AleRRrrrrRR - Ft Selma

Le reflet dans le miroir lui renvoya sa triste figure qui fut accueillie avec un certain soulagement. Ce n’était pas que Selma appréciait fortement sa frimousse ; elle s’en désintéressait même plutôt et n’avait que peu d’avis sur cette dernière. Evidemment, la Montero voyait les regards intéressés qui pouvaient suivre sa sœur @Alejandra Montero dont l’aura charismatique complétait à merveille son profil fin et délicat. Sa jumelle bénéficiait de la même génétique, sans posséder pourtant aucun de ses talents sociaux. Pour une personne étrangère à leur famille, Alejandra attirait par son comportement belliqueux plus d’ennuis que d’amis. Mais aux yeux de sa sœur, elle était douée en tout ce dont Selma manquait : le sourire facile et rayonnant, une bonne capacité à exprimer ses émotions, et à faire face aux difficultés de la vie avec bravoure et un brin de désinvolture.

La seule raison qui avait poussé Selma à soupirer de soulagement fut le fait de se retrouver devant son propre reflet, et non celui d’un autre. En effet, depuis quelques mois, son don de métamorphomagie était devenu de plus en plus hors de son contrôle. Il suffisait que la jeune fille soit soumise à un stress intense et elle perdait tous ses moyens, en même temps que sa silhouette et sa figure. Dès lors, la cubaine pouvait d’une minute à l’autre prendre l’apparence d’une toute autre personne – qui avait souvent déjà son double au sein du château – créant ainsi de nombreuses situations embarrassantes.

La jeune fille faisait son possible pour que personne ne s’en rende compte mais il était certain que @Sheraz Mahal s’était aperçu qu’il n’avait pas croisé le professeur Garnett mais bien elle-même lorsqu’il l’avait attendue à la sortie de son cours… Selma devait donc redoubler de vigilance pour éviter de s’attirer des ennuis. Ou même d’attirer la moindre attention sur elle, ce qu’elle détestait. Et ce matin, en raison d’un coup de fatigue particulièrement violent, la Montero avait craint de nouveau perdre le contrôle. Elle s’était précipitée dans les premiers toilettes venus à la recherche d’un miroir pour vérifier qu’aucun de ses traits ne s’était altéré. Il s’agissait fort heureusement d’une fausse alerte… Son teint avait son habituel teint hâlé, sa chevelure était toujours d’un noir charbonné, ainsi que ses pupilles fixées sur elle.

Ces dernières se détournèrent du miroir quand une énergique jeune fille fit son entrée dans les toilettes. Selma l’observa sans réagir, d’un air aussi détaché que d’habitude. Elle la confondait avec Alejandra, comme cela lui arrivait souvent… Au léger agacement que cette confusion provoquait, Selma ressentit soudain une vive curiosité devant le mystère évoqué à moitié. La personne aux cheveux ? De quoi cette fille voulait-elle parler ? Quand finalement l’étudiante évoqua la fête du réveillon, la Montero se détourna avec une pointe d’envie. Ce n’était pourtant pas elle qui était invité, mais bien sa jumelle.

- Je ne suis pas Alejandra, commença-t-elle en se forçant à relever les yeux sur la jeune fille. Je suis sa sœur, Selma… Et toi qui es-tu ?

Sa question abrupte pouvait sembler impolie ; mais telle n’était pas l’intention de Selma. Se forçant à se montrer sociale pour le bien de sa sœur, la Montero tenta de faire de son mieux pour répondre à ses interrogations.

- Je ne sais pas ce qu’Alejandra fait ce soir… Peut-être une soirée avec les joueurs de l’équipe de Quidditch de Serdaigle. Elle est à l’entrainement en ce moment…

Après quelques secondes de silence, l’étudiante poursuivit sur un ton désintéressé qui reflétait bien mal la curiosité qui l’habitait.

- C’est qui la personne aux cheveux ?

Selma ne lâchait pas la fille des yeux, suivant chacun de ses mouvements qu’elle accomplissait sans se soucier le moins du monde du regard posé sur elle. Elle semblait regorger de confiance en elle, là où Selma avait déjà du mal à supporter son propre reflet dans le miroir. Mais quand l’étudiante se pencha brusquement vers elle, la Montero se figea, se retenant de toutes ses forces à ne pas lui planter sa baguette dans le nez pour l’éloigner d’un sortilège bien placé.

Heureusement qu’elle ne s’était pas ainsi défendue, car il semblait que l’autre ne cherchait pas à l’attaquer, mais simplement à la différencier de sa sœur. Puis, elle attrapa sa main pour la serrer, se fichant bien du fait que Selma soit mal à l’aise avec tout contact physique venant de personnes qu’elle connaissait peu. Mais celle qui répondait au nom de Théa paraissait s’affranchir de toutes règles qu’on pouvait bien lui imposer. Cette forme de liberté semblait inédite à la cubaine, et… presque libératrice. En un sens, Théa lui faisait un peu penser à sa sœur.

- Enchantée… Théa, répéta-t-elle en tentant d’inscrire ce prénom dans sa mémoire défaillante.

Mais l’autre avait continué à déblatérer sur son histoire de cheveux, perdant définitivement la Serdaigle. Fronçant les sourcils, Selma se contenta de secouer la tête, n’osant la requestionner sur un sujet qui lui semblait si nébuleux.

- C’est très facile de nous distinguer @Alejandra Montero et moi, je suis l’ainée ; lui confia-t-elle finalement avec tout son sérieux comme si le fait d’être née quelques minutes avant sa jumelle faisait d’elle une tout autre personne.

