Barefoot on the grass

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"Perfect" by Ed Sheeran
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Barefoot on the grass while listenin' to our favourite song
When you said you looked a mess, I whispered underneath my breath

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Il étouffa un petit rire presque moqueur comme elle accusait le temps de ne pas avoir bonifié son père à la manière d'un vin d'exception. C'était le genre d'observation qui aurait fait dressé les cheveux sur la tête de n'importe quelle rombière un peu trop à cheval sur son étiquette.

« En toute autonomie et sans filtre, c'est assez ressemblant je dois dire. Ma soeur a une grande admiration pour le travail de votre père. J'ignore si elle aura survécu à ce soir mais elle en a toujours parlé comme d'un homme supérieurement intelligent, j'imagine qu'il fallait une contre-partie à cela. », observa-t-il, moins sévère que la progéniture de ce brillant sorcier.

Pour ce qui le concernait directement, Ares aimait à se forger des opinions par lui-même. Il aimait aussi tester l'autre par le jeu, comme il l'avait fait avec Miss @Chelsea Waldorf et il avait eu plaisir à cela plus qu'au reste de la soirée.

« Elle n'a pas besoin d'être courte... », releva le jeune homme comme sa partenaire écartait un sujet de conversation sous le prétexte de ne pas se gâcher le précieux temps qui lui était accordé. Et là dessus, Ares se risqua à poser la question : s'ennuyait-elle à ce bal qui semblait tant déplaire à son père ? Et si oui, n'y avait-il pas quelque occupation qui eut pu changer cela. Il avait son idée là dessus et elle ne le détrompa pas.

Lorsque la musique se mourut une énième fois, il s'empressa de la confier à une très vieille dame qui s'apprêtait à lui poser une question à lui et de s'échapper aux bras de la première venue. Manque de bol, il s'agissait d'Honoria McSwann et il lui fallut prendre son mal en patience pendant toute une valse où la jeune femme le dévorait de ses yeux pétillants sans lui adresser une seule fois la parole. Il crut même voir Atreus ricaner sous ses airs de grand prince un peu plus loin.

« Quelle charmante jeune personne vous faites Miss Siobhán. Oh vous savez, nous vivons une époque où les gens n'ont plus le respect de rien. Mais vous, mon petit, vous êtes un véritable diamant parmi tous ces brillants de pacotille. J'allais justement me rafraîchir. Le château des Ombes Moires est une merveille n'est-ce pas ? On aurait tôt fait de s'y perdre. Je me rappelle quand j'étais petite fille, mon père me menait au bal d'Ostara. Ah ça c'était grandiose, les Ombes Moires au printemps. Quelle merveille ! Et je disais justement à Victoria que cela faisait une éternité que - » et la vieille dame de poursuivre dans un flot ininterrompu de sa petite voix chevrotante jusqu'à ce qui semblait être la salle d'eau réservée aux invités. Elle s'éclipsa le temps de se refaire une beauté en prenant bien soin de demander à sa jeune amie de bien vouloir l'attendre. Il eut été fâcheux qu'elle se perdit sur le chemin du retour, chemin qui leur avait sans doute mangé une dizaine de minutes mais sur lequel elle avait guidé tout du long à l'allée...

« Elaine ! », s'exclama Ares Longerbane qui arrivait à point nommé juste comme la vieille bavarde sortait de la salle d'eau, « Il y a bien dix minutes que je vous cherche partout. Vous vous apprêtiez à me poser une question et l'instant d'après je vous vois partie avec Miss Korrigan... n'ayez crainte, Gustave va vous raccompagner à la salle de bal - n'est-ce pas Gustave ? Oh tout le plaisir est pour moi Mrs Peabody, ce devrait-être vous notre diamant ce soir. », coupa-t-il en se débarrassant élégamment de Mrs Peabody qui ne put même pas en placer une.

Planté aux côtés de Siobhán, le sourire avenant d'Ares s'était mué en petite expression jubilatoire bien qu'il semblait que pas un trait de son visage n'ait bougé tandis qu'ils regardaient Mrs Peabody s'éloigner avec Gustave encore toute déboussolée par l'enthousiasme débordant du fils Longerbane.

« Le secret avec les vieilles dames bavardes c'est qu'il faut les doubler en parlant d'avantage encore. Vous venez Miss Siobhán ? La galerie se trouve par ici. »

Et tout naturellement, il lui ouvrit la voix d'un geste ample, trop galant pour lui passer devant comme un malotru.

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ft. Arès Longerbane

21 12 2023

Les bals avaient ça de frustrant qu'ils étaient à la fois d'une longueur frisant l'indécence et dérisoirement trop courts pour réellement échanger. Les dernières notes de musique annonçant la fin de la danse en compagnie d'Arès Longerbane confirmèrent sans difficulté cet état de fait.

Son éducation, baignée au milieu de sang-purs et associée au nom qu'elle portait, avaient valu à Siobhán nombre de participations à ces événements mondains sans qu'elle n'en perçoive jamais réellement l'intérêt, autre que celui de se faire bien voir de la haute société. Et ça non plus, et malgré toutes les explications demandées et servies, elle n'avait jamais vraiment compris pourquoi c'était si important.

Tout du moins était-ce le cas avant que @Luke Korrigan ne décide de faire des siennes publiquement.

Du haut de ses 22 ans et délaissée à la fois de son aîné et de son géniteur, la cadette Korrigan se sentait désormais la responsabilité de rattraper le coup en solitaire. Et alors qu'Arès Longerbane s'éloignait pour rejoindre sa prochaine partenaire de danse, la laissant seule avec une toute petite dame aux traits passés, il lui fallut rapidement rectifier le tir. Cela signifiait sourire à outrance jusqu'à s'en dévisser la mâchoire, parler essentiellement pour ne rien dire et tâcher de se montrer sous son meilleur jour quand bien même ces dernières semaines ne connaissaient plus vraiment de bons jours. Aussi, cette première mise en bouche aux côtés de Mrs. Peabody promettait-elle d'être savoureuse pour quelqu'un qui avait horreur de paraître ou de faire semblant.

