How to save a life 

Les questions se succédaient sans que Solvi ne laisse une chance à @Israfel Clearwater de répondre. Elle le regardait de ses grands yeux bruns, espérant profondément avoir raison depuis le début de cette sombre histoire: @Gabriel Standford ne pouvait pas avoir réagi ainsi si Fergus avait quitté ce monde sans lui dire au revoir. Gabriel n’aurait jamais osé faire cela. La brune attendait, le regard suspendu aux lèvres d’Israfel qui mettaient beaucoup trop de temps à s’ouvrir à son goût. Quelques secondes de plus et elle ne se serait sûrement pas retenu de le secouer un peu par les épaules pour le sortir de sa torpeur, pour lui faire cracher la vérité. Qu’elle soit cinglante ou douce. Elle poussa un petit soupir de soulagement lorsqu’Israfel la tint informée de l’état de santé de  @Fergus Clearwater. Sacrément touché? Qu’est-ce que ça voulait dire au juste? Etait-il conscient? Solvi savait qu’il ne fallait pas interférer pendant les soins, que la meilleure solution était certainement de laisser les professionnels faire. Mais n’importe qui aurait pu rire à cette simple éventualité. Depuis quand s’attendait-on à voir Solvi attendre patiemment dans la salle des visiteurs? Depuis quand était-elle une jeune femme obéissante? Avait-elle laissé derrière elle son impétuosité et son obstination lorsqu’elle avait transplané jusqu’ici?

Le visage de Solvi se tordit, non pas de douleur, non pas de surprise. C’était la marque même de l’indécision. Allait-elle réellement taper un scandale devant tout le monde sous prétexte qu’elle ne pouvait pas voir son fiancé? Elle en était capable, bien que cela jette le discrédit sur elle et son conjoint. Elle pensait surtout à Israfel, le cousin de son Ferg. Israfel qui n’avait jamais entendu de leur mariage a priori, sauf si la petite information avait été glissée à la volée par l’Auror. A la façon dont le jeune homme la dévisageait, elle sentait bien qu’il la voyait plutôt comme la folle de service, potentiellement trop entichée de son cousin. Il ne semblait pas être au courant, et ce n’était ni le lieu ni l’endroit d’annoncer ses fiançailles.

Solvi se décida relativement rapidement à faire volte-face, comptant terriblement sur une minute d’inattention des gardes ou du staff, ou encore sur ses yeux larmoyants dont elle pourrait faire usage sur le pauvre comptoir d’accueil qu’elle venait de quitter. La voix grave, suppliante d’Israfel arriva jusqu’à ses oreilles, on ne sait d’ailleurs trop comment. Sur le point de s’envoler une fois de plus, Solvi posa la plante de son pied qui venait de décoller pour le fixer, curieuse. A vrai dire, elle n’avait pas cherché à comprendre ce qu’il lui était arrivé. Son regard glissa sur lui, puis sur ses deux voisines qui n’avaient pas l’air d’en mener bien large. Elle avait supposé qu’il s’était pointé pour Fergus, mais à en juger par les mines de la rousse et de la blonde, le problème semblait encore plus profond.

« Un Impero? » répéta-t-elle, incrédule. « Qui lui a jeté ce sort à la… » Elle retint un gros mot, laissant la question planer sans réellement attendre de réponse. La brune se contenta de hocher la tête, donnant une tape sur l’épaule d’Israël. « Je vais essayer de trouver quelqu’un. Et si ça ne fonctionne pas, je retournerai chouiner au bureau d’accueil. On va trouver une solution. » Elle lui adressa un sourire chaleureux, presque suffisant pour couvrir tout le malaise et la tristesse qui émanait de ce petit trio. Puis, elle déguerpit.

« Excusez-moi? » répéta-t-elle à tout bout de champ, cherchant à stopper tous les médicomages qui passaient sous son nez sans s’attarder. Adressez-vous au bureau d’accueil. Elle grimaça terriblement, le genre de grimaces que l’on ne voit presque que dans les dessins animés. Alors elle larmoya sur le bureau, comme prévu. Madame, les médicomages sont très affairés, chacun fait ce qu’il peut. Alors Solvi grimaça, encore une fois. Puis elle prit une grande inspiration, se dirigea vers le centre de la salle. Là, elle adressa un clin d’oeil à Israfel puis agita sa baguette avec un murmure discret. « Sonorus. » Elle s’éclaircit la voix puis cria, alors que sa voix raisonnait déjà beaucoup trop fort.

« Je suis Solvi Nibelungen, j’aimerais voir mon conjoint Fergus Clearwater, gravement touché.  @Gabriel Standford, si t’es là, t’as plutôt intérêt à te ramener. Et puis cette jeune femme là-bas est arrivée depuis un moment et personne ne s’est occupé d’elle. Si c’est possible de rallumer la flamme de ces petits jeunes là-bas, ou au moins de les écouter, ce serait pas mal. Merci. »

« Non ». Le mot résonnait dans sa tête comme se propage l’onde que forme un petit caillou à la surface de l’eau. Un petit bruit sourd, le seul qui parvient réellement à percer la coquille dans laquelle Norà avait choisi de se réfugier. Il était bien difficile de comprendre tout ce qu’il s’était passé, de savoir comment réagir. En faisait-elle vraiment des caisses? Avait-elle fait une sublime erreur en osant braver les recommandations de sa mère, en osant s’inscrire à Poudlard malgré tous ses avertissements? Tu n’as jamais utilisé une baguette. Tu n’y connais rien. C’est dangereux. Elle avait eu raison sur toute la ligne, depuis le début, et comme bien souvent Norà avait souhaité prouver le contraire, prouver que tout est faisable avec un peu de détermination et de travail. Et elle avait échoué. Son instinct primaire, celui de ne pas ouvrir à cette prétendue Rosa, avait été étouffée par une confiance en soi qui n’avait pas eu lieu d’être. Norà n’était qu’une enfant qui jouait aux magiciennes. Elle était celle qui avait laissé pénétrer le danger, celle qui était à l’origine de cette erreur fatale. Comment pouvait-elle revenir à Poudlard sereinement si  @Milo Clearwater ne revenait pas? Comment pourrait-elle supporter les regards, et tout particulièrement celui d’Israfel? La pardonnerait-il seulement un jour?

