Agréable surprise [Ft Amaranth ]

 « In family life, love is the oil that eases friction, the cement that binds closer together, and the music that brings harmony »
Friedrich Nietzsche 

Les quatre Pierce avaient appris, très tôt, l'importance du jeu des apparences et, si en public ils étaient aussi polis et respectueux qu'on attendrait de personnes comme elles, lorsque le rideau tombait les masques en faisaient de même. Zach était le plus discret et timide de tous. Ethan le plus passionné et têtu. Abigail la plus directe et sensible. Nathan, le plus solide et renfermé de tous. Chacun avait été marqué par cette enfance troublée à sa manière, et s'en était retrouvé irrémédiablement changé, pour le meilleur ou pour le pire. Cependant, lorsque le moment venait de se retrouver, c'était là qu'on se rendait compte qu'ils faisaient tous ressortir le meilleur des trois autres, qu'ils le réalisent ou non.
C'était ainsi que devait être la famille, non ? Abigail ne s'empêcha pas de sourire lorsque sa future belle-soeur mentionna son cousin, en supposant qu'il serait également présent. C'était rassurant de savoir qu'elle avait un soutien fraternel dans sa vie et, lorsque l'écarlate mentionna sa profession et son penchant pour le fait de raconter des histoires, une lumière s'alluma dans la tête de la Pierce.  « Il risque de bien s'entendre avec Ethan, alors. On va les caser les deux, dans un coin, et ils vont se raconter des anecdotes tout le reste de la soirée ! » Cette idée fit naître un petit ricanement chez le médicomage, alors que ce dernier imaginait déjà la scène, dans un coin de sa tête. Encore une idée brillante, tiens !

Cependant l'atmosphère changea lorsque l'écarlate sembla prise d'une nausée soudaine et, si Abigail arrêta ce qu'elle faisait, elle se tourna vers Nathanael qui ne semblait pas plus inquiet que cela. Pas inquiet voulait dire que ce n'était pas la première fois. Et, entre le début de cette relation, le mariage et tout le reste, l'esprit vif de la Pierce fit naître une hypothèse dans sa tête. Hypothèse qu'elle formula à demi-mot, à son frère. « Elle.... ? » Ce dernier choisit le silence pour seule réponse, car ce n'était pas à lui de le dire, mais aussi parce qu'il savait que Abby avait toujours été la plus rapide et vive du quatuor. La plus curieuse, la plus à même de faire des connections qui ne sautaient pas toujours aux yeux des autres. Si une personne pouvait comprendre, c'était bien elle et, face à ce silence, Abby se dirigea vers la cuisine, attrapa un verre qu'elle remplit d'eau fraîche, avant de se diriger vers l'escalier menant à l'étage supérieur. En passant, elle appela sa fille pour lui expliquer que  « Maman reviens vite, ma puce. Tonton Nathan va s'occuper de toi. »

Ni une, ni deux, la mère de famille avala les marches, deux pas deux, pour se diriger vers la salle de bain pour trouver Amaranth dans une position qu'elle ne connaissait que trop bien. La Pierce resta là, sur le pas de la porte, permettant à la Mapleleaf de finir ce qu'elle avait commencé. Lorsque la tempête sembla passer, la Pierce s'avança et, posant le verre d'eau sur le bord du lavabo, souffla à l'écarlate  « Tiens, ça fera passer le goût. » Il n'y avait rien de pire que cette arrière-goût de nausée au fond de la bouche. Reculant un peu, pour ne pas s'imposer davantage, Abby revint à nouveau sur le pas de la porte et, une mine inquiète sur le visage, demanda « Elles ont commencé quand ?  » Curieuse ? Oui, bien sûr, mais elle voulait aussi savoir à quoi elle avait affaire, pour savoir comment est-ce qu'elle pourrait aider.

De son côté, Nathan faisait suffisamment confiance à sa sœur pour ne pas monter, pour voir de quoi il retournait. Si on avait besoin de lui, on saurait l'appeler. En attendant, il se drapa du masque du parfait petit oncle et, déposant sa tasse de thé, retourna vers la salle pour observer sa nièce qui s'amusait avec sa petite trousse de soin miniature.  « Alors, docteur Emma. Comment est-ce que tu t'en sors, avec ta trousse de soin ? » Mais la petite semblait lutter. Elle s'était attelée à ranger les outils et instruments dans sa boîte et, si ceux-ci s'emboîtaient d'habitude parfaitement, la petite semblait avoir quelques difficultés à les ranger correctement, cette fois. « Je n'arrive plus à tout ranger. Tu peux m'aider, tonton ? » Intrigué, le médicomage posa un genou à terre et, observant les différentes pièces devant lui, s'attela enfin à aider sa nièce d'un franc  « Bien sûr. Alors, voyons voir ce qu'on a, là. »

