Three Broomsticks. (Matt)

A l’évocation du croisement entre le caniche et le labrador, je manquais de m’étouffer avec mon daiquiri. Mettant mon main devant mon nez, toute grâce disparue alors et je me mis à tousser bruyamment puis à rire aux éclats. Plusieurs personnes se retournèrent vers moi, et ceux de Poudlard m’adressèrent un regard surpris comme si je les avais giflé. Il fallait dire que… je ne riais jamais.

« Redis jamais une chose pareille... » dis-je en me calmant un peu.

A l’évocation de son métier, je continuais de boire tranquillement mon daiquiri en reprenant contenance. Sans le lâcher des yeux, je compris alors que l’Université était pour lui quelque chose de vraiment important et qu’en plus, il avait une petite estime de lui car il évoqua deux métiers sans besoin d’études réels. Mais… Je savais malgré moi que les études ne faisaient pas tout, quoi qu’en dise mon père. Si je voulais, je pouvais arrêter pour me concentrer uniquement sur ma carrière mais… Il me fallait au moins mes ASPICs, et… peut être plus, au cas où. Pour moi c’était des mesures de protections.

« En gros, tu veux rester à Poudlard. C’est bien comme job, ça doit être reposant… Enfin faut se coltiner les merdes des étudiants. Mais en vrai, c’est moins prise de tête que Professeur. Quoi que j’en sais rien. En tout cas, les deux t’iraient très bien. » dis-je dans un sourire confiant.

Je n’avais pas osé lui dire qu’il pouvait faire mieux que ça. Car… je pouvais me planter non ? Si jamais il voulait vraiment faire ça, et que la confiance en lui n’était absolument pas dans les variables, alors j’allais passé pour une truffe et une débile qui ne jure que par les hautes ambitions. Or, si c’était sensé être un trait familial, je l’avais lâché il y a bien longtemps. Les gens faisaient ce qu’ils voulaient. Je doutais encore, l’espace d’un instant… Devais-je lui dire qu’il pouvait peut être faire mieux pour essayer de lui redonner confiance ?… Non. Il n’était pas le genre de gars avec ce genre de soucis. Il me parlait avec une confiance hors norme depuis le début, je devais faire fausse route.

« Légende, j’en sais rien. Et je ne pense pas. C’est très difficile déjà de jouer en Première Ligue. Je ne joue que quelques matchs, mais le niveau est déjà très élevé. Pour l’instant, je suis une bonne remplaçante on va dire, je ne joue pas les matchs décisifs. Mais au moins, je m’éclate, je suis qui je suis réellement quand je suis sur un balai et un batte à la main… Ca me suffit, enfin je crois. »

Je ne m’étais jamais vraiment posé la question. Je jouais, j’enchainais les jours et les cours, mais jamais je n’avait voulu devenir une star reconnue dans le monde entier. Je voulais simplement être heureuse et vivre de ma passion, en donnant le meilleur de moi même… Mais ça, c’était déjà complexe avec la pression de mon père pour que j’arrête et que je reprenne le flambeau familial.
Puis, quand il répondit à ma question sur les exs, je m’assombris et mon sourire s’effaça. D’ailleurs mon visage plongea derrière mon Daiquiri. La blague n’était pas passé, pire, ça semblait l’avoir vexé alors que je ne voulais juste avoir quelques infos. Ma gorge se serra également quand il parla d’avoir déjà eu une liaison avec quelqu’un du même sexe. Là, je relevais les yeux et je le fixais sans rien dire. Qu’est ce que je pouvais lui dire ? Que moi aussi, ça m’était arrivé ? Mais si je lui disais ça, on n’était pas à l’abri qu’il le répète, et là, j’étais clairement morte et j’entraînais alors Selma dans ma tombe.

« Ah. » dis-je simplement

Ca avait eu pour mérite de casser un peu l’ambiance. Je me rendais compte de ma gourde à retardement et je buvais plusieurs gorgées de Daiquiri pour reprendre du courage car j’allais devoir ramer pour récupérer la situation. Mon « Ah » pouvait être interprété comme quelque chose de mauvais, comme si je ne cautionnais pas cela, alors que c’était l’inverse. J’avais un respect infini pour ceux qui pouvaient le dire à coeur ouvert, sans avoir une épée de damoclès au dessus de la tête.

