Ricochés (Saul)

??.??, 4h00

Observant la mer, j’étais arrivé une demi-heure en avance. Mon chapeau havre-sac sur la tête, un grand manteau sombre arrivant jusqu’à mes genoux, j’observais les reflets de la lune sur l’océan, situé sur une petite falaise surplombant la Crique. Beaucoup de souvenirs, remontait à la surface quand je venais ici. Nous avions pour habitude de venir avec Ether, très souvent lorsque nous avions un peu de temps pour nous. Ce qui était minime étant donné la situation géopolitique et nos situations familiales de l’époque. Aujourd’hui, c’était plus paisible. Beaucoup plus paisible. Mais, j’aurai donné n’importe quoi pour revenir à cette période de ma vie ne serait-ce qu’une minute. Perdu dans mes pensées, l’heure arriva et j’entendis un bruit de transplanage derrière moi. Les mains dans les poches, je me retournais :

« Vous êtes à l’heure, c’est bien. Mais en même temps ce n’est pas si étonnant. »

J’avais un léger sourire, mais le regard inquiet. Sa lettre m’avait fait beaucoup réfléchir et je me demandais encore aujourd’hui la raison de sa demande. Qu’avait-donc fait Siobhan, et aussi Eynaelle pour qu’un individu qui était sensé avoir disparu me demande un rendez-vous si urgent. Les traits tirés, je le regardais dans les yeux. Me demandant même l’espace d’un instant si je ne devais pas lui lancer un Legilimens pour avoir l’entière vérité. Car, quoi qu’on en dise, pour ma fille, j’étais prêt à tout.
Mais, j’allais d’abord entendre ce qu’il avait à me dire. Après tout, s’il prenait autant de risque, ce n’était pas pour omettre une seule information.

« Je suppose que si vous avez demandé à me voir en urgence, c’est que les nouvelles ne sont pas bonnes. »

Je m’asseyais sur un rocher, qui avait assez de place pour deux. D’un calme, serein et qui invitait à la bienveillance, je soupirai et je lui présentais la place à côté de moi. De là, on avait une vue magnifique. La lune se reflétait dans la mer et donnait un aspect étrange au lieu.

« Parlez donc, et en tant qu’ami je vous en prie. N’omettez aucune information, même s’il y a des choses qu’un père n’a pas envie d’entendre quand il s’agit de ses enfants. »

Je relevais les yeux vers lui, prêt à tout entendre. Même si, je n’étais pas le dernier des idiots et je commençais à me douter du sujet qu’on allait aborder. Et, dans mes yeux, il pouvait lire une profonde responsabilité, car si on en était là, c’était en majeure partie par ma faute.

10.11. Saúl n'avait pas dormi de la nuit. Il ne dormait plus beaucoup de toute façon. Il n'était plus vraiment le bel homme qu'il était il y a de cela quelques mois où n'importe quel individu se retournait sur son passage, espérant son attention, comme il aimait si bien faire agir ses charmes de vélane. Aujourd'hui, il en avait presque honte, se cachant presque, sous ces épaisses capes de sorciers et ses capuches qui lui tombaient sous le nez. Comment aurait-il pu se dire qu'il était à ce point nécessaire pour lui d'avoir un minimum d'ordre dans sa vie ?

Peut-être avait-il été trop longtemps dans les rangs du ministère de la magie, à arpenter les quatre coins du Royaume-Uni dans son uniforme d'Auror, capable d'attiser la joie comme le désir par sa simple apparition ?

Finalement, il commençait tout doucement à revenir sur ses décisions, ses choix. En quittant son uniforme d'Auror, il y avait une symbolique. Celle d'envoyer se faire foutre la politique de Dunn et de son oppression à l'égard des hybrides sous prétexte qu'une bande de scélérats utilisaient leurs traits et leur sang pour justifier un besoin de chaos incessant. S'il y avait quelques idées où Saúl les rejoignait, il était désormais sûr d'une chose, c'était que ce n'était pas le chemin à emprunter.

Aussi, ça le rendait dingue de savoir que  @Siobhán Gavalagh-Korrigan souhaitait s'enfoncer sur cette voie.

C'était pour cette raison qu'il avait décidé de donner rendez-vous à son père, @Luke Korrigan, dans l'unique but de la préserver d'@Eynaelle Sanderson et de sa famille.