Mais finalement, ce fut la dame qui fit toute la conversation. Elle le faisait d'ailleurs si bien que Siobhán n'avait même pas besoin de faire quoique ce soit d'autre de la suivre et de hocher la tête de temps à autre pour montrer qu'elle écoutait. Car même quand elle la complimentait, la demie-vélane n'avait le temps de rien ajouter. Aussi, elle n'oublia pas de sourire aussi charmeusement et copieusement que possible pour tenter de faire oublier à tous ceux qu'elle croisait le discours tenu par son père devant l'assemblée.

La marche excessivement lente de Mrs. Peabody la mena jusqu'à une salle d'eau - qui aurait pensé qu'une pièce comme celle-ci puisse presque rivaliser de beauté avec la grande salle de bal ? - où elle se contenta d'attendre aussi patiemment que sa bonne éducation le voulait. Apercevoir le regard d'Arès dans le couloir marqua sa salvation, alors que Mrs. Peabody sortait à ce moment précis et fut rapidement déviée par le discours enjôleur de l'héritier. Pas de doute, Arès savait y faire et avec le sourire. Siobhán n'avait pas manqué ce changement d'expression presque joueuse qui transparaissait jusque dans le ton de sa voix alors qu'il regardait partir son interlocutrice avec un dénommé Gustave qui affichait un air sacrifié.

« Ca ne me dérange pas, Mrs Peabody est tout à fait charmante », admit-elle en se joignant à son sourire. C'était la vérité - après tout, elle n'avait pas eu à faire quoi que ce soit que de l'accompagner, et tant qu'elle n'avait pas à parler ou prétendre, ça lui allait. « Moi qui pensais l'être - bavarde - je dois donc comprendre que je ne joue pas encore dans la cour des grands. J'ai beaucoup à apprendre. »

Arès Longerbane lui ouvrit la voie vers la galerie mais Siobhán s'arrêta très vite pour l'attendre. Elle avait toujours eu beaucoup de mal avec la galanterie et considérait qu'elle n'avait pas à être privilégiée outre mesure de par son genre. Bien qu'il était flatteur qu'on lui ouvre les portes devant elle, qu'on la laisse passer, elle était de ces femmes qui aimaient tout autant faire de leur propre gré. Aussitôt qu'Arès fut suffisamment près, elle poursuivit.

« Quant à vous Sir Longerbane, je dois dire que je suis impressionnée par votre maîtrise de l'art de la diplomatie, quoique je ne devrais pas être particulièrement étonnée par cette aisance déconcertante dont vous faites preuve en compagnie de la gente féminine. Ce qui m'amène tout de même à me demander... Est-ce là l'un de vos talents innés ou le fruit d'une longue pratique dans les salons de la haute société ? »

Chassez le naturel et les questions revenaient au galop.

En compagnie d'Arès, Siobhán, plus sereine, se sentait étrangement capable d'être elle-même. Était-ce cette voix ou bien son sourire qui la mettait aussi à l'aise ? Quoiqu'il en soit, elle entendait profiter de ce moment en compagnie de celui qui avait accepté ses excuses quant au comportement de son père sans qu'elle n'ait eu besoin d'insister ou de se répandre en politesses outre-mesure. L'observant de côté, elle demanda, toujours avec un sourire sincère :

« Votre présence dans la salle de bal va beaucoup manquer, vous êtes très demandé ce soir. Êtes-vous certain que cela ne vous gêne pas ? Ne craignez-vous pas de manquer votre diamant ? »

Car n'était-ce pas la raison profonde de cette réunion, en dehors d'une occasion de rassembler dans un entre-soi ceux qui se ressemblaient déjà ?

« Ne vous méprenez pas », ajouta-t-elle en détournant le regard devant elle. « Je suis très honorée d'avoir un guide aussi hautement qualifié et je saurais profiter comme il se doit de cette visite privée que vous m'accordez. » Mais pour cela, il y avait quelque chose qui lui tenait à cœur et qu'elle voulait dès à présent éclaircir, sans quoi cette barrière d'un autre monde continuerait à se faire sentir. « Et bien que je sais que c'est précisément ce que la société attend de vous et que je suis consciente que votre rang implique certaines obligations publiques... » Elle marqua une pause, comme si elle cherchait ses mots pour ne pas sembler outrepasser ses prérogatives. Par instinct, elle chercha de nouveau son regard tandis qu'ils continuaient de marcher. « S'il vous plait, tant que nous ne sommes que tous les deux, appelez-moi seulement Siobhán. »

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« Je pense que ça aussi c'est une question de temps... , fit-il sur le ton de la plaisanterie. Il espérait bien que Miss Korrigan ne finirait pas aussi bavarde que cette brave Mrs Peabody, c'en aurait dit trop long et trop triste sur le chemin de vie de cette exceptionnelle jeune femme, « Saviez-vous que les Peabody sont l'une des plus anciennes familles de notre société et que la plupart des gens ignorent même jusqu'à leur existence tant ils sont repliés sur leurs us et domaines entretenus depuis... le commencement du monde peut-être ? Dans ces conditions je crois que n'importe qui pourrait devenir aussi volubile qu'Elaine Peabody... »

Il ne fit pas plus de commentaire sur le fond de sa pensée. Ares montrait là une forme d'empathie qui ne collait peut-être pas avec l'image qu'on se faisait d'un héritier surclassant la grande majorité de ses pairs mais il avait cette manière de rentrer dans le moule bien à lui, avec une désinvolture qui, pourtant, ne dépassait pas le cadre d'un cheveu. Sans doute Siobhán commençait-elle à deviner les contours de cette personnalité car par quelques habiles questions elle s'approchait de mieux le connaître.

« C'est une excellente question. Pour tout dire, je crois bien que je ne saurais pas y répondre. Je dirais que c'est dans ma nature autant que dans mon éducation même si je devrais déduire de tout cela, le nombre d'heures passées à tenir compagnie à Mrs Peabody avant que je ne devienne un parti présentable. Et croyez moi, ça en fait beaucoup. »

Il était à l'aise comme un poisson dans l'eau dans ce milieu qui l'avait vu naître et grandir et pour lequel Lady Antonia l'avait éduqué avec patience et rigueur.

« C'est tout l'intérêt d'avoir un frère et une soeur. Nous n'avons pas à nous rendre esclaves de nos hôtes et puis... il paraît que l'attente fait entrer dans le temps du désir. A quoi bon inviter tant de personnes si ça n'est pas pour trouver parmi elles quelques unes dont on a vraiment envie de faire la connaissance ? »

C'était un point de vue que ses frère et soeur partageaient également et que Lady Antonia les avait toujours encouragé à cultiver.

