Partout dans le tertre, de petites voix chuchotaient les unes aux autres dans un brouhaha cacophonique. Les spectateurs devenaient silencieux sur le passage de Branwen, mais les yeux des fées ridiculement petites suivaient la druidesse qui continuait à s’enfoncer dans les brumes du tertre maudit. Il y a longtemps qu’elle n’avait pas emprunté ce chemin, et elle se demandait même si cela ne faisait pas plus longtemps que Brynn était née car elle se revoyait avec le ventre rond et le dos fourbu venir jusqu’ici pour demander la grâce de la vieille
Oiche.
A l’époque déjà la guenaude avait cette influence nauséabonde sur le marais, mais des comme elles il y en avait plein dans le tertre, aussi Branwen n’avait jamais imaginé les chasser ou s’en débarrasser. Au lieu de ça, elle leur avait donné sa parole – parole de Gwent même – que aussi longtemps que rien ne lui était fait pour lui déplaire, alors elle tiendrait à distance les chasseurs et les braconniers du tertre du Gorsedd.
Cette transaction lui avait longtemps été favorable, et tout le petit peuple, qu’il fut du crépuscule ou de l’aube, avait saisi l’occasion à une époque où les moldus prenaient de plus en plus de place dans leur monde à eux. Le Gorsedd était alors devenu un refuge et le berceau, tantôt de sombres magies, tantôt de merveilles féeriques.
En revanche, il manquait dans le berceau l’enfant par qui et pour qui était né le Gorsedd tel qu’il était aujourd’hui, et cela, Branwen ne pouvait le supporter.
« Oiche ! » tonna la voix de la sorcière une fois arrivé devant le terrier de la guenaude.
Celle-ci apparut en une nuée fracassante de ronces et de feuilles mortes, accrochée à un bâton pourvu de plusieurs ossements.
« Que me vaut l’honneur de ta visite, Gwaharddedig ? »Un petit ricanement mauvais passa sur les lèvres de la guenaude qui ne cacha nullement son apparence derrière un quelconque glamour. Pour Branwen, elle se montrait telle qu’elle était, c’est-à-dire avec une peau verdâtre et quelques rares cheveux, un nez long et sinueux et des yeux qui pouvaient certainement jeter des sorts.
La rousse, perchée sur l’immense cerf qui lui servait habituellement de monture, se tendit à la vue de la créature répugnante. Ce n’était pas la vision de la chose qui lui déplaisait, mais le fait qu’elle ait utilisé
Gwaharddedig, et ce terme elle s’en souvenait bien pour ce que
@Maeve Cynfeirdd l’avait articulé en dernier.
La vieille Oiche était donc au courant pour la Chasseuse, mais Branwen n’avait pas failli à sa parole, sinon quoi ce serait elle qui aurait connu les souffrances et non sa fille.
Troublée mais concentrée, Branwen reprit, d’un ton sans appel :
« Tu sais très bien pourquoi je suis ici et devant toi aujourd’hui. Rends-moi ma fille, Oiche ! Je sais que tu empoisonnes son esprit en ce moment même avec ta vieille magie. Rends-la-moi ! »« Ou bien quoi ? »La guenaude siffla tout bas, d’un air menaçant cette fois. Son regard s’était fait plus petit, presque meurtrier, mais la seconde d’après, Oiche se mit à rire d’un air joyeux, presque dansant sous les yeux ahuris de Branwen. Qu’est-ce que cette vieille folle pouvait bien mijoter ?
« Tu ne peux ni me tuer, ni me chasser. Te voilà bien embêtée ! » Un rire graveleux passa sur les lippes de la créature.
« Et quant à lever ma vieille magie, voilà qui est encore plus compliqué ! »« La loi des fées oblige à ce qu’il y ait un remède, Oiche » tonna de nouveau Branwen, ne se démontant pas.
« Dis-le-moi. »« Oh, non, non » marmonna la vieille guenaude, reculant doucement,
« non, Branwen, ce serait bien trop facile, et j’ai besoin d’une fille moi aussi. »« Tu n’as pas le droit de la toucher ! » hurla cette fois Branwen, perdant son sang-froid, tirant cette fois sa baguette, mais la vieille guenaude eut un rire, reculant en sautillant, presque joyeuse.
« Je ne la toucherais pas, je l’ai promis. Plus exactement, Branwen, quand tu es venue jusqu’à moi et que ton ventre était aussi rond que le soleil, je te l’ai dit, n’est-ce pas ? Je ne lui ferais aucun mal, et c’est ce que je fais… »Branwen resta muette, fixant la vieille créature qui repartait d’un air amusé vers le trou.
« Je ne lui fais aucun mal. Il n’y a aucun mal à devenir une guenaude, ou à en être une. Aucun mal… non, non… »Un dernier ricanement mauvais passa sur les lèvres de la créature :
« La prochaine fois, tu réfléchiras à deux fois avant de recevoir ces bardes là… Et ne crois pas que le plus concerné réponde à ton appel. Il ne l'a déjà pas fait la première fois. »Et comme elle disait ça, la vieille Oiche s’enfonça de nouveau dans son terrier, laissant Branwen silencieuse, le regard perdu.
La druidesse se rendit compte qu’elle était très probablement trop faible seule contre la guenaude, et encore plus puisqu’elle avait la vie de Brynn entre ses griffes. Son pacte l’empêchait de faire quoi que ce soit contre la guenaude sans en mourir sur le champs, et la guenaude n’avait à son tour aucun moyen de lui infliger un quelconque dégât, mais cela ne l’avait pas empêché de maudire sa fille.
Branwen eut un regard méprisant envers le terrier, avant de tirer sur les rennes d’Ethyr, le cerf royal qui l’accompagnait.
MADE BY @ICE AND FIRE.