Bridge Over Troubled Water ft. Aphrodite

Bridge Over Troubled Water

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Elle avisait d'un air sceptique le petit pois qui trônait sur son coussin de pourpre devant elle.

« C'est un immense honneur, Aphrodite... »
« Je n'en doute pas même si je dois avouer que je me sens presque... insultée. », avoua la jeune femme avec la crainte de s'y brûler. Mais contre toute attente, en dehors de ses frères qui ricanaient en arrière plan, personne ne crut bon de lui faire la morale pour son ingratitude.

Ce gage d'affection que lui avait adressé Randall Peabody était des plus déconcertants.

« Je dois bien admettre que ça n'a rien pour gagner le cœur d'une jeune femme au vingt-et-unième siècle. Nous trouverons bien le moyen de décliner poliment. A moins que votre ami... »
« Je ne pense pas que ce soit à l'ordre du jour avant longtemps grand-mère. »
« Ça n'est pas une mauvaise chose. », appuya son père qui était plus irrité qu'il ne voulait bien le montrer par les incessantes invitations qui pleuvaient depuis la petite quinzaine qui les séparaient maintenant de la nuit de Yule. Les triplets avaient fait forte impression et, si Ares et Atreus, de part leur sexe, se voyaient épargné les courriers enflammés d'amoureuses transies, ça n'était pas le cas de leur soeur. Le petit pois des Peabody ne faisait que s'ajouter à une liste d'autres présents plus ordinaires.
« Certes. Cela nous aurait tout de même épargné... tout ceci. » fit Lady Antonia en désignant d'un geste vain le courrier du matin à l'attention du petit personnel qui débarrassa bien vite le tout à l'exception du petit pois qui resta à trôner sur le guéridon.

Aphrodite adressa un regard à la petite libellule qu'elle avait gardée dans le creux de sa main, comme pour s'assurer que l'heure à laquelle ils s'étaient donné rendez-vous ne serait pas tentée de s'éloigner. La distraction des courriers du matin ne pesait guère contre l'impatience qui la taraudait.

Alors quand trois coups résonnèrent à la porte, elle dut sincèrement  se faire violence pour ne pas aller ouvrir elle-même. Aux Ombes-Moires, les portes l'auraient sans doute devancée mais elle se le serait permis. Ici à Dawnmore, les voisins avaient des yeux partout, prêts à médire du moindre faux pas. Ce fut Miss Pérégrine qui se chargea d'ouvrir, s'effaçant devant leur invité pour le laisser entrer.

La maison de ville des Longerbane à Dawnmore était un hôtel particulier dans le plus pur style baroque. Tout comme aux Ombes-Moires, la porte d'entrée monumentale laissait deviner la complexité des enchantements qui imprégnaient les lieux. Au passage de Xris, les coroles géantes des fleurs qui ornaient l'entrée courbèrent la tête respectueusement, exhalant dans l'air froid de l'hiver un parfum délicieux de printemps.

Aphrodite approcha un sourire sur les lèvres. Elle portait ce jour-là un ensemble très élégant quoique bien différent de la robe de bal dans laquelle Xris l'avait vue la dernière fois.

« Avez-vous trouvé sans difficulté ? » demanda-t-elle alors que le reste de la famille venait également à la rencontre du jeune homme.
« Monsieur Andērson, nous sommes ravis de vous avoir à déjeuner. »
« Mais certainement pas autant qu'Aphrodite. », s'amusa Atreus à mi voix comme il venait saluer son ami de longue date en évitant soigneusement le regard assassin de sa sœurette.

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Elle ne bouda pas son plaisir à le voir toujours si égal au jeune homme qui avait capté toute son attention au bal. Son sourire parlait pour elle quand bien même il n'était pas question d'intention ou de quoi que ce soit encore, le reste de la famille n'était dupe de rien.

« L'honneur est nôtre. », confirma le père des triplets, toujours aussi réservé derrière son sourire avenant.

Alaric Longerbane avait toujours été un homme circonspect, plus porté à écouter et observer quitte à se mettre légèrement en retrait. Lady Grace avait été de ces rares personnes qui avaient su se frayer un chemin jusqu'à un éclat de rire ou un instant folâtre. Cela ne faisait pas de lui un homme sinistre pour autant, juste un peu en retrait.