Saúl savait qu'il jouait gros. Il pouvait tout perdre dans cette histoire. Mais il ne pouvait pas se résoudre à l'idée de laisser Siobhán s'enfoncer dans la voie du chaos pour une peine de cœur ou pour en apprendre plus sur la famille de sa mère. C'était des criminelles. Il n'y avait rien de bon à voir là-dedans. Le genre de famille dont Saúl avait tout fait pour se défaire en intégrant lui-même les Aurors dans un désir inconscient qu'un jour, il serait celui qui arrêterait son père.

Dans l'ombre d'une ruelle, l'Hispanique était apparu dans un nuage sombre. La capuche sous le nez, il sortit de l'endroit pour se rendre sur les lieux du rendez-vous. L'air iodé de Tinworth lui plut tout de suite et à mesure que Saúl s'approchait de la Manche, il se surprit à apprécier le son des vagues qui venait apaiser son esprit acculé.

La silhouette du Directeur de Poudlard se fit faiblement apparaître à la lueur de la lune. Saúl ne tarda pas à le rejoindre. Laissant Luke ouvrir la discussion, le latino répondit :

« - Je ne viens pas en ami. Je suis un ami. » Corrigea le sorcier qui repoussa sa capuche pour laisser briller ses traits fatigués sous la lune.

« - Siobhán semble vouloir des informations sur sa mère. Donnez-lui. »

Après quelques secondes d'hésitations, il ajouta en plongeant son regard vers la mer :

« - Ou débarrassez-vous d'Eynaelle. Car les problèmes viendront d'elle. »

Sa voix n'avait été qu'un murmure.

Je réajustais ma cape de voyage et mon chapeau dans un geste nerveux. Nous étions des amis donc. Je prenais cette information en considération tout en regardant la mer. Sans rien dire, l’échange était rapide, directe et avec l’ensemble des éléments donnés en trois phrases simples. On voyait là sa formation d’Auror, où il fallait aller vite, rapidement et à l’essentiel car le temps était toujours notre pire ennemi. Les mains dans les poches, je me retournais alors vers lui, en fronçant les sourcils.

« Très bien, nous sommes donc amis. » dis-je simplement « Faites attention, je ne l’accorde pas à beaucoup de personne. »

Je souriais en coin, puis je m’assombris un peu. Mes yeux partirent de Saul pour regarder la mer. J’allais devoir procéder étape par étape, et tout lui expliquer. Je soupirai et finalement je déclarai :

« Elle sait déjà tout. Je ne sais pas ce qu’elle cherche à savoir de plus. Sa mère est une vélane, sœur d’Aethalia Sanderson. Elle sait aussi que les Gavalagh sont des criminels, on a déjà eu affaire à eux et je suis déjà aller la sauver des griffes de ces derniers. »

Je le regardais maintenant dans les yeux. Impuissant. Parce qu’au final, l’erreur que j’avais simplement fait, c’était de lui cacher la vérité sur ses origines au départ. Mais maintenant, elle savait tout, elle était au courant de tout. Elle avait toutes les informations en sa possession et…

« Si elle veut faire des erreurs, je ne pourrais pas l’en empêcher à moi de la maintenir de force. Quand elle a quelque chose dans la tête, elle va jusqu’au bout, c’est une Irlandaise. Elle est libre de faire ce qu’elle veut, y compris les plus belles conneries du monde. De toute façon même si je me mettais en travers de sa route, ou si j’essayais de lui faire entendre raison, elle ne m’écouterait pas. »

Je soupirais, parce que c’était la stricte et triste vérité. Elle n’écouterait jamais ce que j’avais à lui dire sur cette fichue famille. Elle devrait s’en rendre compte par elle même, mais j’en prenais l’entière responsabilité puisque c’était entièrement ma faute si on en était arrivé là. Mais, passer la déception, j’espérais quand même qu’elle soit encore assez brillante pour savoir ce qui était mauvais ou bon, nuisible ou indispensable à sa vie.

« Et l’attitude de votre cousin n’a pas amélioré la situation déjà catastrophique. Je dirai même que c’est lui qui l’a poussé indirectement dans cette voie là. Croyez moi que s’il arrive un jour quelque chose à ma fille, j’éliminerai l’ensemble de la famille Almadovar, puis je passerai à la famille Sanderson. »

Mes yeux brûlèrent d’une rage profonde et sourde, le bleu scintilla au fond de ses derniers d’une flamme nouvelle. Pour la majorité des gens, j’étais simplement un Professeur excentrique, un peu loufoque voir bizarre. Bienveillant avec les étudiants, peut être un peu trop. Mais, lorsqu’il s’agissait des mes enfants, la donne était différente.

« Qu’est ce qu’elle a cherché à faire, ou à savoir pour que vous veniez me demander cela ? »

Mes yeux s’adoucirent. Je cherchais à savoir où elle voulait aller. Et plus je réfléchissais, plus j’en arrivais à l’évidence la plus dramatique : en réalité, elle n’allait nulle part parce qu’elle était perdue. Elle avait une perception des choses certainement biaisés par les Sanderson, mais ça, j’allais certainement y remédier.

« Pourquoi dire cela d’Eynaelle ? Je ne la pensais pas alliée avec sa mère. C’est le cas ? »

07.11. Libre de faire ce qu'elle veut... Cette phrase l'énerva passablement. Son regard s'était fait noir, l'espace d'un court instant, observant alors l'écume des vagues se déposait paresseusement sous ce ciel étoilé. Saúl n'aimait pas cela. Siobhán n'était peut-être plus une enfant, elle était peut-être irlandaise, elle n'en restait pas moins une jeune femme qui découvrait à peine le monde. Avec ce qu'elle venait de vivre à cause d'Edel, elle n'en était que plus fragile pour oser l'affronter.

Bien qu'il comprenait l'idée de vouloir en savoir plus sur les siens, Saúl espérait qu'elle fasse plus preuve de prudence, qu'elle se renseigne sur leur communauté, plutôt que de foncer tête baissée dans la pire qui soit. Les vélanes n'étaient pas tous au service d' @Aethelia G. Sanderson et du Witan, bien au contraire. Certaines préféraient se terrer dans les ombres, un pied dans le Tir NA NOg, un pied dans ce monde, tandis que d'autres comme @Léandre Hamilton se préoccupaient d'aider les siens dans le secret pour ne pas s'attirer de problèmes.

Léandre était peut-être une bonne option, si @Siobhán Gavalagh-Korrigan souhaitait en savoir plus sur les leurs. En vérité, tout était une meilleure option aux yeux de Saúl plutôt que celle d'@Eynaelle Sanderson.

La mine renfrognée, Saúl ne releva pas les propos de Luke sur les Almadovar. Bien qu'il fût son cousin, Edel était forcément le point de départ de tous ces changements chez Siobhán. Ce petit con avait toujours mis un point d'honneur à ne pas suivre les règles, prenant la vie comme un jeu. Et si c'était un trait de caractère que Saúl avait toujours trouvé marrant, aujourd'hui, ça ne l'était plus. Mais l'Hispanique ne pouvait se positionner sur Edel... Pas pour le moment. Les Almadovar, tout du moins son grand-père, l'avaient sauvé lui et sa mère et sa sœur d'un père complètement siphonné par un désir de grandeur et une violence exacerbée à leur égard.

« - Je ne sais pas ce que vous savez... Et je ne peux pas tout vous dire. » Il montra sa langue un court instant, laissant sous-entendre alors que l'enchantement du secret opéré des Langues de Plomb opérait sur lui. « La mère d'Eynaelle était à la tête d'une communauté de vélane en Irlande qui amène les nôtres à suivre une voie de chaos. Dans un désir de liberté, après toute cette répression que le Ministère de la magie nous fait subir, elle attise leur colère pour les mener à la rébellion. »

Saúl soupira, se passant les deux mains d'un air las sur le visage. Tout ceci le fatiguait plus qu'il ne l'aurait pensé en acceptant l'offre de Rufus Abelforth à endosser le badge secret des Langues de Plomb pour empêcher que la communauté magique ne s'embrase sur l'Angleterre. Elle était déjà en ébullition à cause de la présence de la Confédération magique internationale, alors il ne suffisait plus que d'une étincelle pour que tout parte en vrille.

Ce qui était précisément ce que le Witan recherchait.