 « In family life, love is the oil that eases friction, the cement that binds closer together, and the music that brings harmony »
Friedrich Nietzsche 

Abby avait été la première de sa fratrie à devenir parent, la première à qui cette responsabilité incomberait, la première à être responsable d'une autre vie que la sienne...pour ainsi dire. De sa fratrie, elle avait appris l'importance de rester calme, de garder la tête sur les épaules et, surtout, de ne pas laisser les émotions gagner du terrain. Cela ne voulait pas dire qu'elle était aussi fermée que son cadet, non, mais elle appris à ne pas se laisser emporter dans la tempête. Mais elle savait aussi quand demeurer silencieuse, en retrait, aussi choisit-elle cette option jusqu'à ce que l'écarlate revienne en pleine possession de ses moyens.
Assurément, Amaranth n'avait pas prévu que son secret soit éventé de cette façon. Aussi, lorsqu'elle commença à expliquer que cette naissance était unique, Abby se retint de demander si cette grossesse était souhaitée ou prévue. Cela ne la regarderait pas, et son visage se figea en une expression plus sérieuse, à la mention d'antécédents tragiques dans la famille de la belle-soeur. Une grossesse à risque, donc ? Probablement et, bien sûr, la Pierce ne fut guère étonnée qu'on lui demande de garder le silence. Balayant cette inquiétude d'un revers de main, elle expliqua clairement que« Tu n'avais pas besoin de le dire. Si Nathan ne m'a rien dit, c'est qu'il ne voulait pas que cela se sache. Je sais à quel point une première grossesse peut être stressante, encore plus si tu as des antécédents familiaux. Heureusement que tu as un médicomage sous la main, en tout cas. »

Au moins la Pierce n'aurait pas à s'en faire pour la santé de la Mapleleaf, ce qui était un point non-négligeable. Elle sentait bien que l'écarlate n'était pas à l'aise avec toute cette histoire, sans doute parce qu'elles venaient tout juste de se rencontrer. Aussi, mettant les pieds dans le plat avec sa subtilité habituelle, elle posa son regard sur Amaranth et, se retenant de poser une main sur son épaule, lui souffla doucement que« Écoute...je sais que je peux être un peu trop franche ou envahissante, parfois. Tout le monde n'est pas à l'aise avec ça. Ce que je peux te dire, en revanche, c'est que j'ai le sens de la famille et que tu en fais partie, maintenant. Alors que ce soit pour la grossesse ou le reste, je ne suis jamais très loin. D'accord ?  » Et elle ne prendrait pas non pour une réponse, évidemment.
Bientôt la mère de famille descendit à son tour, retrouver sa fille et son frère, avec qui elle eut un échange de regards qui voulaient tout dire. Ils n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre et, sachant qu'elle n'était là que de passage, Abby se tourna vers sa fille pour lui souffler « On va y aller, ma puce. D'accord ? Tu ranges tes affaires et tu viens dire au revoir ?  » La petite fut évidemment surprise mais écouta sa mère, terminant de ranger sa trousse avec l'aide de son oncle favori...enfin n'était-ce pas ce qu'elle disait de ses deux autres oncles, également ? Posant son regard vers sa belle, lui rendant son sourire timide, Nathan se pencha pour prendre sa nièce dans ses bras, attendant qu'elle gratifie le couple d'un « Au revoir, tonton Nathan. Au revoir Tatamaranth. » Ce qui ne manqua pas de faire sourire le jeune homme  « On se revoit très bientôt, ma puce. D'accord ?  » Cet la petite lui rendit ce sourire joyeux qu'elle tenait de sa mère. Sa mère, d'ailleurs, prit son frère dans ses bras, une fois Emma posée à terre, avant de souffler au colosse « Prends soin d'elle. » Ce dernier échangea un regard plus...grave, plus sérieux, en se contentant d'un hochement de tête silencieux pour seule réponse.

En l'espace de quelques minutes la tornade Abigail venait de passer et, si Nathan ne s'en lassait pas, il savait que ces échanges pouvaient être...aussi intenses que surprenants. Et il devinait aussi que Amaranth n'avait peut-être pas l'habitude d'une telle...vie, d'une telle énergie. Une fois la porte fermée, il se tourna vers elle, curieux,  commenta « Eh bien...mis à part Zach, tu as rencontré toute ma famille. Celle digne d'intérêt en tout cas. Une réaction, à chaud ? »

C'était un avant-goût de ce qu'allait être Noël, assurément. Le Pierce espérait simplement que cela n'allait pas refroidir sa fiancée, face à la famille qu'elle allait acquérir, d'ici peu.