Il apprécia d'un oeil connaisseur le présent que le jeune Andērson venait de lui offrir, de même qu'il ne manqua rien le regard adressée à sa fille. Lady Antonia, quant à elle remercia avec largesse comme c'était son habitude avant de se fendre d'une petite page d'histoire des généalogies magiques :

« Ce petit pois nous aura tous fait beaucoup réagir. Saviez-vous, Xris, que les Peabody comptaient parmi les plus nobles et les plus anciennes familles du monde magique occidental ? Ce petit pois ne paie pas de mine je vous l'accorde. Il s'agit avant tout d'une invitation adressé à une jeune femme jugée digne de se soumettre à l'Ordalie du Petit Pois. »
« L'Ordalie du - », répétaient Arès et Atreus, incrédules.
« Oui, tout à fait. C'est une épreuve ancestrale destinée à prouver les qualités inaltérables de la future épouse. Une épreuve assez cruelle je dois dire pour les candidates recevables. Les autres passent la nuit sans se rendre compte de rien. Quoiqu'il en soit, il va sans dire qu'aucune femme dans notre famille ne se soumettra à ces pratiques surannées. Ce n'est pas un hasard si la lignée des Peabody vivote difficilement... »
« Vous semblez bien au faîte de ces pratiques surannées grand-mère... »
« En effet, Elaine Peabody et moi n'avons pas tant d'années d'écart quoiqu'il n'y paraisse pas », les triplets échangèrent un regard interdit avant qu'elle ne reprenne, « Raison pour laquelle, quoique ce petit pois vous honore entre toutes, nous nous contenterons de décliner poliment. Je ne doute pas que d'autres demandes sauront trouver meilleure grâce à nos yeux, n'est-ce pas ? », conclut-elle sur un sourire entendu.

Evidemment, elle n'espérait pas n'importe quelle demande car il était évident qu'Aphrodite n'en accepterait qu'une seule désormais. Mais il l'était tout autant que cela prendrait du temps.

« En effet, il ne passe pas un jour sans que nous ne recevions du courrier. »
« Nous c'est un bien grand mot... La plupart de ces doux billets sont à l'attention de notre Aphrodite. », fit remarquer Atreus
« Il fallait naître femme, que voulez vous... », rétorqua la principale intéressée sur le ton de l'humour quoique sa remarque était on ne pouvait plus pertinente.
« Et supporter les épanchements de Lloyd Goldsworthy ? Je passe mon tour. », déclina Arès, passablement moqueur.

Aphrodite secoua la tête à la négative, amusée par les bêtises de ses frères, elle trouva tout de même à adresser un regard à Xris. Il n'avait vraiment pas à s'inquiéter de cette pile de courriers, si impressionnante soit-elle. Après cela, on ne tarda pas à annoncer les déjeuners que les gens de maison avaient servis dans l'arrière-cour où s'étalait à perte de vue un jardin magnifique et enneigé. Et là, sous les enchantements qui permettaient de rendre ce déjeuner hivernal possible, tous firent un excellent repas. Les mets les plus délicats étaient spontanément servis tandis que la conversation s'entretenait naturellement. Ici Lord Alaric s'enquérait des dernières prouesses sportives des équipes universitaires. Là Atreus confirmait ses intentions envers une jeune femme rencontrée au bal. Lady Longerbane transmettait ses amitiés à Markus Andērson. Arès recommandait un mets plutôt qu'un autre. Aphrodite, un peu retirée dans l'intimité de ses pensées, adressait une œillade à a dérobée, un autre sourire, entre deux bribes de conversation. Puis, doucement, comme le déjeuner touchait à sa fin, les Longerbane, comme un seul, se retirèrent sous prétexte de vaquer à leurs occupations.

« J'espère que ce long déjeuner ne vous aura pas effrayé. Nous sommes... très complices et pas toujours très à cheval sur l'étiquette lorsque nous sommes entre nous, je dois bien le reconnaître. », releva-t-elle avec attendrissement. Aphrodite Longerbane aimait sa famille, cela ne faisait pas l'ombre d'un doute. Elle savait aussi que dans une autre famille, on se serait attendu à ce que Lady Antonia s'attarde pour les chaperonner mais ici, point d'oeil ni d'oreilles indiscrètes qui se puissent déceler, « Je dois reconnaître aussi que j'étais impatiente. »

Ses prunelles cristallines plongeaient en lui comme elle avouait cela au bout d'un sourire, avisant la petite phalène qui se fondait si parfaitement sur le pull du jeune homme.

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Elle sourit, enchantée par cette demande.