« - Le sceptre de Morgane. Vous vous souvenez de cette affaire ? » Demanda Saúl, qui faisait preuve de vivacité d'esprit pour éviter d'évoquer certains sujets soumis au silence.

Les mains toujours dans les poches, je regardais Saul. Plus, il parlait, plus j’arrivais à faire des liens et je me mettais lentement mais sûrement en colère. Mais, comme à mon habitude, je ne laissais rien transparaître, me contentant de regarder la mer en pensant à ma fille qui était en train de courir à sa perte. Si je disais quelque chose, je la perdais, car elle penserait certainement que je ne comprendrais pas ses actions. Si je ne disais rien, elle se perdrait et là… On était sur un autre niveau. C’était d’ailleurs ce que j’allais expliquer à Saul.

« Si je lui dis quelque chose, je la perds. Elle ne me fait plus confiance, mais j’en prends l’entière responsabilité. Je lui ai caché ses origines pendant longtemps justement pour que ce moment n’arrive jamais, et voyez où nous en sommes. »

Je regardais toujours l’océan. Mon constat d’échec avait un goût amer et horrible. J’avais promis à Ether, afin qu’elle ne devienne pas comme les autres membres de sa famille, mais en ne lui disant rien, j’avais attisé une espèce de curiosité malsaine devenu une obsession. Mes yeux se perdirent dans le lointain, je réajustais mon chapeau.

« Et si je ne fais rien, elle risque se perdre elle même. Donc, son avenir est peut être plus dangereux. »

Je me tournais vers lui, le regard attristé. Soit je perdais ma fille car elle ne voudrait certainement plus me parler, soit je laissais faire et je laissais courir le risque qu’elle meurt. Partir, c’était mourir un peu, mais mourir, c’était partir beaucoup. Ma mâchoire se contracta et je repris :

« Je sais que la famille d’Ether était réputé pour soutenir la cause des Vélanes au point d’être devenu extrémiste. De bafouer les valeurs de vivre ensemble et de tolérance que j’ai essayé d’inculquer toute ma vie à mes enfants. Pour eux, il n’y a que leur cause qui mérite d’être défendu, quelqu’en soit le prix ou les sacrifices. Ether s’est enfuis, et nous nous sommes rencontrés à ce moment là, elle était perdue, et errante quand nous nous sommes rencontrés. C’est aller assez vite, mais c’était un amour sincère et véritable, qui a abouti aux jumeaux. Je lui ai promis que je les protégerai toute ma vie, et que je serai prêt à la sacrifier pour eux si ça s’avérait nécessaire. Cette parole tient toujours. »

Je retirais mon chapeau, commençant à jouer un peu avec d’un air nerveux. Dedans, on entendait les divers objets glisser, comme des meubles qui bougent sur un parquet. Je relevais mes yeux vers Saul et je poursuivais.

« Je n’en sais pas plus, parce que je n’ai jamais cherché à en savoir plus. Si j’avais appris ce qu’Ether fuyait, alors j’aurai sombré dans la vengeance. Et cela semble prendre le même chemin avec Siobhàn. Sauf que là, on parle de ma fille, et je ne compte pas m’arrêter et laisser les choses faire. »

Je remis mon chapeau sur ma tête et je me tournais vers la mer pour dire :

« Je vais parler à Siobhàn, et en fonction de ce qu’elle dira et du degré d’illusions dans laquelle elle s’est bercée, j’éliminerai cet entité jusqu’à ce qu’ils ne soient plus qu’une ligne dans les livres d’Histoire. »

Je tournais la tête, pour montrer que j’étais sérieux. D’ordinaire, je paraissais toujours calme, apaisant et sage, comme le voulait la maison pour laquelle j’avais été directeur pendant des années. Mais là, on était sur un autre niveau et sur un autre plan existentiel, puisque ça concernait ma propre fille. Je préférais tous les éliminer et qu’elle m’en veuille toute ma vie, qu’elle devienne comme eux et prenne le risque de finir à Azkaban ou mourir.