« J'aime à croire que je reconnaîtrais mon diamant au premier regard. C'est sans doute très naïf mais de fait, je n'ai pour l'heure aucune raison de regretter quoi que ce soit. »

Étrangement, c'était une phrase qui aurait tout aussi bien dire qu'il n'était pas prêt de trouver son diamant que son contraire. peut-être était-il justement déjà avec la bonne personne... Remarquant qu'elle ne semblait pas être devant lui, il ne ralentit plus le pas à partir de là, se dirigeant naturellement vers cet endroit de la maison que sa soeur affectionnait tant. Une double porte monumentale s'effaça devant eux, dévoilant un long couloir savamment éclairé ou se succédait une myriade d'oeuvres d'art de tous courants.

« Tiens celui-ci est l'un des favoris de ma soeur. », fit-il en désignant un petit tableau rond où le regard pouvait plonger et se perdre dans les détails sans cesse renouvelés d'un jardin printanier. « Il a pourtant une bien lugubre histoire. Beaucoup se sont oubliés dans sa contemplation. »

Oubliés était un euphémisme qu'elle comprendrait sans mal, il n'en doutait pas.

Elle lui demanda ensuite cette faveur qui n'en était pas vraiment une :

« Si vous consentez à m'appeler simplement Ares, je n'y vois pas d'inconvénient. La nature ne nous a pas accouché drapés dans nos titres... »

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ft. Arès Longerbane

21 12 2023

Il y avait dans la voix d’Arès une espièglerie soigneusement dosée qui allégeait l’air tout autour.

La soirée hébergée par les Longerbane avait beau être tout ce qu’il y avait de plus sérieux dans la haute société sorcière, le cadet de la famille saisissait la moindre opportunité de se réjouir.

Et ce bien-là paraissait contagieux.

« Je doute que je puisse un jour l’égaler », répondit Siobhán sur le même ton. « Je prends généralement beaucoup plus de temps pour écouter que bavarder, en vérité. »

Ce devait être pour ça qu’elle posait beaucoup de questions. De cette façon, elle s’évitait de devoir parler et s’ouvrir, de peur sans doute de se dévoiler et de se révéler trop vite, trop tôt. C’était une habitude qu’elle avait pris au fil de sa scolarité et notamment à Poudlard, où elle craignait sans arrêt que son don n’interfère de trop près sur ses relations sociales. Les portraits de l’école de sorcellerie écossaise avaient des tas d’histoires à conter, trop même pour qu’elle trouve le temps de leur narrer la sienne. Mrs Peabody, elle, était en chair et en os, mais elle semblait avoir au moins tout autant à dire, à en croire ce qu’Arès lui confiait.

Étrangement, en sa compagnie, elle ne se posait pas les questions qui la tourmentaient habituellement. Peut-être parce qu’une partie inconsciente d’elle sentait qu’il n’était pas sensible à son don, bien qu’elle n’ait pas encore pris la peine de se demander pourquoi.

« J’irais avec plaisir entendre ses histoires un peu plus tard dans la soirée. Ce doit être long pour elle de ne plus danser. Je suis sûre qu’elle appréciera un peu de compagnie. » Quitte à passer pour une vieille fille à son tour, Siobhán n’avait que faire de ce qu’on pensait d’elle tant que son nom et celui de sa famille était loin de tout scandale. « Ce sera ma manière de remercier Mrs Peabody de vous avoir ainsi formé, bien que je suis certaine que vous dites vrai et que vous aviez déjà une prédisposition certaine pour ces choses-là. Il suffit de vous regarder pour le comprendre. »

Il était né pour ce monde. Ce n’était pas comme si quiconque s’était donné la peine de lui laisser le choix, mais il fallait admettre qu’Arès Longerbane était lui-même un diamant à bien des égards.

Les triplés étaient, après tout, ceux qui attiraient tous les regards ce soir.

« C’est donc une stratégie, je comprends bien mieux… Si cette absence peut servir vos intérêts en plus du reste, alors profitons-en », s’enjoua-t-elle, marquant le grand retour de son sourire plein de malice. Puis, un peu plus sérieusement pour appuyer la sincérité de ses propos, elle ajouta, persuadée de savoir ce qu’il voulait dire par là : « Je vous souhaite de trouver ce que vous cherchez. »

Elle, elle n’avait rien à espérer si ce n’était que ses amis et leurs hôtes puissent tirer tous les bénéfices d’une telle soirée d’une manière ou d’une autre si c’était leur souhait. Avec le spectacle donné par son père, elle devait déjà sauver les meubles, bien loin de penser ou d’attendre que quiconque puisse la voir comme une pierre précieuse après cet épisode et un divorce. D’autant que depuis quelques semaines, les rouages de son cœur semblaient bloqués, empêchant l’ensemble de son corps de fonctionner correctement. Qui voudrait d’une machine qui s’enrayait sans arrêt ? D’un cœur qui battait à intervalle irréguliers ? Personne ne voulait s’embarrasser d’un morceau de caillou fragmenté quand c’était un diamant brut qu’ils cherchaient.

@Céleste Delacroix était un joyau. @Xris Andērson, aussi. Et bien que ça lui déplaisait de l’admettre, @Chelsea Waldorf avait également tout de ce qu’on pouvait attendre de leur rang. Siobhán elle, n’était venue que pour servir sa meilleure amie et elle ne se serait probablement pas montrée si on ne lui avait pas demandé de le faire. Parce qu’elle ne savait pas trop où était sa place dans tout ça.

Peut-être seulement là, dans cette galerie. C’était par là qu’elle aurait dû commencer, avant le bal. Auprès des peintures, elle se sentait comme à la maison.