« Avec plaisir. Il n'y a rien qui puisse mieux parler de moi que mon jardin. », elle avait ce petit regard malicieux. Ça n'était pas rien que d'avouer que ces extérieurs magnifiquement soignés étaient en grande partie de son fait. Sans doute n'était ce pas non plus une occupation très répandue chez les jeunes femmes de leur classe, outre quelques botanistes prodigieusement douées, car quitte à mettre les mains dans la terre, il fallait que ce soit pour faire la démonstration de quelque chose, « Enfin, se serait mentir que de m'en attribuer tout le mérite, mais tout de même... »

Ils passaient justement à proximité d'une espèce rare de tulipier géant dont les fleurs, transparentes comme verre, s'épanouissaient en dépit de la neige. Là, les délicats rameaux d'un arbrisseau nu ployait humblement sous le poids de ses baies alourdies par le givre. Ailleurs une famille de rouge gorges s'ébattaient autour des akènes aux aigrettes givrées d'une plante qui ressemblait à s'y méprendre à un pissenlit. Chaque détail de ce jardin était un enchantement pour l'oeil, et vibrait en parfaite harmonie avec la saison hivernale.

« Je le regrette, pour vous. Vous serez toujours le bienvenu dans notre famille Xris. », compatit-elle, pressentant dans ces mots que chez les Andērson, les choses se passaient différemment. Peut-être aurait-elle l'occasion d'en prendre la mesure de ses propres yeux un jour, « Tout le monde a apprécié votre compagnie. »

Elle entendait encore Atreus et sa petite remarque de tout à l'heure. Il avait raison, sans doute que personne ne l'avait apprécié autant qu'elle mais il était évident que Xris Andērson avait charmé leur petite famille au complet.

Ils s'arrêtèrent au détour d'une fontaine et Xris tira de la poche intérieure de son manteau un petit écrin de velours vert. Aphrodite fronça légèrement les sourcils, espérant qu'elle n'aurait pas à refuser une demande en mariage trop précoce à son goût mais elle fut vite rassurée et à nouveau enchantée de ce qu'elle voyait. Avec mille précautions, elle prit la délicate broche entre ses doigts fins pour la voir changer de couleur, s'accordant parfaitement à sa tenue. La petite étincelle dans son regard était un ravissement en soi. Aphrodite posa la broche sur son vêtement et elle s'y attacha presque naturellement.

« C'est un bijou magnifique... merci. », répondit-elle en posant un baiser chaste sur sa joue. Elle s'attarda un instant près de son visage, un sourire coupable aux lèvres comme elle repensait à ce baiser échangé aux Ombes Moires puis, doucement, elle lui prit la main et l'invita à suivre encore un peu plus loin dans cet étrange jardin qui s'étirait à perte de vue devant eux. « A quoi ressemble vos journées, quand vous n'êtes pas au domaine de vos parents ? », s'enquit-elle finalement, curieuse de ce qui pouvait faire le quotidien du jeune homme.

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Elle se donna le temps de la réflexion. En était-elle vraiment fière, de ce jardin somptueux ?

« Je serais bien présomptueuse de m'attribuer le mérite de tant de beauté. C'est simplement la beauté de la Nature, je n'y suis pour rien. Mais j'aime nos jardins comme on aime un ami. Ca me paraît au plus juste dit ainsi. »

Et d'ailleurs, en même temps que ces mots passait ses lèvres, ses doigts graciles effleuraient les plumeaux gelées *-d'un étrange roseau dans une caresse profondément affectueuse.

« Il n'est pas si difficile de faire s'épanouir un jardin. Mais cela demande du temps et de la patience. Vu d'ici il me semble que c'est le genre de choses que nos contemporains ne sont pas prêts à engager sans garantie que quelques retours qui pourraient se monétiser en société. »

L'argent, l'attention, la réputation, tout cela lui paraissait futile en comparaison de longues heures contemplatives qu'elle avait pu passer ici. C'était sans doute facile, dans sa position de riche héritière, de tenir ce genre de propos. Mais ça n'était en rien feint ou affecté. Aphrodite Longerbane avait sa propre manière de voir le monde, d'un œil distant parfois un peu sévère. Qu'aurait-elle pu faire d'autre depuis sa tour d'ivoire ?

Elle acquiesça comme il lui parlait de ses journées, à Poudlard. C'était presque évident. Elle aurait pu y penser tout de suite. Un petit sourire passa sur ses lèvres sur le constat de sa propre naïveté. Ou peut-être était une façon inconsciente de ne pas se rappeler qu'elle ne marcherait probablement jamais dans les couloirs de Poudlard. L'école de sorcellerie était pourtant si proche d'elle.