« Oui, je connais cet artefact. Il a été volé récemment. Je suppose qu’il est la clef pour ouvrir le passage à sa propriétaire, afin de la ramener dans notre monde pour qu’elle l’impose sa vision de faits. Merlin a réussi à lui faire fermer pendant des années, je pense que l’on va devoir prendre le relai non ? »

Je tirai de ma main l’objet que j’avais pris discrètement dans mon chapeau. Un vieux Gallion, qui ressemblait à n’importe quel gallion, ceci prêt que sur celui là, on pouvait y voir un petit phénix gravé juste en bas, pour celui qui savait regardé et qui savait ce qu’il cherchait.

« On a déjà envoyé à l’oublie des adeptes des sangs purs. On peut le faire pour ceux qui pensent que leur philosophie se résume à détruire ce qui ne leur ressemble pas. Ca sera le même combat. Oh, il n’y a plus beaucoup de membres, mais je suis certains que bon nombre répondront à l’appel. »

Je lui fis un léger clin d’oeil, et je lui envoyais.

« Il a appartenu à Ednyfed Llewelyn. Un de mes anciens amis disparus au combat, qui m’a fait l’honneur d’être le parrain de sa fille, Iseult. Vous pouvez le garder et l’activer si vous êtes en danger, on répondra. Du moins, moi, je viendrais. » dis-je avec un léger sourire

Je pris un temps d’arrêt et je le regardais à nouveau, dans un geste rapide, sachant que j’étais nerveux.

« Qu’est ce que Siobhàn vous a dit précisément, qu’elle comptait rejoindre le Witan ? »

07.11. Saúl se tourna violemment vers Luke Korrigan qui se refusait de lui dire quelque chose au risque de la perdre. Ce fut plus fort que lui.

« - Mais si tu ne lui dis rien, tu vas la perdre ! »

Portée par les vagues, sa voix semblait plus forte que d'habitude. On y percevait tout le chaos de ses émotions sur ce qu'il ressentait à propos de toute cette situation. Sa respiration saccadée trahissait la colère qu'il ressentait profondément sans savoir si c'était contre  @Siobhán Gavalagh-Korrigan,  @Eynaelle Sanderson, lui-même ou encore... Leur hybridité.

Saúl tentait de reprendre son calme. Prenant une profonde inspiration, il bloqua son torse, qui s'était agité rapidement à cause de son souffle, pour reprendre sa contenance. Tentant de se focaliser sur le son des vagues pour apaiser son âme, il tendit malgré tout l'oreille sur ce que lui disait le père de Siobhán, bien que l'envie de lui fausser compagnie était réelle. L'envie de s'occuper de ce problème sans lui le démangeait violemment. Entendant sa mère lui rappeler une énième fois que la colère n'était jamais le meilleur des alliés à choisir, Saúl se contenta de rester immobile tout en enfonçant ses dents dans sa joue.

Finalement, Luke accepta l'idée de parler à Siobhán. Alors, un poids glissa des épaules du mexicain qui ne put retenir son souffle s'échapper de sa poitrine comme s'il venait d'emporter la victoire sur ses problèmes. Tout de suite, l'intention de Luke clarifia les pensées du latino qui semblait avoir retrouvé un semblant de calme. Saúl en profita pour lui parler du Sceptre de Morgan et des évènements de fin février dernier.

Jetant un bref regard sur le gallion, Saúl fronça les sourcils en se demandant bien de quoi Luke pouvait-il bien parler. Ce ne fut que lorsque le Korrigan lui mit entre les mains qu'il se rendit compte que ce n'était pas une pièce d'or habituelle. Scrutant les dessins du gallion, il se rendit compte qu'il y avait un phénix de graver dessus. Ouvrant les yeux comme des soucoupes avant de poser un regard ahuri sur le directeur de Poudlard, Saúl se rendit compte alors qu'il avait à ses côtés un de ces piliers de la résistance d'une époque aujourd'hui révolue.

L'Ordre du Phénix. Ils avaient insufflé l'espoir pendant des années à la communauté britannique qui s'était retrouvé muselé sous un chaos de ténèbres et d'idées plus réductrices les unes que les autres. Saúl était tout jeune lorsqu'il était arrivé en Angleterre. Seize ans, tout au plus. C'était la fin de la guerre, mais il se souvint encore des paroles et des histoires que lui comptèrent les Tsiganes pour lui expliquer ce qui s'était passé ces dernières années. La flamme de la lumière s'était alors allumée dans son coeur alors qu'il entendait également les prouesses et les efforts de la communauté rom pour écraser les ténèbres.