« Je comprends pourquoi votre sœur l’aime tant. Il a cette mélancolie aussi savoureuse que douloureuse. Il est comme le temps qui passe et que l’on oublie paradoxalement de prendre pour contempler, parfois. C’est ça : ce tableau est une invitation à la contemplation. C’est une chose qu’aujourd’hui on ne sait plus faire et c’est pour ça que l’on s’y perd… » La demie-vélane secoua légèrement la tête en réalisant à quel point il pouvait être bizarre de se laisser aller à haute voix à ce genre d’interprétations. Aussi, elle changea aussitôt de sujet pour détourner l’attention, ravie d’avoir l’autorisation de l’appeler à son tour par son prénom, comme si cela donnait déjà une autre dimension à leur relation. « Quel est votre œuvre favorite, Arès ? Jouons à un jeu si vous le voulez bien. Ne me montrez rien, décrivez-moi. »

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Il eut un petit sourire appréciateur mais pas un mot ne passa ses lèvres. Écouter n'était pas la qualité première de toutes les jeunes débutantes présentes ce soir-là, or c'en était une qui en valait cent à ses yeux. Bien sûr, il s'était bien gardé d'en informer ses cavalières, subissant parfois avec un sourire feint leurs incessants babillages. Ares n'était guère homme à s'intéresser aux commérages pourtant, force était de constater que même dans leur très haute société, c'était le moteur de l'essentiel des conversations. Lady Antonia n'avait jamais su le convaincre d'y prêter suffisamment attention. Il n'y avait guère que @Chelsea Waldorf qui avait réussi l'exploit de réellement l'accrocher ce soir mais peut-être était-ce parce qu'il était question de sa soeur.

« Elle l'appréciera, à n'en pas douter, autant que j'apprécie le compliment quoique je n'ai rien fait pour le mériter vraiment. »

Il la rassurait brièvement sur leurs absences respectives : bien loin de s'imposer la torture d'une danse sans fin jusqu'au petit matin, il préférait épargner un peu ses chaussures et donner ce temps de respiration à ses méninges. Le plaisir de la conversation ferait le reste. Il lui adressa un regard oblique quand elle lui souhaita de trouver le diamant que tous espéraient le voir saisir ce soir, mais là encore, il n'ajouta rien. La galerie d'art le rendrait bien plus enclin à la conversation et, tandis qu'elle aussi semblait prête à se perdre dans la contemplation, il douta un instant, levant la main, prête à la poser dans son dos pour la ramener au monde réel. Mais elle s'en sortait très bien sans son aide, aussi suspendit-il son geste avant même que de l'avoir touchée.

Cette fois-ci il sourit.

« Ne vous interrompez pas, c'est un cadeau que vous me faites de livrer ainsi vos ressentis, », accorda-t-il avec bienveillance, puis, sans doute pour la mettre à l'aise, il reporta son attention vers le tableau, « C'est vrai qu'il est... unique en son genre. »

Les yeux posés sur la toile, il finit par lui retourner son regard azur, quand elle le mettait au défi de lui faire deviner l'oeuvre qu'il préférait. Il n'eut pas besoin de la moindre seconde de réflexion.

« Vous ne savez pas dans quoi vous vous engagez Siobhán. Mais commençons, ce n'est pas à proprement parler une œuvre d'art... avant que vous ne vous récriiez, elle se trouve bien exposée ici comme telle... »

Peut-être finirait-elle par trouver la petite carte cornée et tâchée épinglée entre deux immenses chefs d’œuvre.

« Si vous trouvez, je vous emmène dîner à ma table préférée... vous ne serez pas déçue. », annonça-t-il, joueur, alors qu'il commençait à se sentir une petite faim, « Bref. Mon oeuvre a été très mal conservée, voir pas conservée du tout avant d'arriver jusqu'à notre galerie... je dirais que c'est une œuvre spontanée, peut-être pas par accident, mais nul doute que la main qui l'a tracée ne s'attendait pas à être exposée où que ce soit. Je dirais même qu'au contraire, c'est le genre de choses qu'on n'a probablement pas envie de mettre sous le nez de n'importe qui... »

Autour d'eux, les corps sculptés dans le marbre dansaient immobiles sans la moindre notion de pudeur. Ici une jeune femme surprise mais à faire quoi ? Là, une délicate scénette figurant un dragon des marais et un faon, ou encore ce curieux enchantement qui ressemblait à un bâton sans extrémité...

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ft. Arès Longerbane

21 12 2023

Par-dessus le marché, voilà qu'Arès Longerbane était un homme humble. Bien que Siobhán manqua de lui faire la remarque à voir haute, lui attribuant alors dans la foulée une nouvelle qualité, elle n’ajouta rien et préféra finalement apprécier cette nouvelle facette de sa personnalité dans le silence.

À la place d’une réponse, un fin sourire prit le dessus sur ses lèvres. Ses traits avaient cette fâcheuse tendance à parler pour elle.

L’humilité était un savoir-vivre qu’elle appréciait chez les gens de son entourage. Arès avait du recevoir des compliments par-dessus la tête toute la soirée, mais n’en faisait aucunement cas en public. Ce qui le rendait aussi touchant, à sa manière, c’était justement son air sincère qui ne s’embarrassait pas de faux semblants.

Il n’y avait pas plus attrayant chez une personne que celle qui n’avait pas entièrement conscience de son charme profond et de ses qualités.

Ami(e) ou amant(e).

Mais au risque de paraître trop sérieuse quand elle avait bien besoin de cette parenthèse de légèreté, son sourire s’agrandit pour laisser place à davantage de malice.

«Vous êtes un homme très vaniteux de ce que je vois… », dit-elle sur le ton de la plaisanterie, alors qu’elle pensait bien évidemment tout le contraire de lui. Elle aussi aimait jouer. C’était un fait. « Par simple précaution, je vais garder les autres compliments qui me viennent pour plus tard. Imaginez le drame si un héritier Longerbane de votre rang revenait dans la salle de bal incapable de danser pour le reste de la soirée, faute de chevilles de taille respectable. Ma famille en a déjà assez fait pour la soirée, je ne voudrais pas être tenue responsable d’un tel sacrilège et attrister vos prétendantes. »

Elle ne savait pas que lui avait apprécié connaitre son sens de l'écoute. Pas plus qu'elle ne savait, d'ailleurs, que sa main l'avait frôlée, trop captivée sûrement par cet instant de contemplation qu'il lui offrait loin de toute l’agitation du bal.

À sa remarque concernant ses ressentis, Siobhán ne se risqua pas à lui répondre. Contrairement à ce qu'elle avait laissé échapper, elle n’était pas du genre à se livrer aussi facilement : ces mots avaient simplement glissé entre ses lèvres, saisis par la douceur du moment.

Et puisqu'on parlait de jeu, elle n'était pas non plus de celles qui misaient tout sur une soirée, ou qui dévoilaient toutes leurs cartes avant de le regretter.

Mais l'art avec un grand A avait le don de délier sa langue, et, en s'en rendant compte, ses joues rosirent légèrement, comme prise sur le fait.

Car elle devait s’assurer que toute l’image qu’elle était en train de se construire d’Arès était véritable avant de se livrer davantage. Car qui savait réellement ce qui se cachait derrière ce nom, derrière cette posture, derrière ce visage ?

Peut-être cette soirée lui permettrait-elle d’en entrevoir un peu plus, s’il lui en laissait l’occasion. Mais de là à penser que cela serait suffisant...

Pour l'heure, elle se délectait de voir qu'il entrait avec autant de plaisir dans son jeu et elle ne manquait pas sa chance de changer de sujet.

« Je ne vais pas vous faire l’affront de feindre la surprise quant à ce choix peu conventionnel. En revanche… Me récrier ? Suis-je donc si prévisible ?... »,

...Ou était-ce de la pure clairvoyance de la part de l'héritier ? Cette option ne suivit pas la première, car il y avait certainement un peu des deux. Après tout, Siobhán était celle qui avait proposé le jeu. Alors, il devait se douter que les règles avaient toute leur importance.

Et alors qu'il décrivait ce qu'elle devait trouver, elle passa sa main devant sa bouche comme si quelque chose de très grave venait juste de se passer.

« J’ai oublié de vous dire quelque chose… Oh… je regrette Arès, j’espère que vous trouverez en vous la force suffisante pour me pardonner… » Elle laissa volontairement passer un peu de temps pour le tourmenter et se répandre faussement en confusions, avant de reprendre. « J’aurais sans doute dû vous prévenir avant que vous ne déterminiez la récompense, qu’il n’y a aucun jeu que je ne m’autorise à perdre. Vous pouvez d’ores-et-déjà réserver la table et pour ma part, il va falloir que je m’attelle à trouver une autre robe dans mes placards pour vous accompagner. Quelle est votre couleur préférée ? » Son sourire, d'abord, se fit léger comme une plume. Puis son rire suivit avec une délicatesse tout aussi frivole. Elle le taquinait, c'était évident. Et ça lui faisait tellement de bien qu'elle ne boudait pas son plaisir. « Voyons voir. »

Son air reprit tout son sérieux à l'instant où ses yeux se perdirent entre les différentes œuvres exposées, cherchant avec détermination celle qui n'en était pas tout à fait une. Chaque bout de mur passait sous l'analyse de ses pupilles bleues, jusqu'à ce qu'elle finisse par entrevoir un morceau de papier vieilli par le temps qui la stoppa net. Sans trop savoir pourquoi, elle comprit tout de suite qu'il était là, l'objet de ses recherches. Avant de se retourner vers Arès avec un sourire satisfait pour lui partager sa trouvaille, elle prit quelques instants pour le détailler.

Perdu entre deux immenses toiles très connues, le support sur lequel reposait le dessin ne ressemblait en rien aux parchemins qu'ils avaient l'habitude d'utiliser pour prendre des notes ou s'envoyer des courriers entre sorciers. Il était nettement plus pur et épais, bien qu'un peu jauni et abimé par le temps qui s'était écoulé, gondolé ça-et-là comme s'il avait pris la pluie. D'ailleurs, l'encre d'un crayon gras qui avait coulé par endroits donnait plus de crédit encore à cette théorie.

Il y avait quelque chose de d'intangible dans ce portrait, différent de tous les autres travaux qui étaient exposés dans la pièce. L'immobilisme presque frustrant d'une femme magnifique et des à-côtés imparfaits, parfois même déchirés, lui conféraient un soupçon d'une authenticité inestimable. On aurait presque voulu interpeller cette femme pour se plonger dans son regard.

« Je crains que ce jeu ne vous contraigne à m'en dire plus sur l'histoire de ce portrait et sur le chemin qui a amené cette inconnue jusqu'à votre galerie, Arès. »

Tout comme elle avait compris pourquoi la représentation du jardin était favorisée par Aphrodite, elle n'avait aucun mal à saisir pourquoi ce dessin-là, furtif et néanmoins plein de sens et de détails, avait su retenir l'attention du cadet.

À dire vrai, son choix ne l'avait pas déçue.

Bien au contraire.

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Il arqua un sourcil, décontenancé par cette plaisanterie qu'il n'avait pas vue venir. Bien entendu, il se prêta au jeu de la vanité sans se faire prier.

« C'est si généreux à vous de préserver mes chevilles Siobhán, elles sauront s'en souvenir,, feint-il en retenant un petit rire, si seulement je pouvais partager vos largesses avec quelques honnêtes jeunes gens parmi nos invités... je m'en veux de l'accaparer toute entière. »

Il ne donnerait pas de nom, certain qu'elle saurait en recoller les patronymes aux chevilles surdimensionnées de certains énergumènes qui arpentaient la salle de bal. Il ne dissimula rien de son amusement quand elle s'offusquait d'être prévisible. Elle était tout sauf cela mais encore une fois, il se réserva de le lui faire remarquer. Du moins cette fois-ci, car, au contraire, lorsqu'elle lui joua le numéro de la mauvaise perdante, il éclata d'un rire sincère après être passé de la surprise à la révélation.

« Vous ne serez pas déçue de l'adresse, je vous le garantis... enfin, vous pouvez toujours me surprendre semble-t-il. Oh, et ma couleur préférée est le vert. Vous conviendrez que cela tombe bien... », fit-il alors qu'elle portait justement une magnifique robe de cette couleur. Coïncidence... ou peut-être pas.

Après quoi, il la laissa chercher, convaincu qu'elle allait bien finir par tomber sur ce petit portait à l'auteur inconnu... ce qu'elle ne manqua pas de faire après un petit moment. Avec le geste de l'habitude, le jeune homme décrocha la petite carte pour la glisser dans la poche intérieure de sa lourde veste à col brodé.