« Moi aussi, je suis bi. » dis-je alors en posant mon verre

Je l’avais posé avec grâce et calme et on voyait que je souriais très légèrement mais que le ton de la conversation était devenu bien plus sombre et beaucoup plus sérieux.

« J’ai eu une relation avec une fille, et longtemps j’ai pensé que je n’aimais plus qu’elle, jusqu’à ce que je te rencontre. Je comprends maintenant pourquoi, t’es différent des autres, et c’est tout à ton honneur. » dis-je calmement

« Mais ne le répète à personne, car malheureusement si ça se sait, je serai obligé de te tuer. Vous êtes pas beaucoup à le savoir. Et si mon père l’apprend, je peux dire adieu à Poudlard et à ma vie… C’est… je sais pas pourquoi je t’en parle. »

Mes yeux dérivèrent de Matt pour regarder ailleurs. J’étais partager entre la peur de lui avoir dit et d’avoir la véritable colère de l’avoir à dos, et le soulagement d’avoir pu me confier à quelqu’un d’autre que Selma ou Lheina.
Sans cérémonie, je levais la main pour commander un mètre de Tequila. J’allais me mettre la tête à l’envers, car rien que le fait d’en avoir parler me donner envie de débrancher mon cerveau.

09.12
Je n’arrive pas à savoir à quel point elle prend ma réponse au sérieux. Je ne sais jamais doser l’ironie, l’humour, il m’arrive de perdre des interlocuteurs et je n’oublie pas que le premier degré doit être encore plus compliqué à éviter lorsque l’anglais n’est pas la langue maternelle… Non pas que j’ai peur qu’elle croie que je manque d’ambition – ça, c’est le dernier de mes soucis – mais simplement pour éviter tout malentendu car ça complique toujours tout.

« Non, honnêtement je n’en sais rien. Je sais juste que je ne veux pas retourner à une vie de moldu. » Je soupire. « Je n’ai pas encore eu de déclic quant à ce que je pourrais faire de ma vie. Je n’ai pas le sentiment d’avoir de destiné… »

C’est ce que j’envie aux héros de ces histoires passionnantes. Ça leur tombe dessus ! Alors, d’accord, ils n’ont rien demandé et se retrouvent à devoir faire des sacrifices à affronter de nombreux dangers mais leur vie est soudainement toute tracée. Ils n’ont pas à se prendre la tête sur les options à choisir pour un avenir, non, ils doivent foncer et sauver le monde. J’y ai cru quand Thaddeus Baddock a frappé à ma porte, avec cette lettre. Un sorcier, moi ! Non pas que je me plaigne de ne pas avoir le destin du monde entre mes mains, beaucoup trop de responsabilités pour mes frêles épaules, mais ça aurait eu de la gueule !

« Alors, ouais, je serais prêt à rester passer le balai dans le château. »

Il y a pire comme futur. Entre ces murs, baigné par cette magie ambiante, ces secrets que renferme encore Poudlard… Y passer une vie n’est pas ce qu’il y a de plus tragique. Mais, déjà, survivre aux examens serait une victoire. Un pas après l’autre. Je l’écoute ensuite parler de l’avenir que je lui vois et faire surtout preuve de modestie. J’acquiesce de la tête quand elle évoque les sensations de voler batte en main, car je les connais, je les ressens. C’est vrai que c’est libérateur, c’est ce qui m’a plus dans ce sport. Une liberté difficile à expliquer.

« Quelques matchs c’est déjà beaucoup, on n’est qu’en décembre après tout et faut bien commencer quelque part. Moi j’pense que t’iras loin, tu sembles avoir la volonté pour, en tout cas. »

Volonté, détermination, les clés de la réussite selon certains. Ce qui me fait le plus souvent défaut, j’en ai conscience. Mais l’honnêteté, le franc parler, font partie de mes qualités. Ce qui peut déconcerter les autres. Si elle me donne l’impression de l’être, au départ, suite à ma réponse quant à mes exs, elle rebondit rapidement sur sa propre situation qui me fait arquer un sourcil.