« - Merci. » Dit-il, d'une petite voix, visiblement émue par cette attention.

« - Elle veut juste un monde dans lequel hybride et sorcier vivent en parfaite harmonie. » Répondit Saúl, la mort dans l'âme. « Est-ce qu'elle sait que sa mère les fuyait ? » Ajouta l'Hispanique. Le Eux signifiant, bien évidemment, la propre famille d'Ether.

Je sursautais quand Saul se mit à me tutoyer comme du bon pain. Je n’étais pas choqué, bien au contraire, on voyait que cela venait du coeur. Depuis un certains temps, surtout depuis que j’étais Directeur de Poudlard, les gens avaient tendance à me parler avec un langage pompeux et complexe, redoublant de courtoisie et de courbette en tout genre. Là, ce n’était pas du tout le cas, et il fallait dire que ça me plaisait particulièrement. Je me mis à sourire, les mains dans les poches de mon pantalon ; mais ce dernier s’assombrit quand il déclara que j’allais la perdre si je ne disais rien.

« Elle n’est pas prête.Mais de toute façon, je n’ai plus vraiment le choix. » dis-je catégoriquement.

Elle était bercé d’illusion concernant sa famille maternelle. De pensées magiques et d’espoirs faux. Mais qui étais-je pour briser les espoirs de mes enfants ? C’était plus dur qu’il n’en paraissait. En réalité, depuis sa rupture avec Edel, je comptais lui dire la vérité avant mais tout avait précipité les choses. Désormais j’étais au pied du mur mais je préférais qu’elle règle un problème après l’autre, au risque qu’ils arrivent tous en même temps… Mais… elle était trop instable émotionnellement pour lui en dire d’avantage.

« Moi aussi j’aspire à cela. Mais je pense qu’elle va s’orienter vers la violence et la mauvaise méthode. Comme le veut la famille d’Aethelia. Elle confond résistance, rebellion, et guerre civil. Sa tante doit déjà lui murmurer de belles saletés par l’intermédiaire de sa fille Eynaelle. »

Je regardais à nouveau la mer et je trouvais amusant la façon dont Saul pouvait être impressionné par un simple gallion. En même temps, il valait mieux qu’il le voit ainsi. Comme un souvenir de héros ayant défendu la juste cause. Car moi, quand je le voyais, je ne pouvais voir que ceux que j’avais perdu et qui m’avait été pris bien trop vite et bien trop tôt. Ce n’était que des mauvais souvenirs.

« Oui, je lui ai dis. C’est pour ça qu’elle est venue vers moi au départ. J’étais un des représentants de ceux qui chassaient les vélanes extrémistes qui voulaient déstabiliser le monde des sorciers. Les Korrigan faisaient cela. Mais pas moi, la violence ne m’a jamais intéressé, sauf contraint. Et quand on voit le prix qu’en a payé mon propre frère, je suis bien content d’avoir choisi la paix, quitte à passer pour l’éternité pour un couard aux yeux des autres Korrigan. »

Je le regardais d’un air un peu triste. Toute ma vie, j’avais souffert de ça. Trop faible pour la chasse, trop théseux et concentré sur la Métamorphose. J’avais choisi un chemin différent et cette différence avait fait ma force et là où j’en étais aujourd’hui. Mais… au prix de longues années, à me faire persécuter par les miens.

« On va faire un marché toi et moi. »

Je me tournais vers lui, et j’indiquais le gallion que je lui avais donné, qui était déjà sensé être un gage de confiance.

« Je ne peux plus veiller sur elle comme avant, elle ne me fait plus confiance. Mais à toi si, et il est hors de question que je la laisse faire comme elle veut sans filets. Je veux que tu veilles sur elle le temps que j’améliore la situation, et en échange, tu pourras me demander ce que tu veux. J’ai le bras long, aussi bien à Poudlard, qu’au Magenmagot ou même au Ministère. L’avantage de l’Ordre c’est qu’il a encore des membres dans des structures importantes de la communauté magique. »

Je tendis la main, celle avec laquelle je tenais ma baguette.

« Le plan est simple, tu veilles sur ma fille, j’arrange la situation en lui en disant plus. Et en échange, je t’aide sur ce que tu désires. »

Je le fixais dans les yeux.