 « In family life, love is the oil that eases friction, the cement that binds closer together, and the music that brings harmony »
Friedrich Nietzsche 

Nathanael n'avait pas toujours été aussi impatient à l'idée des fêtes de fin d'année. Qu'il s'agisse de Noël ou du Nouvel An, il n'avait jadis jamais rien eu à célébrer, il voyait cela comme l'obligation d'une apparition publique et rien d'autre, ni plus ni moins qu'un spectacle du fils parfait, et il en allait de même pour le reste de la fratrie. Durant ces fêtes, c'était le seul moment où leur fantôme de mère sortait de son mutisme, se prétendant être la mère parfaite pour préserver les apparences, et c'était cela le pire. Pourquoi n'avait-elle pas pu être ainsi le reste du temps ? Pourquoi juste deux soirs sur 365? Elle était capable, elle avait su le montrer alors...pourquoi ? Était-ce à ce point épuisant d'aimer quatre enfants ? La colère de Nathanael s'était servi de ce constat pour grandir, encore et encore, au fil des années.

Heureusement cela n'était plus qu'un lointain souvenir. Et, bientôt, quand l'écarlate vint retrouver les bras réconfortants du Pierce, se dernier lâcha un soupir de soulagement face à ce contact retrouvé, avant d’admettre que  « Noël est assez...spécial, pour nous. » Et c'était sans doute l'euphémisme de l'année. Il n'avait jamais réellement eu de point de comparaison, aussi n'avait-il aucune idée de si leur position vis à vis de Noël était normale, ou non. Peut-être allait-il avoir l'occasion d'avoir un retour de Amaranth, à ce sujet, cette année.

Prenant une courte pause, laissant son esprit retourner sur le boulevard des souvenirs oubliés, Nathanael prit une autre respiration et, posant un baiser sur le sommet du crâne de sa belle, commença à expliquer, sur un ton maîtrisé, que « Pendant longtemps Noël n'a été que l'occasion pour notre père de présenter sa...famille parfaite, à ses camarades, amis, collègues, pour se mettre en avant et briller davantage. La représentation d'une terreur silencieuse. Alors, aujourd'hui, cette fête est aussi la représentation d'un chemin parcouru, d'une épreuve partagée, d'un renouveau.  » D'une certaine façon, aussi étrange que cela puisse paraître, Nathanael était reconnaissant pour le chemin parcouru. Pourquoi ? Parce que cela lui avait permis d'apprécier davantage ces moments en famille, une fois qu'il fut enfin libéré de ses chaînes.

Prenant une courte pause, son regard océanique se posa sur celle qui lui avait donné un second souffle, celle qui lui avait fait espérer des lendemains plus lumineux alors que lui n'y croyait plus. Le Pierce savait qu'il avait tendance à broyer du noir, à s'enfermer quand sa colère ou sa fatigue se faisaient trop intenses mais elle...elle était là, avec lui, malgré tout. Elle le connaissait et avait pourtant choisi de faire un bout de chemin, de créer quelque chose avec lui. Comment avait-il fait pour être aussi chanceux ? Rabattant quelques cheveux de la belle derrière son oreille, du bout des doigts, il ne la quitta pas du regard en finissant par « On peut être assez...intenses, quand il s'agit de la famille. Surtout durant une période comme celle-ci. Après je sais que ça peut parfois être...trop. Si c'est le cas, n'hésitez pas à me le dire. » Il trouverait une solution, si elle avait besoin d'une pause vis à vis de l'activité qui allait régner, ce soir-là.

En parlant de Noël, Amaranth avança qu'il restait encore pas mal de préparatifs à faire. Elle était dans le vrai. D'habitude Nathan s'y prenait plus à l'avance mais...entre ses projets, la grossesse et le reste, il avait été assez distrait ces derniers temps. Mais cela n'était pas grave, ils allaient pouvoir y arriver. Balayant le salon de son regard, pour imaginer à quoi ressemblerait la pièce d'ici quelques jours, le médicomage commença à faire une liste dans sa tête, en terminant par demander  « Hum. Il va y avoir un brin de décoration à faire. Une liste d'ingrédients pour la cuisine. Quelques cadeaux de dernière minute, si des idées me viennent en tête. Et...est-ce que j'oublie quelque chose ? »