« Quidditch et orientation sexuelle. Ça nous fera au moins deux points communs. »

Mais je ne comprends pas trop les phrases qui suivent. Déjà, côté flippant, elle laisse entendre qu’elle pourrait m’aimer… dès le premier rencard. Ok. J’aurais donc affaire à une rapide. Si je ne me méfie pas, le mois prochain j’ai la corde au cou ! Ensuite…

« A mon honneur de quoi ? »

J’ai l’impression que c’est en lien avec ma sexualité et donc je ne comprends pas. Ce n’est pas comme si ça se choisissait, comme si on se levait un matin et qu’on prenait la décision d’aimer le sexe opposé ou le nôtre. Il n’y a pas d’honneur, là-dedans, juste… La vie ? Certaines théories tentent même de démontrer que ce serait inscrit dans nos gênes… quand la science s’en mêle…

« C’est peut-être encore la barrière de la langue qui frappe car j’ai l’impression que tu laisses entendre que si tu m’apprécies c’est parce que j’aime tout le monde. Dis tout de suite que c’est marqué sur mon front ! C’est mes cheveux, c’est ça ? So cliché. » Je blague mais tente d’y comprendre quelque chose malgré tout et l’écoute parler de son père. « Aaaah, les paternels et leurs attentes, leurs idéaux. C’est pas déjà lui qui te met une pression monstre pour tout le reste ? J’veux pas être malpoli mais ton père a l’air passablement chiant. »

Je plisse les yeux alors qu’elle commande un alcool plus fort encore. De ce que je peux retirer de mon expérience, boire sans modération fait ressortir ce qu’on a sur le cœur, quand ce n’est pas ce qu’on a sur l’estomac. Et, de ce que j’ai pu voir la semaine dernière, la demoiselle n’était pas dans de bonnes dispositions pour un tel laisser aller. J’ose espérer que son stress est grandement redescendu en quelques jours, sans quoi un accident allait encore arriver.

« Rassure-moi… Tu as bien mangé avant de venir ? C’est pour savoir si je dois me préparer à te tenir les cheveux. »

Je garde un trait d’humour mais mon inquiétude reste bien présente. Elle a une sacrée descente qui me ferait marrer avec un compagnon habituel de beuverie, sauf que je ne suis pas dans l’ambiance. Il est question de faire connaissance, pas de glisser vers une gueule de bois à vous fracasser le crâne contre un mur quitte à souffrir. Je sais que mon style laisse à croire que je suis un party animal mais il y a un temps pour tout et les vacances ne sont pas encore là. Alors, de mon côté, je prends le temps de savourer ma bière.

« Si. » dis-je simplement un peu éteinte à sa question sur mon paternel.

En même temps qu’est ce que je pouvais dire de plus ? Il pointait les évidences avec une naïveté et une efficacité de Poufsouffle, de manière assez redoutable. Observant mon daiquiri d’un œil sinistre, je restais dans mes sombres pensées, à me demander ce qu’il pouvait bien penser de moi, et de toute cette éducation qui devait lui paraître si éloigné de la sienne. C’était surtout en ça, que nous étions terriblement différents, et je n’avais pas l’impression qu’il comprenait la mesure de l’aveu que je venais de lui faire. Toujours silencieux, je me contentais de sourire légèrement en coin pour dire :

« On est si pas si semblable crois moi, surtout à ce niveau là. Tu as la liberté de faire ce que tu veux. Je t’envie beaucoup. »

Je relevais enfin les yeux vers lui et je me mis à rire un peu quand il me parla de me tenir les cheveux si jamais j’allais en venir à vomir. Avec un sourire un peu aguicheur et amusé, je me contentais simplement de rajouter :

« Oh crois moi, il faut plusieurs Daiquiri pour saouler vraiment une cubaine. Dans le pire des cas, tu risqueras simplement me ramener dans ton lit ce soir. Allez, viens, on va danser. »

Une petite place était réservé pour ceux qui voulaient danser, dans un coin du pub. Sans réfléchir, je l’avais pris par la main et je l’avais entraîné à ma suite. Tout en marchant, je lui avais fais quelques sourires et lancé quelques regards amusés, content de voir que ma dernière phrase devait certainement du avoir fait son petit effet. Alors qu’une musique sorcière célèbre passa, semblable à un de ces rock moldus qu’il prisait temps, je m’étais arrêté avant de me lancer sur la piste :