« Même si c’est illégal. »

07.11. Luke souhaitait donc faire un marché. Saúl l'observa un long moment, sans trop quoi dire. Il était vrai que sa proposition était plus qu'intéressante. Avoir le directeur de Poudlard dans la poche, c'était s'assurer d'avoir un garde-fou pour bien des situations dans lequel il allait se mettre. C'était même une protection plus qu'intéressante compte tenu du fait que Saúl n'avait aucune confiance en ses employeurs. Ce qui rendait @Aram Romanez dingue, d'ailleurs.

Il baissa son regard, secouant la tête. Saúl ne pouvait l'accepter. Ce n'était pas juste. Il n'était pas venu pour s'assurer les faveurs de Korrigan. Cela lui donnait cette impression de profiter de la situation chaotique de sa fille pour en tirer un quelconque avantage. L'Hispanique respectait bien sa dignité - quoiqu'on puisse ne penser - pour mettre à mal son honneur. Il avait toujours fait très attention à ce qu'il disait, à ce qu'il promettait, à ce qu'il faisait.

« - Je ne peux pas accepter ça. »

Saúl avait relevé son regard pour le plonger dans celui de Luke Korrigan. Il n'y avait aucune envie de se défiler sans le regard de l'ancien Auror. Il y avait juste du respect.

Et puis... Il fallait qu'il lui fasse part de ses pensées à l'égard d'@Eynaelle Sanderson et de son échange avec elle. Peut-être par paranoïa, peut-être par instinct de survie... Saúl se doutait déjà que ses jours étaient comptés au sein du Witan. Sans oublier cette étrange promesse qu'il avait fait avec son cousin... Prendre les jambes à son cou lorsque la situation deviendrait trop dangereuse pour sa vie... Saúl avait cette curieuse impression que depuis sa discussion avec Eynaelle, il avait cette sensation étrange d'être sur le point de la briser s'il continuait à persévérer là-dedans.

D'après Abelforth et leur dernier échange sur l'Allée des Embrumes, il ne lui faudrait attendre que quelques semaines pour qu'il puisse s'extirper de cette étrange secte. Le directeur du Dpt. des Mystères allait changer et la façon dont il en avait parlé laissait sous-entendre à Saúl qu'ils risquaient d'adopter une autre approche concernant la menace du Witan.

« - Je la surveille déjà. Je veux dire... C'est plus compliqué, maintenant qu'elle n'est plus avec Edel, mais... Elle est importante pour moi. »

Se rappelant alors du baiser, il préféra rajouter directement :

« - Mais pas comme ça... Le baiser ne voulait rien dire. Je ne sais même pas pourquoi elle l'a fait et... Et on n’en a pas encore parlé. »

Saúl semblait troublé.

« - Je la protègerai du mieux que je peux. » Finit-il par dire, à la fois mal à l'aise, mais sincère.

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Lance 3 dès Action compliquée, si 2 des 3 sont réussis, Luke peut sentir / voir quelqu'un les espionner.

Avec un léger sourire, je lui mis une tape dans le dos et je gardais le silence pendant un moment. Sans rien dire, je me mis finalement à ricaner et je lui répondais concernant Siobhan et son baiser :

« Pourquoi elle a fait ça ? Mais mon garçon, ça j’en sais fichtre rien. Je suis capable de transformer n’importe quelle matière en une autre, mais pour ce qui s’agit de ce genre de chose, malheureusement je suis du même niveau qu’un première année. »

J’enlevais ma main de son dos et je regardais autour de moi. Sans rien voir et rien sentir de particulier. Remettant les mains dans mes poches, je regardais la mer et je fus presque déçu de ne rien lui apporter. J’aimais toujours les échanges juste. D’ailleurs, c’était étrange qu’il ne me demande rien en retour et qu’il veuille protéger Siobhan de son propre chef. Je me tournais vers lui, dans un mouvement sec et les sourcils froncés.

« Si c’est la main de ma fille que tu veux, tu as ma bénédiction mon grand. De toute façon ma voie ne compte pas beaucoup. Amen. »

Je fis un signe de croix rapide et un peu grossier et je me reculais. Les Irlandais moldus avaient beaucoup perdus pour pouvoir faire ce genre de chose, aussi, même si je ne croyais pas forcément en un dieu, je m’efforçais de suivre les traditions de mes compères Moldus. Surtout quand c’était pour défoncer des anglais.