Finalement, tout en se recoiffant nonchalamment devant le miroir, Théa demanda à la cubaine si elle était disponible pour la soirée. Choquée, Selma en aurait senti sa mâchoire se décrocher si celle-ci n’était pas quotidiennement trop crispée pour se laisser aller ainsi. C’était la première fois qu’on l’invitait si librement à une soirée, sans qu’elle n’accompagne simplement sa jumelle ! C’était à la fois grisant et terriblement angoissant ! Sans savoir que répondre, la Montero observa le bout de ses souliers avant de relever finalement le nez vers la Poufsouffle.

- Je ne fais rien ce soir, mais je ne pense pas être une très agréable compagne de soirée… Je ne connais pas de blagues, et je les comprends rarement. Les gens me trouvent souvent bizarre et peu amicale, et moi, ils m’intéressent généralement si peu que je ne les reconnais même pas…

Si Selma avait espéré trouver dans cette salle de bain désaffectée un refuge face au chaos permanent du château et de ses propres pensées, elle pouvait aller se rhabiller. La pièce froide et carrelée avait beau être inutilisable et cachée dans un recoin labyrinthique, Théa avait débarqué là avec tout le flegme qui paraissait la caractériser, renversant Selma comme une tornade en plein Kansas. Sa chevelure était un véritable affront au principe de gravité, et son sourire s’étalait si largement qu’il semblait pouvoir engloutir le monde entier. Théa se recoiffait dans le miroir, se moquait gentiment de Selma avant de s’assoir sur le lavabo comme une véritable maîtresse des lieux.

Après avoir commenté l’ordre de succession de la famille Montero comme si elles étaient de vieilles amies, elle lui posa des questions de plus en plus indiscrètes, faisant rougir Selma qui se détournait en se rembrunissant. Mais quand la discussion revint sur la soirée que prévoyait l’étudiante, la cubaine finit par relever le nez vers elle, moitié par curiosité, moitié par intérêt. La Poufsouffle sauta sur ses pieds, se mettant à se trémousser avant d’attraper la main de la Serdaigle pour la faire tournoyer sur ses pieds.

Tourneboulée par cette action, Selma tituba en récupérant sa main qu’elle cacha dans son dos. L’étudiante n’était pas habituée au moindre contact physique, et elle fut convaincue de fuir le plus loin possible de cette dangereuse fêtarde quand quelques mots retinrent son attention. Un certain Poufsouffle… Est-ce que Théa parlait de @Sheraz Mahal ?

Mais comment savait-elle ?!

Outrée, les joues de Selma se colorèrent vivement de nouveau sans qu’elle ne réagisse pour autant. Théa continuait de jacasser sans fin, et Selma restait là, les bras ballants, à l’écouter. La Serdaigle hésitait à envoyer violemment balader l’étudiante qui prenait de plus en plus de liberté avec elle. Mais cependant, parmi tout son babillage, certains éléments finirent par l’intriguer au plus haut point. Aussi, quand la brunette finit par ouvrir la bouche, elle se montra plus paniquée qu’agressive.

- T… Tu crois vraiment que ça plairait à Sheraz ?

Est-ce que l’étudiant apprécierait le fait que Selma s’intéresse à la même musique que lui, et qu’elle apprenne à danser grâce à Théa ? Après tout, la Montero ne savait pas du tout comment flirter ou plaire à un garçon, tandis que la Poufsouffle face à elle avait l’air experte en la matière… Si Selma la suivait effectivement ce soir, peut-être pourrait-elle récupérer de précieux conseils ? Le rire de Théa était aussi contagieux que bruyant et la cubaine elle-même se retrouva avec un sourire hésitant.

- Okay alors… Je veux bien sortir avec toi…

Le cœur de Selma battait la chamade. Elle n'avait jamais été invitée à une fête auparavant, et l'idée était intimidante. Pourtant, il y avait quelque chose dans la chaleur et l'enthousiasme de Théa qui faisait naître une lueur d'espoir chez la jeune sorcière. Peut-être que c'était sa chance de sortir de sa coquille et d’essayer de se faire une amie. Après tout, elle n'avait rien à perdre, et peut-être même quelque chose à gagner.

Théa allait s’éloigner après qu’elles se furent mises d’accord mais finalement, elle changea d’avis en faisant volte-face pour se s’avancer vers elle. La grande Poufsouffle s’approcha si près de la jeune sorcière que – bien que Selma se penchât en arrière – leurs nez se touchèrent presque. Dans cet étrange face à face, l’étudiante voulu s’assurer que Selma ne ferait pas de mal à @Sheraz Mahal. La Serdaigle se mit à rougir légèrement, sans pour autant se laisser déstabiliser. Quand on avait grandi dans un cartel cubain, il en fallait plus pour se sentir menacée. La Montero trouvait presqu’au contraire sa mise au point assez noble venant d’une camarade du sorcier.

- Je t’assure que je ne m’intéresse pas à Sheraz simplement pour m’en prendre à lui, lui répondit-elle le plus solennellement du monde. Ce n’est pas du tout mon intention.

Cependant, la jeune sorcière ne pouvait lui promettre d’épargner pour toujours ses sentiments. Car est-ce que les relations amoureuses ne finissaient pas toutes par blesser, qu’on le veuille ou non ? Lorsqu’on s’attachait à quelqu’un, est-ce que l’autre ne finissait pas systématiquement par se révéler décevant et insensible comme Edel l’avait été avec elle ? Parviendrait-elle à protéger Sheraz de toute cette amertume ?

Apparemment satisfaite, la Poufsouffle finit par lui donner rendez-vous, lui recommandant de ne pas s’inquiéter pour sa tenue. Baissant les yeux sur son uniforme porté de manière légèrement oversize comme c’était la mode en Amérique latine, Selma s’interrogea sur ce que pouvait être pour Théa une tenue sexy ou décontractée. C’est ainsi qu’une nouvelle angoisse naquit en elle.