Animation : Le bal de Yule

Arlene adorait danser. Elle n'avait pas honte de ses pas désordonnés, de son sens du rythme chaotique et de s’écrier plusieurs fois « C’est ma chanson ! » au cours de ses nombreux passages sur la piste de danse. Alors quand la date du Bal de Yule tomba, la londonienne ne put s’empêcher de transmettre la nouvelle à sa mère, partageant son amour des beaux vêtements. Son excitation chuta lorsqu’elle obtint sa réponse ; une longue lettre moralisatrice, l’obligeant à se rendre à l’évènement pour faire bonne figure, ainsi qu’une annotation stipulant qu’ « il était grand temps qu’elle ramène un petit ami à la maison ». Entre autre, il était également mention d’un dépôt de galions pour l’achat d’une tenue décente.

La fille Bellaster fulmina quelques jours avant de se reprendre en main. Ce n’était pas sa mère, à des kilomètres d’elle, de Poudlard, qui allait ruiner sa sortie. Pour la peine, elle irait sans cavalier ; se persuadant que si la jeune femme qu’elle avait invité au bal avait refusé, il y a de cela quelques jours, c’était car Arlene l’avait fortement espéré.

Ni une ni deux, elle profita de ses rares moments de temps de libre pour se rendre en ville, récupérer son dû puis sélectionner sa tenue. Le choix ne fut l’affaire que de quelques heures, tout au plus : elle traînait cette idée depuis des mois. Arlene appréciait ce genre de costumes plus ou moins mixtes, suffisamment cintrés pour apporter une touche féminine à l’ensemble. Le tissu était souple, agréable au toucher. Elégant. Il témoignait d’un art et d’une qualité dont la sorcière raffolait. L’ensemble était irréprochable.
Le seul point noir, c’était ces chaussures… La troisième année les regardait jalousement du coin de l’œil, fiers talons pimpants disposés au pied de son lit. Elle aurait tué pour pouvoir les porter, là, maintenant, mais ses pieds lui hurlaient leur agonie. La blonde n’avait cessé d’enchaîner les séances de sport – moldues comme magiques – durant les derniers jours, mais elle n’avait visiblement pas suffisamment pris au sérieux l’état de ses talons. Il leur fallait du repos qu’elle ne pouvait leur apporter en une heure et demi de préparation. Elle était fichue.


A moins que…




Quand elle eut passer les formalités de la réception, elle s’engouffra à l’intérieur de la Grande Salle où sa progression la mena naturellement aux rafraichissements. Elle se servit un verre, puis un autre qu’elle termina d’une lampée pour affronter les remarques désobligeantes d’un Serpentard qui passait par là. La critique concernait ses chaussures, sans surprise. Des baskets ne pouvaient pas être si mal, non ? Tout était une question de confiance en soi. Et puis, avec un peu de chance, l’égérie d’une grande maison de luxe remarquerait le potentiel de sa tenue… Du moins, peut-être, si sa paire n’avait pas été d’un vert fluo dénotant complètement du reste de sa tenue.

Piquée à vif, il lui fallut plus d’une inspiration pour se convaincre d’abandonner toutes charges. Pas aujourd’hui. Elle voulait passer un bon moment, en bonne compagnie… Derrière les grandes tables, elle venait d’ailleurs d’entrevoir un membre du club d’échecs qui, plus tôt dans la semaine, l’avait battu à plates coutures. Son sourire espiègle lui avait fait de l’œil – ou plutôt son jeu, d’ailleurs. D’un geste de la main, il l’invita à s’asseoir à sa table.

Le temps passait. Il lui racontait des banalités sans nom, lui parlait de lui. Elle buvait ses paroles, se noyait dans ses yeux. Mais tout ce dont elle était capable de penser, c’était de la manière dont il avait annihilé sa défense en jouant une variante si complexe de la caro-kann. Elle n’arrivait pas à comprendre ce qu’elle avait fait de mal, quel mouvement avait scellé son sort. L’ouverture de la joueuse demeurait remarquablement habile, et il en allait de même pour son milieu de partie. Il ne pouvait pas non plus avoir triché, la blonde s’en était assurée, surtout après avoir vérifié les pièces une à une…
« Mais oui ! » La réflexion lui arracha une exclamation de stupeur. « d6 ! » Quelle cruche avait-elle été de s’éloigner des coups théoriques en déplaçant sa tour en h8 dans une initiative si hasardeuse ?! Elle aurait dû avancer son pion en d6 pour faire pression sur le roi adverse !

Arlene se redressa soudainement de sa chaise dans un grincement de mobilier. Elle avait les idées fraiches et ne pouvait se permettre d’oublier sa stratégie : elle devait rejouer cette partie ! Sans même prendre la peine de s’excuser, Bellaster prit le chemin de l’entrée à grandes enjambées. L'intéressée évita la foule du mieux qu’elle pouvait, jouant des coudes en ignorant malgré elle la présence du Ministre qui se tenait à la réception depuis déjà un bon moment. Elle n’avait d’intérêt pour personne, à ce moment précis, et même la confusion de son ancien adversaire, resté bêtement sur son siège, n’aurait su arrêter sa sortie en trombe.


Arlene avait quelque chose d’important à corriger, et elle comptait bien rejoindre la salle commune des Gryffondor pour ce faire.


Ce jour-ci, elle avait bien fait de porter des baskets.

Résumé: