Le silence tomba une nouvelle fois, alors que le feu crépitait doucement sous la théière que Branwen avait installée sur le feu. Elle le fixa, passa une main sur sa joue pour en chasser les larmes, réalisant qu’elle vivait peut-être là ses derniers instants. Un sourire doux pourtant fila sur ses lèvres, d’une tendresse toute maternelle, se faisant la réflexion qu’elle n’avait jamais été aussi certaine de son choix, quand bien même on lui dirait que c’était encore un de ses entêtements puérils.
Maeve comprendrait certainement ce qu’elle traversait, et elle ne doutait pas qu’en tant que mère elle-aussi, elle partagerait ce petit secret mieux que personne.
« Aussitôt la vie de la guenaude prise, je mourrais. C’est le prix du premier pacte que j’ai signé quand je suis arrivée dans le Gorsedd, avant la naissance même de Brynn dans cette maison : je suis garante de la vie de chaque fée, et aucun chasseur ne saurait prendre une vie sur le tertre, encore moins avec mon accord direct. »La surface de l’eau, jusqu’alors plane, avait commencé à voir apparaître des bulles, larges mais lentes. D’une lenteur qui détendait Branwen, dont elle avait l’impression que l’instant s’étirait. Rien ne serait plus grave à la fin de la journée.
« Mais Bronn n’a pas changé, n’est-ce pas ? » Un brin de tristesse se fit sentir dans sa voix, comme un regret.
« S’il l’apprends, il tentera sans doute de nous sauver toutes les deux… et Brynn n’a guère le temps d’attendre. Chaque jour, la marque de la guenaude monte plus haut, et récemment elle a quitté les yeux que j’avais posés sur son chemin. Je ne suis plus en mesure ni de la surveiller, ni de la protéger, et je sais que si elle commet l’irréparable, elle ne se le pardonnera jamais. Elle est trop… droite, pour ça. » La rousse releva la tête, jetant un œil à travers la fenêtre, Maeve toujours dans son dos.
Branwen était égoïste, par bien des aspects, et en même temps son cœur était doux et toujours prompt à choyer ceux qu’elle aimait vraiment. Ce soir elle n’avait pas l’impression de commettre une erreur.
« Tu pourras le lui dire après, ou le garder pour toi, ça n’aura plus d’importance, du moment qu’il sauve ma fille… » souffla-t-elle finalement, réalisant petit à petit tout ce qui aurait pu être différent et ne pouvait plus l’être.
Il aurait fallu plus que la magie d’un retourneur de temps pour remettre en place les petites pièces de sa vie.
***
Les wargs étaient profondément endormis, emmitouflés les uns aux autres, grognant et ronflant sans craindre aucun autre prédateur dans les environs. Plus loin, la guenaude était affairée : son plat était en train de chauffer sur le feu, bullant confortablement alors qu’elle humait doucement, d’un air enjoué. La créature ne fit pas attention au Chasseur, tout du moins pas avant qu’une petite ellyllon, piégée dans sa cage toute prête à être farcie et frit, ne lève vers lui un regard suppliant.
La guenaude ne se tourna pas, au lieu de ça elle claqua des doigts, faisant tomber aussi sec le pauvre homme dans le milieu de la pièce. De forts sarments vinrent reboucher le trou du terrier.
La créature ne semblait pas troublée par la présence de l’homme et vint même assaissonner le plat comme s’il eut été un autre invité. Et c’est vrai qu’à bien le regarder du coin de l’œil, l’homme aurait fait un met qu’elle aurait pu goûter de bien des façons. L’idée la fit saliver mais elle se garda de tout commentaire. La vieille Oiche savait aussi bien que lui pourquoi il était ici. Ce qu’il ignorait, c’est qu’elle ne le craignait pas.
« Je croyais que les Cynfeirdd étaient interdits au sein du tertre ? J’aurai dû me douter qu’une fille de petite vertu ne pouvait pas tenir sa parole – rapport qu’elle ne sait pas tenir ses lèvres closes, ‘semblerait » s’amusa Oiche, jetant dans le potage qui remuait mollement au milieu un gros os dont on avait déjà rongé la viande tout autour. A en juger par la taille, on espérait que ce fut celui d’un quelconque animal ayant eu le malheur de passer par là.
« Chasseur, tu n’es pas de taille, et je ne veux aucun ennui avec les gens de ta famille. Repars d’où tu viens, et laisse Branwen à son exil. Elle mérite de réfléchir à ce qu'elle a raté de l'éducation de sa bâtarde, et pour cette petite imbécile, ce qu'il en coûte de me faire perdre mon goûter » commenta finalement la vieille Oiche, se tournant cette fois, sérieuse, vers Bronn.
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dé action compliqué réussie : la guenaude surprend BronnMADE BY @ICE AND FIRE.