mentalement. C'était le mener tout doucement vers les abysses de la folie.

« - Chill, hermano. »

Saúl esquissa un sourire résigné.

« - On sait tous les deux que mon avenir n'était pas très brillant. T'as vu le padre que je me frappe ? » Ajouta l'Hispanique qui riait de sa propre situation.

Luís avait laissé des empreintes indélébiles chez Saúl qui ne pouvait s'empêcher désormais que de se vouer corps et âme à tenter de faire le bien. C'était ce qui le définissait, ce qui faisait de lui ce qu'il était aujourd'hui. Il était conscient de sa situation et bien que cela faisait de lui une espèce de martyr, Saúl ne pouvait s'empêcher de persévérer là-dedans.

« - Je te promets de faire attention. »

C'était une bien maigre compensation de faire une telle promesse quand Aram venait de lire son funeste destin. Mais que pouvait-il dire ? Que pouvait-il faire ? Saúl se refusait de l'attirer dans les bras du Witan. C'était priver la communauté Tsigane de son petit prince. Ce guide pour bien des âmes dans ce monde qui ne voulait pas d'eux.

Saúl leva machinalement la main vers le paquet de cartes d'Aram. Dans une tentative de détendre l'atmosphère, il se mit à les battre comme s'il s'apprêtait à jouer au poker. N'ayant aucune notion de divination (ce n'était pas une matière qui lui inspirait quelque chose à Poudlard, préférant choisir les Soins aux Créatures magiques et l'Étude des moldus), il força le trait pour prendre un air mystérieux comme on pouvait voir un charlatan lire le destin d'un moldu un peu trop superstitieux.

« - Les cartes vont te lire ton avenir. »

Saúl tira un pape qu'il posa devant lui.

« - Tu es digne de confiance... Ton jugement est une valeur sûre. Le chef à suivre. »

Il tira ensuite la Roue de la Fortune.

« - Des richesses à venir... Du chaos nait l'espoir... »

Enfin, il tira une autre carte. Celle du Soleil.

« - Ah.... L'amour... Ta présence illumine et protège le destin d'une femme... »

Saúl semblait résigné, et affichait même un petit sourire doux et paisible qu’Aram lui connaissait peu. On aurait dit ces martyrs prêts à bruler sur un bucher pour défendre leurs croyances, souriant à l’avance devant le funeste sort qui les attendait, persuadés que leur sacrifice leur permettrait d’être sauvé. Mais Aram n’était pas cet avis. Pour lui, il n’y avait rien de plus précieux en ce monde que la vie, et il fallait s’y accrocher à tout prix. Rien ne valait qu’on la perde ainsi si bêtement, sans chercher à la défendre chèrement, ainsi qu’elle le méritait. C’était d’ailleurs ce que souhaitait la destinée en leur présentant si ouvertement ses signes sous leur nez.

L’abnégation affichée de son compagnon agaça le Romanez qui fourra ses mains dans les poches pour éviter d’envoyer son tas de cartes mordre la poussière, mais la mention du père du sorcier le maintint au silence. C’était vrai que Saúl n’avait pas été gâté par la nature avec l’autre frappé… Mieux valait encore ne pas avoir eu de père comme Aram, ou plutôt avoir eu quantité de figures paternelles positives au sein de l’endaja. Le jeune mexicain était arrivé chez eux trop vieux pour que cet entourage ait un impact fort sur son développement. La preuve : le salaud était devenu Langue-de-Plomb ! Mais quand il chercha à rassurer le Romanez, ce dernier siffla entre ses dents.

- Là n’est pas la question ! Peu importe à présent que tu fasses attention… Tu pourrais même posséder la baguette la plus puissante de tous les temps que ça ne changerait pas ton destin. Je te l’ai dit, je l’ai vu ! Ils vont te réserver un sort pire que la mort en te privant de ton âme. Ta chute a déjà commencé. Il n’y a plus aucune marche arrière possible, à moins que tu n’acceptes de renoncer à toute cette folie !

Cette situation allait le rendre dingue ! Si le demi-vélane pensait vraiment qu’Aram allait le laisser se perdre sans réagir, il se plantait la baguette dans l’œil jusqu’au caleçon. Un instant, le tzigane songea à mettre dans le coup la jeune sœur Ochoa pour l’aider à faire entendre raison à son frère. Mais il abandonna aussitôt l’idée de la faire se rapprocher un tant soit peu de cette dangereuse secte qu’était le Witan. De plus, il n’était pas certain que Saúl l’écouterait plus que lui. Cependant, il pourrait peut-être demander l’aide de @Naïri Romanez, si cette dernière se décidait à remettre une griffe en Angleterre ?

Alors qu’Aram était plongé dans ses pensées, le Langue-de-Plomb voulu s’essayer à la divination afin de détendre l’atmosphère, ou bien de détourner l’attention de son ami. Son plan ne fonctionna pas si mal et le Romanez leva un sourcil amusé en l’écoutant. Finalement, un maigre sourire aigri brisa le sérieux de son masque et il récupéra l’ensemble de ses cartes d’un geste de la main.

- Aye, merci, tu ne m’apprends rien, aprendiz. Tout le monde sait ici que j’attire la confiance, les femmes et l’argent… C’est pas ma faute si je suis l’enfant béni du destin !

Sous son rire de roublard l’arménien était intéressé par ce que venait de lui prédire son ami. Pour ce qui était des femmes, Saúl n’était pas au courant du quart de ses histoires, et cela valait mieux comme ça. Si le Langue-de-Plomb avait son lot de secrets à taire, il en était de même pour le tzigane qui – par son silence – protégeait bon nombre d’âmes innocentes. De plus, il était certain que derrière son air détaché de tout, l’Ochoa s’opposerait vigoureusement à la sinistre entreprise qu'@Amaranth Mapleleaf et lui étaient en train de projeter. Mieux valait détourner l’attention avec un sauvetage plus badin.

- En parlant de femmes, est-ce que tu sais que le Marché aux Trolls vient de se fendre de l’acquisition d’un toubib,  lui lança-t-il avec l’intention de lui parler de l’arrivée d’@Ellie Yard dans la roulotte voisine.