« On va voir si tu es aussi bon danseur que bon parleur Matt ! Bon, ça vaut pas la musique que t’écoute je suppose, mais ça y ressemble assez... »

Avec un léger sourire, je me penchais vers lui pour murmurer à son oreille avec une voix fluette et toujours aussi amusée :

« Au pire, si ça marche pas entre nous, vu qu’on est bisexuel, on pourra toujours rentrer avec quelqu’un. Ca augmente les chances de réussites… ! »

Et, sans réfléchir, je m’élançais dans une danse au rythme de la musique. Au moins, j’avais eu le mérite d’arrêter la conversation sur mon père. Depuis que j’étais ici, en Grande Bretagne, je sentais moins la présence de ses espions et autres partisans sur moi. Libérée, je respirais et cela transpirait dans ma façon de danser. L’ombre était bien plus loin dans mon esprit, mais c’était certainement du aux Daiquiri que j’avais enchaîné et à la présence rassurante de Matthew.

09.12
Je n’ai peut-être pas un tyran de père comme la demoiselle mais on dirait qu’elle s’imagine que ma vie est toute rose. Je sais que je ne suis pas le plus à plaindre, d’ailleurs je le fais rarement. J’ai une famille particulière, avec ses histoires, ses problèmes, mais je ne suis pas un pauvre orphelin. Probablement pour cette raison que je ne suis pas devenu un justicier masque, j’ai encore une attache conséquente et pas de mission vengeresse. Non, je veux juste continuer ma vie, malgré les emmerdes que j’ai déjà pu connaître. Faire avec, ou plutôt sans. Alors, oui, je conçois que, pour un regard extérieur, vivre ma vie comme bon me semble est facile. Sauf que ce n’est pas toujours si simple.

« Ouais, enfin, faut pas oublier que si je suis aussi libre c’est parce que mon père est six pieds sous terre et que ma mère est trop occupée à boire... et là où j’ai grandi, c’est pas un sujet facile à aborder, à moins de vouloir se faire casser la gueule. J’ai donné, d’ailleurs, car même à notre époque c’est problématique. Je crois que mon frangin n’a toujours pas digéré que son petit frère est aussi attiré par les mecs. Peut-être qu’il croit que c’est contagieux, qui sait, c’est pas une lumière… Du coup je préfère ne pas le croiser, surtout s’il est avec sa petite bande… Alors, cette liberté dont tu parles, c’est pas non plus gratuit, hein. »

C’est peut-être aussi pour cette raison que j’aime ma vie au château. Loin de mon quartier, de ces esprits encore un brin arriérés, où les inquiétudes des gens sont dirigées vers la possible lycanthropie cachée du voisin et non pas sur qui il se tape. Des loups-garous… Des vampires… Bordel, ce que j’aime ce monde !

Je fronce le nez quand elle se veut rassurante quant à sa descente, faisant allusion à une possible fin charnelle pour cette soirée, et me laisse entraîner. Cependant j’ai toujours la mine renfrognée, surtout qu’elle veut me faire danser. Danser ! J’ai la dégaine d’un gars qui danse ? Je ne crois pas, non.  Je grimace et lève les mains, agacé par la dernière réflexion qu’elle me glisse à l’oreille.

« Je me suis peut-être trop avancé en proposant ce date… »

Ou pas. Après tout, le but était d’apprendre à se connaître, justement. Mais plus ça avance et moins je suis à l’aise avec Alejandra. Je ne sais pas si elle est sérieuse dans ses réflexions mais même ce genre d’humour me rebute. J’ai l’impression de traîner avec un pote de Thomas ! Ces mecs qui m’insupportent avec leur vision des choses. Mais surtout, je ne la comprends pas. Avoir affaire à la meuf touchante car hyper stressée de la vie, qui se donne à fond pour réussir… et l’instant d’après j’ai l’impression d’être avec Marcel le gros beauf du quartier. Il manque la grosse tape dans l’épaule et le clin d’œil exagéré pour appuyer un humour déplacé.