« C'est de bonne guerre. Je vous en parle en chemin, puisqu'il me faut maintenant honorer ma promesse : je vous emmène dîner. Vous avez la robe idéale.», il lui offrit un sourire aussi triomphant qu'énigmatique tout en lui faisant signe de la suivre. N'avait-il pas dit qu'il lui ferait visiter les Ombes Moires ? Il n'aurait décemment pas pu se contenter de la galerie d'art.

D'un pas sûr, il l'emmena vers ce qui semblait être leur destination tout en lui parlant de cette petite carte qui avait sa préférence entre toutes les œuvres. Un souvenir de vacances en Allemagne, la perte d'un jeune homme sans doute tombé éperdument amoureux au premier regard, du moins c'était ce qu'il transpirait des quelques vers griffés au dos de la carte, qu'Ares se fit un plaisir de lire dans sa plus belle langue alémanque. Ils traversèrent une impressionnante salle d'armes où chaque pièce de métal semblait vibrer d'une magie propre puis il la conduisit dans un interminable escalier à colimaçon, écourtant la longue descente en lui racontant quelques histoires de cache-cache au cours desquelles Aphrodite finissait toujours par implorer d'être secourue et où eux, tant bêtes, volaient à son secours en preux chevaliers pour mieux s'apercevoir qu'elle les avait roulés dans la farine. Et en parlant de farine...

« Mais enfin Monsieur ! »
« Je vous en prie Miss Krépine ne me gourmandez pas devant notre hôte, , fit-il avec tant de charme que la vieille elfe qui s'apprêtait à le réduire en cendres d'un seul regard s'attendrit suffisamment pour lui laisser un sursis, Siobhán, je vous présente Miss Krépine la maîtresse de ces lieux, autant dire l'endroit le plus enchanté et le plus ordonné que j'aurais à vous montrer ce soir... »

L'elfe de maison s'apprêtait à rouspéter à nouveau quand, allez savoir comment, elle avisa qu'un de ses marmitons - un jeune sorcier à la mine lunaire - était sur le point de gâté le bisque de crabe de feu qu'elle lui avait demandé. Ici, dans les entrailles du château, les cuisines s'étendaient presque à perte de vue dans une symphonie d'enchantements et de gestes coordonnées par Miss Krépine qui avait l'oeil à tout. Des entremets à la présentation impeccables semblaient se susciter spontanément sous les baguettes des commis. Des breuvages d'une rareté et d'une finesse inouïe se brassaient en rythme sans l'aide de personne semblait-il. La vaisselle sale rentrait en rang bien ordonné à mesure que les invités les délaissés quelques étages au-dessus de leur tête. Ares sourit à Siobhán. Il adorait la contradiction permanente qui se jouait en ces lieux, entre cohue et ordre absolu, entre cacophonie et harmonie parfaite. Ici, les gens de maison étaient si occupés à leurs tâches qu'ils ne prêtaient aucune attention à eux, exception faite de Miss Krépine à qui rien n'échappait.

Sûr de son coup, Ares entraîna Siobhán à sa suite, l'elfe sur leurs talons. Elle voyait d'un très mauvais oeil que le jeune homme vienne fureter dans ses placards.

« Nous n'en aurons pas pour long Miss Krépine. Sauriez-vous me trouv - vous êtes la personne la plus exceptionnelle que je connaisse Miss Krépine ! », triomphait-il finalement alors que venait d'apparaître entre ses mains une chemise de nuit élimée, au blanc passé.
« Si cela peut vous faire déguerpir plus vite, il n'y a rien que je ne ferais pour vous Monsieur. », maugréa la Cheffe Cuisinière en croisant les bras sur sa poitrine.
« Nous sommes déjà partis. », promettait Ares Longerbane, en prenant une petite porte de service qui les jeta dehors dans le froid mordant qui contrastait cruellement avec la chaleur infernale des cuisines. « Je ne vous ai toujours pas perdue Siobhán ? », s'enquit-il avec un sourire très satisfait.

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Barefoot on the grass

ft. Arès Longerbane

21 12 2023

Plus le temps passait, plus il semblait évident qu'Arès Longerbane ne rentrait pas tout à fait dans les cases qu'on lui avait pourtant certainement attitré depuis la naissance. Non pas qu'il n'y avait pas sa place - au contraire, il était parfait pour un monde qui l'était certainement beaucoup moins. Mais il était aussi bien plus que cette image qu'on se faisait d'un aristocrate contemporain.

Il était drôle, impertinent, joueur. Et à la fois, il avait tout ce qui lui permettait de se fondre sans difficulté dans cette élite à laquelle sa famille appartenait depuis des siècles. Le charisme. La politesse. La noblesse - de corps et d'esprit.

En résumé, il y avait tant de paradoxes dans une seule et même personne qu'il avait tout pour retenir son attention, dans le bon sens du terme. Pas parce qu'il était un bon parti, mais parce qu'il avait tout en lui pour donner envie aux autres d'apprendre à le connaître. À Siobhán, en l'occurence.

« Je... Je pense que seul le temps m'aidera à ne pas vous en tenir rigueur », répondit-elle avec un air faussement grave et toujours sur le ton de la plaisanterie, mais sans aucune moquerie. « Voyez-vous, j'ai un attrait tout particulier pour les hommes vaniteux et votre salle de bal en était justement remplie... Je me demande bien quels stratagèmes vous allez mettre en place pour me faire oublier toutes ces belles histoires que je suis en train de rater... »

Que ratait-elle réellement de cette soirée ?

Des commérages par dizaines ? Des discussions peu intéressantes en compagnie de personnes qui n'avaient rien en commun avec elle - en dehors d'un prétendu sang-pur ?

Des rires feints ?

À côté, celui d'Arès paraissait si sincère et résonnait bien mieux que tous ceux qu'elle avait entendus jusqu'à présent. Non, en vérité, il aurait plutôt fallu la payer pour qu'elle retourne là-bas aussi vite, maintenant qu'elle avait obtenu la clé vers son échappatoire... et qu'elle savait que le vert était sa couleur préférée - le vert, vraiment ? Ses joues rosirent légèrement, surtout par surprise de savoir sa tenue aussi bien accordée à ses goûts. Ou bien lui avait-il dit ça pour lui faire plaisir ? Ce côté cavalier ne lui avait pas échappé.

Elle était certaine qu'Arès savait se montrer gentil pour ne pas la mettre mal à l'aise.

