an other wand story

Visiblement, loin de partager son mal-être, Adil embrassait totalement le facteur chocolat. Il suffisait de regarder ses yeux qui brillaient de ce lustre si particulier, ses pommettes légèrement plus saillantes. Asel connaissait bien ce regard pour s'y être plongée plusieurs fois avant qu'un malencontreux concours de circonstances ne vienne les interrompre à chaque fois. De fait, elle ne voulait surtout pas le croiser maintenant qu'elle avait déjà le feux aux reins et que ça lui était tomber dessus sans qu'elle ait rien demandé à la terrasse d'un restaurant.

Rien que le son de sa voix était une incitation à s'enflammer encore d'avantage. Toujours cachée derrière sa main, elle ferma les yeux un peu plus fort, dans l'espoir de chasser l'affolement de ses sens mais rien n'y faisait.

« Mais ... mais... Je vais plutôt aller chez mon grand-père. Tu viens ? »

Elle se leva brusquement de table, lâchant une poignée mornilles et quelques gallions pour le règlement de sa note. Le Fairy Cake était à deux pas et, avant qu'elle ne commence à s'arracher ses vêtements en pleine rue, il lui paraissait judicieux de s'extraire de cette situation embarrassante. Quoiqu'il se passe ensuite, son grand-père saurait géré.

Sans attendre de répondre d'Adil, parce qu'il était évident qu'il viendrait, elle fendit la foule se retrouvant rapidement dans la pâtisserie, où le chef Imran était de retour. Elle salua brièvement Bill pour la seconde fois de la journée et fonça tête baissée dans la partie de la cuisine où son grand-père régnait en maître :

« Papi ! Aide-moi : j'ai mangé du chocolat sans faire exprès !!! »

L'éclat de rire de son grand-père la déstabilisa, elle jetait des regards interloqués par dessus son étreinte pour essayer de voir s'il était dans son état normal. Mais lorsqu'il lui offrit de but en blanc de leur lâcher la chambre du dessus, l'effet du chocolat retomba aussitôt, et elle se sentit les oreilles cuisantes de honte :

« Mais pas du tout ! », se défendit-elle, outrée.

Et pourtant, d'ordinaire il lui en fallait plus que cela. Mais la justesse et la facilité avec laquelle il avait fait cette supposition la laissait exactement comme les deux ronds de flan à la grenade un peu plus loin sur le plan de travail. Son deuxième mouvement, fut de repenser à cette fameuse conversation avec son père des années plus tôt...

« Je ne risque pas de mourir, glonfler, m'étouffer, faire de l'urticaire ou encore des boutons donc ? Paie ton allergie... j'irais en toucher deux mots à mes parents à l'occasion », fulminait la sgitheanach. Ils s'étaient bien payé de sa tête. Du moins son père. L'un dans l'autre, avec ces histoires à deux noises, il avait tout de même réussi à l'éloigner de cette sucrerie pendant vingt-quatre ans : chapeau bas. « Je n'en ai bu qu'une gorgée. Mais je me sens déjà mieux, sans doute parce qu'Adil ... »

Ou alors parce que la spontanéité d'Imran Misra avait l'effet d'un tue l'amour particulièrement efficace. Elle pouffa intérieurement de rire à cette idée, revoyant sa grand-père se cacher derrière un de ces regards noirs ou dépités quand tout le monde savait qu'entre eux c'était l'amour fou pour toujours. Elle sourit. Elle comptait bien qu'un jour, elle pourrait compter autant de cheveux blancs sur la tête d'Adil que sur celle de sa grand-mère...