« Un coup tu me parles d’amitié… Pour me faire entendre que tu pourrais terminer dans mon lit… et maintenant tu veux pécho tout ce qui bouge ? »

Je repense à sa consommation d’alcool, à ce besoin qu’elle semble avoir de s’embrumer l’esprit. Je ne pense pas qu’elle aille vraiment mieux, que le stress qui la prenait aux trippes la semaine dernière l’ait quittée. Non, elle le cache et peut-être à elle-même. Cette soirée en est juste une distraction. Non pas que ça me déplaise d’aider les gens à se changer les idées mais ce n’est pas ce que j’avais envisagé pour ce soir. La brune a beau avoir un joli minois, la personnalité qui ressort de ses dernières paroles m’a refroidi. Je viens me planter devant elle, mains dans les poches.

« Je te l’ai déjà dit, je ne suis pas un garçon facile, Alej. Et c’est pas en essayant de me saouler que tu pourras profiter de mon corps d’athlète. Donc, en effet, je pense que tu vas devoir jeter ton dévolu sur quelqu’un d’autre, ce soir. »

J’arrêtais de danser à la suite de ses paroles. Mes yeux se posèrent sur lui et je réfléchis à ce que j’avais en de lui dire, et de faire par la suite. Je pris assez mal sa réponse, d’ailleurs c’est pour cela que j’avais arrêté de danser. Préférant ne pas revenir sur ce qu’il disait de son frère, je n’avais à l’esprit que ce qu’il venait de dire à l’instant. Il m’avait rembarré.
Il fallait dire que cela ne m’arrivait pas souvent, que c’était même plutôt rare. Aussi, je sentais le paradoxe monter en moi de manière croissante et une attirance plus puissante arriver au grand galop. On ne m’avait jamais dit non, à la Havane. J’étais la fille d’une puissante famille, et je savais que je n’étais pas vilaine. De plus, le fait qu’on me repousse agissait comme un aimant à l’intérieur de moi. Je voulais lui plaire. Je voulais aller plus loin, simplement parce qu’il m’avait dit non. C’était… curieux.

« Ah. » répondis-je simplement d’une voix éteinte.

Les gens dansaient autour de nous, et je fis une personne ou deux s’arrêter pour nous regarder.

« Je n’ai jamais dit que je voulais sauter sur tout ce qui bougeait. » commençais-je.

Ma voix avait changé. Et s’était progressivement refroidi. Que croyait-il ? Que j’étais le genre de femme à sauter sur la première occasion pour le plaisir charnelle ? Jamais. Je ne savais pas faire cela sans sentiments, mais lui dire serait révéler que je commençais à en avoir pour lui.

« Et j’ai pas envie de voir quelqu’un d’autre. »

J’avais failli rajouter « Imbécile » mais je m’étais retenu. Déjà que je le sentais en perdition total, je n’allais pas enfoncer le clou un peu plus loin. On venait de se positionner tous les deux sur une crête. On était à l’équilibre et je savais que maintenant, je devais basculer. Soit d’un côté, soit de l’autre. Il n’y avait que deux options, et il n’y aurait qu’une seule issue ce soir. Mes yeux regardèrent ses lèvres un long moment. Mais, je gardais à l’esprit ses paroles, et je compris que si je m’approchais pour l’embrasser, j’irais bien trop loin ce soir.

« Alors si tu n’en as pas envie, je vais rentrer. » dis-je simplement « La semaine prochaine, j’ai un match à préparer et les examens du premier semestre approche. »

Et je sentais mon coeur rouler, du mauvais côté de la falaise. Mais en même temps, je n’allais pas le forcer. Je n’étais pas du genre à faire semblant. Je n’étais pas du genre à laisser croire que ce qu’il m’avait dit ne m’avait pas toucher. Mes mains montèrent sur mes bras nus, comme si j’avais froid, et mon regard passa ailleurs. C’est pile à ce moment là qu’un mec ivre arriva vers nous.

« BAH ALORS ! Faut pas s’engueuler les amoureuuuux ! »

Il tituba. Mais je l’ignorai et je regardais toujours ailleurs. C’était bien ce qui me semblait. C’était ce que j’exprimais à la vu de tous et ce gars venait juste de révéler au grand jour ce qui transpirait de moi. Sans un mot, je fis apparaître un pull à capuche aux armoiries de mon club de Quidditch et je baissais la tête. Normalement, j’aurai du lui envoyer mon genoux dans les burnes. Puis à Matthew, parce qu’il était responsable de cette situation.

« Je pense que je devrais rentrer. C’est… c’est mieux pour ce soir. »

J’amorçais un départ, mais mon bras trouva le siens dans le noir et l’euphorie éphémère du lieu. Mes yeux se levèrent vers lui et je déclarais simplement :

« On peut se voir plus tard si tu veux. »

Encore de moi ? Encore me parler ? Heureusement je m’étais arrêter pour ne pas aggraver mon cas. Ma main avait alors effleuré la sienne et mes yeux étaient resté dans les siens. Puis, prenant mon petit courage à deux mains, je me mis à sortir assez vite du bar. Assez vite pour ne pas être rattrapée. Une fois à l’extérieur, comme dans un état de détresse, je pris ma baguette et je me mis à transplaner directement devant le portail de l’Université.

09.12
Vous savez, ces fois où il vaudrait mieux fermer sa gueule ou au moins tourner sept fois la langue dans notre bouche avant de l’ouvrir ? Bah je suis en plein dedans. Mes paroles ont dépassé ma pensée, mes mots se sont faits plus durs que je ne pensais et évidemment la Montero a été blessée.

« Alej, c’est pas ce que j… »

Mais je n’ai pas le temps d’en placer une. En même temps, ce n’est probablement pas plus mal vu ce que j’ai sorti un peu plus tôt. Elle me ressort les mots que j’ai exagéré, qui semblent lui écorcher les lèvres. Ouais, ferme ta gueule, Matt. Autant la laisser digérer mes paroles et m’en renvoyer au visage, je pense même que j’encaisserai une gifle sans broncher. C’est encore une autre facette qu’elle m’offre, une autre approche que je préfère à l’humour douteux qui a gâché la soirée comme l’étincelle sur un baril de poudre. La nervosité d’un premier rendez-vous, sans que le terme ne soit vraiment clair, laissait place à quelque chose de plus désagréable et amer. J’ai ce défaut, de ne pas laisser passer ce qui me déplaît, de le pointer ouvertement quitte à foutre en l’air l’ambiance. Car je ne sais pas faire semblant, que je déteste ça. Je suis entier, vrai et donc souvent chiant.

Je retrouve la Alejandra touchante que j’ai soudainement envie de consoler mais ce serait envoyer le mauvais signal, right ? Car, non, je sens que ça ne le fera pas, pas de la façon qu’on a envisagé, esquissé. Trop de fausses notes, de mauvais accords. On n’est pas sur le même tempo… Je lance un regard noir au type qui vient rajouter une couche, m’imagine un instant lui fourrer mon poing dans sa tronche mais ses yeux embués traduisent l’absence de neurone fonctionnel dans sa caboche.

Les mains toujours dans les poches, je me contente d’un hochement de tête alors qu’elle annonce son départ, repassant en mode parfaite Serdaigle studieuse. De quoi avoir la chanson de Katy Perry en tête, « You’re hot and you’re cold », la marmonner le reste de la soirée parce que je ne pense pas réussir à me changer les idées après ce fiasco. Mais je ne regrette pas ce frein brutalement tiré. Passer pour un connard pour éviter de faire une plus grosse connerie. Car je réalise que je ne suis pas prêt à me lancer dans autre chose qu’une amitié, que mon cœur n’est pas remis depuis ma dernière relation sérieuse, qu’il est encore bien trop fragile pour se dévoiler à quelqu’un d’autre. Que je pioche dans le moindre détail qui me déplaît, m’y accroche, m’en sers de bouclier pour repousser les assaillant(e)s. Comme ce soir. Alors autant la laisser repartir, ne pas insister.

« Au pire, on se verra sur le terrain et tu pourras m’envoyer tous les cognards de la terre. Bonne soirée, Montero. »

Que je lâche alors qu’elle s’éloigne rapidement. Quand je tourne le visage, l’autre bœuf me fixe de ses yeux vitreux. Je repousse sa tronche du plat de la main et file me commander une nouvelle bière bien fraîche avant de rejoindre quelques têtes connues.