« Capitaine mh ? Ça ne m'étonne pas de vous. », elle lui adressa un sourire plus charmeur.

Il n'était pas l'ami d'Atreus pour rien. Il y avait chez Xris quelque chose d'un leader naturel et ce n'était pas pour lui déplaire à elle.

« Vu de l'extérieur, il semble qu'éviter les ennuis à Poudlard relève plus de l'exploit que du parcours de l'étudiant ordinaire. Du moins c'est ce que la presse laisse à penser... »

Les dernières démêlées avec les gobelins avaient fait couler beaucoup d'encre et quelque part, la société était tellement habituée à ce genre d'annonces que finalement tout ce qui en était ressorti c'était une tribune de premier choix pour les détracteurs de @Luke Korrigan. Dans ces conditions, rien d'étonnant à l'aveu que venait de lui faire Xris.

« Et j'imagine que se trouver des inimitiés avec @Chelsea Waldorf ne gâche rien au reste... »

Elle n'osait pas le dire, mais au vu des projets qu'Atreus semblait former pour la jeune femme, et si rien ne venait obscurcir leurs horizons à eux, Xris n'était pas prêt de se débarrasser de son amie à la plume acérée.

« Mes journées se suivent et se ressemblent généralement. Elles alternent les heures d'étude et les visites de courtoisie ici et là. Quelques heures d'escrimes en famille et des moments de liberté comme celui-ci. »

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Elle finit par accepter silencieusement le compliment qu'il lui adressait quand bien même elle restait religieusement convaincue que mère Nature était seule maîtresse de ces enchantements. Mais c'était une notion peut-être trop étrangère à leur bonne éducation pour qu'elle puisse espérer la partager un jour. Elle ne désespérait cependant pas, forte de l'idée que le temps avait sur toute chose des vertus inégalées. Et du temps, elle espérait en avoir avec Xris Andērson.

La discussion les ramena à Poudlard, sans trop de surprise. C'était un sujet qui revenait facilement à la bouche de la jeune femme et un grand regret dans sa vie quand bien même elle s'ouvrait rarement de ce triste sentiment.

« Il n'y a rien que je ne regrette plus que de ne pas compter parmi les étudiants de notre brillante université magique. Mais Lady Antonia refuse catégoriquement que ses descendants fréquentes les écoles traditionnelles. Elle estime que nous n'y serions pas appréciés à notre juste valeur, que les enseignements dispensés sous la houlette du Ministère ne sont pas faits pour forger des esprits affûtés et combatifs. Je l'entends bien sûr, je le comprends même mais une part de moi portera toujours ce regret, c'est ainsi. C'est sans doute la raison profonde de l'inimitié que lui porte le Pr  @Luke Korrigan ... »

Elle eut un petit rire amusé quand il crut bon de se laver de tout soupçon à nouveau.

« Je crois bien qu'Ares en parle dans les mêmes termes. Quant à Atreus, il semble que ça ne gêne en rien ses projets je le crains... »

Elle ne savait que trop penser de cet appairage Longerbane Waldorf. Bien sûr ce serait le mariage de l'année si les projets de l'héritier Longerbane venaient à se concrétiser mais elle ne pouvait s'empêcher de redouter la compagnie de sa future belle-soeur. Sans doute parce qu'elle ne pouvait s'empêcher de regarder tout ça du même regard qu'elle posait sur le jeune homme qui l'accompagnait aujourd'hui dans son jardin d'hiver.

Refermant la parenthèse  @Chelsea Waldorf, ils en revinrent aux études, sur quoi elle aurait eu un millier de choses à dire.

« La métamorphose, sans la moindre hésitation. C'est une matière qui vous oblige à penser sans cesse différemment, une nourriture intellectuelle sans cesse renouvelée dès lors qu'on a su mettre le pied à l'étrier. »

Il se rappellerait peut-être le manteau de phalènes qu'elle lui avait fabriqué le soir du bal de Yule, aux Ombes Moires.

« Je suis loin de les égaler malheureusement. L'escrime est une discipline qui se pratique dans notre famille depuis des générations. Mes frères me surpassent de loin en force mais je me maintiens tout de même honorablement.», avoua-t-elle sans rougir, « Les Andērson ont-ils eux aussi quelques traditions curieuses ? », demanda-t-elle par simple curiosité.