Et quelque part, ce stratagème là fonctionnait déjà.

Alors, bien qu'elle était loin d'être dupe, elle se laissait volontairement guider vers d'autres pièces et couloirs des Ombes Moires, écoutant patiemment l'histoire et la poésie du portrait soigneusement rangé quelques minutes plus tôt dans la poche de sa veste. Ces petites anecdotes avaient le don de la fasciner. Et si la vue de la salle des armures ne l'avait pas détournée de ses questions, elle aurait probablement cherché à en savoir plus pour en retrouver l'auteur. Bien qu'elle passait à autre chose, trop distraite par la beauté de ce château et toutes ces petites scènes de vie dont les murs avaient été témoins, l'idée resterait longtemps figée dans un coin de sa tête.

Il fallut rien de moins que la vue des cuisines et de Miss Krépine pour la pousser à passer définitivement à autre chose. Se demandant silencieusement ce qu'Arès avait en tête en passant par ici, Siobhán lui fit une belle révérence lorsque l'elfe lui fut poliment présentée :

« Miss Krépine », fit-elle, les genoux pliés et le regard bas.

Mais l'elfe ne semblait pas d'humeur à ce genre de courtoisies. C'était assez facile à comprendre, quand on y pensait : statistiquement, sur la quantité d'invités, il y en avait forcément une bonne partie qui n'était venue que dans le but de profiter du buffet. Et à en croire la quantité de vaisselle qui s'accumulait seconde après seconde, ils s'étaient peut-être présentés en surnombre.

Les yeux bleus de Siobhán brillaient infailliblement devant la beauté extravagante de cette magie et l'animation continuelle de ces lieux. Tout bougeait dans tous les sens à tel point que ça en devenait brouillon et pourtant, chaque geste était correctement orchestré, comme s'il s'agissait d'une chorégraphie mécaniquement exécutée. Ce n'était pas sans lui rappeler les cuisines de Poudlard et le passe-droit dont elle avait bénéficié en devenant amie avec certains des elfes de l'école.

Le sourire aux lèvres, Siobhán esquissa un regard surpris en voyant qu'ils quittaient déjà les lieux. Pour sûr, et comme l'avait bien souligné Miss Krépine en prenant soin néanmoins de ne pas le dire trop clairement, leur place n'était pas là. Mais la demie-vélane n'aurait pas rechigné à passer la soirée ici. Ou dans la salle des armures. Ou dans la galerie. Elle aurait pu passer des heures à détailler chaque pièce de ce château, maintenant qu'elle y pensait.

Mais avant cela, la porte des extérieurs s'ouvrit en grand devant eux.

« Perdue ? Navrée de vous décevoir très cher, mais il vous faudra bien plus que ça pour vous débarrasser de moi. » Un nouveau sourire fit son apparition au coin de ses lèvres roses. « Après la chaleur, vous voulez voir si je résiste au froid ? Je suis plus tenace que ça - dois-je vous rappeler que je suis irlandaise ? » Ses épaules et son dos nus n'allaient pas tarder à sentir la nuit tomber, mais ce n'était rien qu'un coup de baguette ne saurait régler. Les joues encore écarlates de la frénésie passées des cuisines, la vert-et-argent joignit le geste à la parole et leur lança un sortilège pour leur permettre de ne pas subir les effets de la température extérieure malgré leurs tenues. Son regard s'aventura un instant vers celui d'Arès, la rendant silencieuse l'espace d'un instant. Puis, elle se détourna. « Je ne veux pas prendre le risque d'écourter cette soirée en finissant totalement frigorifiée. Non, définitivement, si c'est un test, je ne - »

La lumière blanche de la lune enchantait ce jardin aux allures de conte de fées. Et bien que ses iris curieux s'apprêtaient à en visiter quelques tournants, ils se posèrent finalement sur ce bien étrange tissu qu'il avait récupéré à la cuisine sans même qu'elle ne s’aperçoive comment.

Siobhán savait qu'une jeune fille de bonne famille aurait certainement gardé le silence de peur de se montrer trop impertinente. Mais Arès venait de lui montrer qu'il acceptait sa présence, telle qu'elle était.

« Qu'avons-nous récupéré sur notre route ? », demanda-t-elle avec des yeux malicieux loin de juger la couleur de l'étoffe, bien trop intrigués par les raisons qui avaient poussé Arès à s'en saisir.

Bien trop intriguée par tout les secrets qu'Arès avait encore à lui montrer et à lui raconter.

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An té nach bhfuil láidir ní foláir dó a bheith glic

ANAPHORE

Barefoot on the grass
"Perfect" by Ed Sheeran
... I'm dancin' in the dark with you between my arms
Barefoot on the grass while listenin' to our favourite song
When you said you looked a mess, I whispered underneath my breath

je suis un PNJ

« Vous n'aviez pas dit que vous comptiez vous rattraper en passant le reste de la soirée avec Elaine ? »

Il renvoyait la balle avec malice dans ce jeu carrément assumé qu'ils avaient décidé de jouer tous les deux. Et, par ailleurs, il était indéniable que si quelqu'un était capable d'avoir engrangé l'ensemble des commérages de la soirée, c'était bien Elaine Peabody à qui personne ne faisait attention. Laissant derrière eux les festivités et leurs histoires croustillantes, ils quittèrent la galerie pour s'aventurer dans les cuisines où Ares n'entendait pas s'éterniser. Non, il n'était que de passage, intéressé par une vieille chemise de nuit à peine montrable et c'était tant mieux car Miss Krépine ne semblait pas disposée à lui faire une place ce soir. Il prit tout de même le temps de s'enquérir de ce que sa compagne d'aventure pensait de toutes ces pérégrinations. Une autre aurait sans doute pris la mouche d'être promenée de droite et de gauche, introduite dans les endroits où on aurait pu traîner qu'une fille de cuisine avec des arrières-pensées un peu louche, mais Siobhán semblait tenir le coup, au plus grand plaisir d'Ares Longerbane. Il ne s'était donc pas trompé sur son compte.

Intérieurement, il s'imaginait dérouler le même scénario avec Miss @Chelsea Waldorf et il en ricanait en dedans. Sans doute était-elle bien mieux au bon soin d'Atreus.