« Et toi ? Tu vas faire quoi maintenant hm ? Il serait peut être temps de te concentrer sur toi et ton propre bonheur avant de te soucier de celui des autres. Parce que, de ce que je comprends et de ce que j’en sais un peu à côté… T’as un peu l’air d’être dans la mouise j’me trompe ? »

Et, comme le voulait la tradition irlandaise, maintenant que l’on se tutoyait, je pouvais lui parler comme les irlandais parlaient aux autres. C’est à dire plutôt mal et grossièrement. Mais en même temps, tenir la posture d’un directeur d’université, à la longue c’était épuisant. Et puis, ça me faisait du bien de pouvoir un peu être moi même. Plus je vieillissais, plus les personnes avec qui je pouvais être ainsi se comptait sur les doigts d’une main...

07.11. La soudaine proximité qu'il eut avec Luke mit Saúl mal à l'aise. Il y avait quelque chose d'étrangement paternel et c'était quelque chose qui l'avait toujours gêné. Il n'avait jamais su répondre lorsque quelqu'un, un homme, arborait cette figure paternelle. N'ayant jamais connu ce genre d'attention, c'était toujours avec beaucoup de mal aise qu'il prenait ce genre de geste. Écoutant d'une oreille les propos de Luke, il reprit son souffle uniquement lorsque le directeur de Poudlard leva la main de son dos.

« - Hein ? De quoi vous... Non ! » S'écria Saúl qui passa de l'hébètement à la surprise. « C'est plus compliqué que ça, mais ce n'est pas ce que je veux, rassurez-vous. » Finit-il, sincère.

Saúl ne mentait pas. La relation qu'il entretenait avec @Siobhán Gavalagh-Korrigan était plus complexe qu'il n'y paraissait. Son problème, c'était qu'il ne savait pas du tout comme l'expliquer devant Luke. L'Hispanique n'avait jamais été très loquace sur sa façon d'exprimer ses sentiments. Incapable de réellement mettre des mots dessus, il avait toujours préféré éviter de devoir s'ouvrir de la sorte. C'était pareil avec les psychologues avec lesquels il débriefait certaines situations rencontrées lorsqu'il était encore Auror. Il passait toujours plusieurs séances dans un silence de plomb avant de s'ouvrir doucement, juste assez pour qu'on le laisse tranquille.

« - Ce que je vais faire ? » Répéta Saúl, l'air interloqué.

Pourquoi tout le monde, autour de lui, semblait s'évertuer pour qu'il pense plus à lui ? @Aram Romanez, sa mère, Talia, puis maintenant lui. Dans un souffle, il laissa glisser son regard sur les vagues qui venaient s'écraser sur le sable à la lueur de la lune.

Il ne savait pas ce qu'il allait faire. C'était peut-être pour cela qu'il était si facile pour lui de continuer ce pour quoi on l'avait missionné. Ce monde avait besoin d'un sauveur et prendre cette voie, c'était comme se tracer une route, se donner un but à atteindre dans un futur plus ou moins lointain. Désormais, il n'était plus Auror. C'était tout ce qu'il avait fait de sa vie depuis qu'il avait quitté l'école. S'il pensait à lui, il allait déprimer, c'était sûr. Il le savait. Il n'y avait qu'à voir cette étrange tension qui venait oppresser sa poitrine.

« - On verra. Pour le moment, je bosse et c'est bien plus facile à gérer que les amourettes d'ados. » Finit-il par répondre, bien que son regard perdu vers l'horizon.

Saúl leva les sourcils avant de se tourner vers Luke. Il serra doucement le gallion que le professeur de Poudlard venait de lui donner avant de le fourrer dans sa poche.

« - Merci d'avoir accepté de me voir. Je vais vous laisser maintenant. Et s'il vous plaît... » Il baissa malgré lui le ton de sa voix. « Faites-lui entendre raison. »

Il serra brièvement le bras de Luke Korrigan avant de s'éloigner dans un tourbillon de capes. L'air marin vint balayer son visage quelques instants avant de finalement prendre une profonde inspiration. Avant qu'il n'eût soupiré, il avait disparu dans un pop si caractéristique au transplanage.