Le Clearwater lui saisit la main. Reste là, c’était ce qu’il semblait vouloir lui dire. J’aimerais, mais je ne peux pas, c’était ce qu’elle songeait. « Tu es en danger. » Pourquoi cela? Ce n’était pas elle qu’on avait voulu attaquer. Elle n’avait été qu’un instrument, un parasite. La voix tonitruante d’une jeune femme vint interrompre le bref monologue du jeune homme. La belle brune qui se tenait là, inconnue au bataillon, attirait tous les regards à eux. Une chance pour Queenie qui serait peut-être finalement remarquée et soignée, un poids pour Norà qui aurait tout fait pour s’éclipser. Le moment aurait été parfait si Israfel n’avait pas tenu sa main. Partir, c’était ne pas être un fardeau. Ne pas risquer de perdre quelqu’un de plus. Faire en sorte qu’Israfel reste en sécurité.

Elle lança un regard tout aussi désolé que plein de tendresse à  @Queenie Walker alors que sa petite fleur sauvage discutait avec la fameuse Solvi. Comme elle aurait aimé être legilimens pour pouvoir présenter ses excuses, promettre qu’elles s’écriraient. La blondinette avait été la soeur que Norà n’avait jamais eue, la partner in crime dont elle avait toujours rêvé, celle à qui elle pouvait tout raconter sans ressentir aucune trace de jugement.
« D’accord… » commença-t-elle, semblant d’abord consentir à rester. « Je vais trouver quelqu’un qui pourra soigner cela, peut-être  @Jameson Clearwater si je le croise sur mon chemin. J’en profiterai pour demander de l’aide à un médicomage au passage, pour Queenie. » Lorsque Norà tourna les talons, Solvi commençait déjà à s’affairer à droite et à gauche, remuant ciel et terre pour trouver un médicomage libre et tenter de voir son conjoint.

De son côté, Norà ne tâcha pas de chercher un médecin pour soigner sa blessure. Elle avait profité d’un moment où Solvi s’était éclipsée pour la suivre, confiant Queenie aux bons soins d’Israfel, sachant pertinemment qu’il ne la laisserait pas seule.
Arrivée au bureau d’accueil, Norà emprunta un stylo et une note. « Je suis désolée. » écriva-t-elle, une larme tombant dans le coin de son petit bout de feuille. Elle embrassa le morceau de papier et le laissa s’envoler vers son brun avant de partir dans l’escalier de secours.

Insupportable, indigeste, inapproprié. Tous ces mots collaient au front de Solvi comme un vieux chewing-gum déjà mâché puis jeté sur un trottoir sale pour venir se loger sous une nouvelle paire de baskets abîmées. Depuis qu’elle était arrivée, rien n’avait vraiment tourné rond à ses yeux. Les hôpitaux n’étaient pas son lieu de prédilection, se sentant en général très mal à l’aise dans ce lieu puant la mort ou la servitude. Jamais on ne ressortait intact de ce genre d’endroits aux yeux de la brune qui les fuyait comme si la peste rôdait à chaque coin de couloir.

C’est une nana brune qui finit par se pointer. Une nana visiblement débordée par le travail mais manquant cruellement de patience. Solvi non plus n’en avait plus beaucoup, surtout depuis qu’on lui refusait l’accès à la chambre de son fiancé. Ce qu’elle vient de faire est scandaleux: lancer un Sonorus en plein service hospitalier est un manque cruel de civisme. Mais s’il faut en passer par là pour être entendue, quitte à réveiller deux ou trois anciens profondément assoupis, la Nibelungen était prête à en passer par là. Le risque de se faire jeter dehors était devenu majeur mais Solvi refusait de se taire. Au moins on entendrait ce qu’elle avait à dire dans les coins les plus reclus du service.

Elle ne fit pas la moue lorsque la soignante daigna pointer le bout de son nez pour stopper cette vaste mascarade, encore moins lorsqu’elle mit fin à son sortilège pour apporter un peu de calme à la salle d’attente. Au contraire: Solvi était ravie que l’on s’occupe enfin d’elle, et accessoirement de la petite blonde qui accompagnait  @Israfel Clearwater. D’ailleurs, où avait donc bien pu passer la rouquine? Ces gosses étaient vraiment intenables.

« Aucun souci. Il serait bon aussi de songer au bien-être psychologique de vos patients. Cette gamine attend depuis un moment, et mon Fergus ne demande certainement qu’à me voir. Pourtant, ici, personne n’accepte que je me présente devant lui. » Elle croisa les bras en signe d’impatience.

« Je sais qu’il se trouve ici. Mais si vous ne m’aidez pas à dégager ces molosses devant sa porte… » Je n’hésiterai pas à rentrer dans le tas. Voilà ce que voulait dire Solvi. A la place, elle arbora un gigantesque sourire, sûrement trop large pour être naturel et sincère. Être hautaine ne vous fera pas mieux faire votre travail pensa-t-elle, préférant se taire plutôt que de dire une autre bêtise. Elle finit par pointer la petite blonde du doigt. « C’est cette gamine qui attend qu’on l’ausculte depuis des heures. » Et tac.