L'irlandaise se contenta de les couvrir d'un enchantement pour prévenir tout refroidissement. Lui, n'avait pas pensé à cela, tout entier qu'il était à son idée de dîner. Elle s'interrompit en posant les yeux sur sa vieille chemise de nuit.

« Vous verrez bien Miss Siobhán. Pour l'heure, nous allons être en retard pour notre dîner. », et comme il annonçait cela, il la prit par la main et l'entraîna à sa suite, oubliant qu'elle n'était peut-être pas chaussée pour courir, mais cela ne dura que quelques foulées, le temps de s'engouffrer sous la ramure généreuse d'un sophora au port pleureur et alors qu'ils disparaissaient, c'était le Printemps qui fleurissait sous leurs yeux. Atreus observa une seconde la réaction de la jeune femme à la vue de l'heure verte et vivace sous leurs pieds et des pâquerettes qui semblaient tout ignorer de l'hiver, puis il jeta au sol sa chemise de nuit miteuse et annonça le plus sérieusement du monde, « La table de Madame... »

Aussitôt dit, la chemise de nuit miteuse retrouva un éclat blanc impeccable et se couvrit de deux couverts, d'un cruchon sans prétention qui pourtant se remplissait des breuvages les plus divins et de plats aux mets délicats à côté de quoi, le service de la salle de bal passerait pour de la malbouffe.

« Bon appétit. », offrit-il dans un français impeccable.

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Barefoot on the grass

ft. Arès Longerbane

21 12 2023

Désormais loin de la ferveur de la salle de bal et des murs des Ombes-Moires, Siobhán se sentait plus libre de se laisser aller à celle qu'elle était réellement. Sa personnalité profonde ressortait sans difficulté en dehors du château, comme s'il lui était plus simple de se montrer dans l'obscurité de la nuit. À en croire ce leur petit jeu, Arès semblait prendre autant de plaisir qu'elle à s'octroyer cet instant de respiration, loin des danses et des règles de la bienséance. Si bien qu'il ne tarda pas avant de le poursuivre, profitant de l'épanchement de la curiosité de son invitée pour prendre le soin justement de ne pas la satisfaire.

La demie-vélane afficha un air faussement vexé à l'idée de ne pas savoir à quoi allait leur servir ce morceau de tissu. Une partie d'elle était un peu déçue, mais l'autre aimait toujours autant se faire surprendre. Pendant une fraction de seconde, elle retrouvait cette sensation familière et agréable qui avait été la sienne à chaque fois qu'Edel avait trouvé un nouveau subterfuge pour mettre fin à la banalité de leur quotidien. Son estomac se serra au souvenir que ce temps était révolu, bien qu'il avait existé suffisamment longtemps pour lui laisser entrevoir ce qu'elle avait perdu, signe qu'il n'était pas impossible de le retrouver d'une toute autre manière. Sans le savoir et sans chercher à suivre quelconque direction qui lui serait imposée, Arès était sur la bonne voie.

On pouvait lire sur son visage doux et souriant qu'elle prenait grand plaisir à le suivre, sans se soucier un seul instant de leur destination. Il fallait dire que depuis quelques temps, Siobhán ne s'attachait plus à parcourir ce chemin qui lui était tout tracé ; elle se laissait volontairement porter par les épreuves que la vie avait en réserve pour elle. Exactement comme elle se laissa entrainer à travers les pelouses extérieures dans l'obscurité de la nuit, où seule la lune se portait complice de leur absence. Sa main dans la sienne laissait leur peau s'effleurer alors qu'Arès accélérait le rythme, peut-être aussi pressé qu'elle à avancer vers la suite de leur fragment de soirée à deux.

Un sourire accueillit la magie qui prit place sous ses yeux en comprenant finalement l'utilité de l'artéfact confié par Miss Krépine. Pendant ce temps, elle se débarrassait également de ses chaussures à talons, renonçant à tricher sur sa taille pour mieux sentir l'herbe lui chatouiller les pieds. Ici, l'humidité de la nuit ne les touchait pas et Siobhán se sentait revivre de l'arrivée précoce de ce printemps magique. Ou bien était-ce la présence d'Arès qui lui faisait cet effet là ?

Une noble révérence remercia son hôte de l'inviter à sa table où elle dévorait déjà des yeux la gourmandise des plats qui s'offraient à eux.

« J'espère que Mrs Peabody ne m'en voudra pas de la faire attendre un peu. Il serait malvenu de ma part de ne pas honorer cette magnifique tablée, ne croyez-vous pas ? », demanda-t-elle avec un sourire malicieux figé sur son visage. « Merci, Arès », souffla-t-elle à son tour dans un français enseigné par @Céleste Delacroix avec un accent charmant, sans davantage préciser pour quelles raisons exactement elle le remerciait.

C'est qu'il y en avait plusieurs, mais qu'elle restait encore suffisamment sur la réserve pour ne pas les énoncer. Dans son regard et son sourire, il verrait qu'elle était sincère dans ses remerciements et peut-être que cela lui suffirait.

En attendant, la demie-vélane s'installa tout près de la nappe d'un blanc immaculé, à même le sol, prenant soin de ne pas abimer sa longue robe verte. Ce geste simple lui rappelait l'un des souvenirs de son enfance qu'elle choyait tout particulièrement : ces pique-nique en famille au milieu d'une nature luxuriante qu'elle retrouvait ici, dans les jardins des Longerbane.

Le plus beau là-dedans, c'était qu'Arès n'avait absolument pas conscience de tout ce qu'il lui évoquait.

Elle n'osait pas toucher à quoique ce soit avant que son hôte ne soit installé à ses côtés.

« Tout est si beau et semble délicieux. Êtes-vous certain que ça se mange ? » Les mets dressés devant eux étaient si délicats à l'œil qu'elle n'osait les imaginer au contact de ses papilles. À commencer par les couleurs mirobolantes de ces tartes aux légumes et ces plats en sauce influencés par le monde entier. Elle mangeait rarement de la viande mais, pour une fois, elle ferait exception. « Je commence à comprendre ce qui fait la renommée de cette grande table. Mais si vous le voulez bien, je n'en ferai pas la publicité. Toute bonne adresse doit savoir rester secrète pour conserver son authenticité... »

Sans compter que ce moment hors-du-temps leur appartenait.

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