Red Line (Maeve)

Ses paroles m’allèrent droit au coeur, et raisonnèrent en moi encore et encore. Comme un écho sinistre, il se déversait dans mon coeur et dans l’intégralité de mon corps. De mémoire, je ne m’étais pas senti aussi mal depuis la mort d’Ether et la Grande Guerre. Quelques larmes perlèrent sur mon visage, qui lui resta impassible. Pas de cette tristesse rapide, fulgurante et horrible qui vous déforme le visage car il y a un sentiment d’injustice qui l’accompagne. Non. Cette tristesse lente froide et pernicieuse. Qui était là depuis longtemps et qui ne fait que remonter à la surface.
Je restais quelques secondes à la tenir, les yeux dans les yeux. Je n’avais pas de mots pour dire à quel point elle m’avait blessé.
Tout remonta. Les morts tombés au combat un à un sans que je ne puisse rien faire, trop faible et pas assez « Korrigan » lors de la grande guerre. La disparition d’Ether sans que je ne puisse rien faire, qui était à la fois le plus beau jour de ma vie en voyant l’arrivée des jumeaux et le pire jour de ma vie qui m’avait pris l’être aimé. La malédiction de mon frère… Qui au fond n’était du qu’à son amour pour la personne que j’avais en face de moi et son orgueil et égoisme. La lente mais certaine disparition de ma place dans le coeur de Siobhan et Finn.
Et maintenant elle, me rappelant tout cela et m’expliquant que, je finirais seul et que mon dernier rempart, c’est à dire elle, venait de céder.
Allais-je perdre aussi Freya, qui dans sa folie furieuse plongeait vers les ténèbres pour sauver Eochaid ?
Le mal était déjà fait. Ma main se desserra et on pouvait lire le désespoir m’envahir. La tempête ne fit qu’augmenter d’ailleurs, certainement liée à mes émotions.

« Alors qu’il en soit ainsi. » dis-je d’une voix rauque.

D’une main ferme, je la maintenais contre le tronc et on pouvait voir que le ton et mon humeur avait brusquement changer. De ma baguette, jaillit des cordes argentés qui commencèrent à s’enrouler autour de Maeve, ce qui allait certainement me faire gagner assez de temps pour faire ce que j’avais à faire. Lui adressant un dernier regard, je m’écartais d’elle, et dans un sinistre mouvement, je fis tourner ma baguette autour de moi, la regardant dans les yeux.

« Protego Diabolica. »

Des flammes bleus jaillirent de cette dernière et formèrent un cercle de flamme autour de moi. Plusieurs fois, les attaques du Lechi s’élancèrent dessus et les racines, branches et lianes brulèrent instantanément à leur contact. Me retournant, je me dirigeais d’un pas rapide vers l’entrée de la grotte, mon esprit totalement vidée par ce qu’elle venait de me dire.
Rentrant dans la caverne, les flammes partirent du cercle autour de moi pour se placer devant l’entrée de cette dernière, comme un mur impénétrable, sauf par ceux qui étaient mes alliés et qui avaient encore une place pour moi dans leur coeur.
Autant dire, que vu les propos de Maeve depuis qu’elle était arrivée, j’étais certains qu’elle n’arriverait pas à les franchir.
Le bruit de la tempête dehors était moins certains, éclairé par les flammes je vis une masse énorme au fond de la caverne. Sortant mon chapeau, je me saisis de plusieurs pierres étranges, aux runes anciennes et polis comme si elles avaient été prise sur la plus belle des plages au monde. Marmonnant quelque chose en Gaélique, elles s’envolèrent sur la masse informe au fond de la grotte. Se plaçant tout autour, en lévitation, des éclairs verts zébrèrent entre elles formant une espèce de cage. L’ours se réveilla lentement mais surement. Les pierres foncèrent alors sur lui, et, dans un hurlement horrible, elle le forcèrent à s’élever du sol, les pattes en croix, piégé par la magie. Sortant le grimoire, je l’ouvrais et je recherchais alors la page d’une main tremblante. Une fois à la bonne page, je commençais l’incantation et le rituel.

« Artio donios... »

Mais...

Alors que je continuais d’incanter et que l’ours se débattait, une fumée épaisse et lourde de malheur apparut devant moi. Fronçant les sourcils, mon cerveau cartésien commença à chercher la raison de ce brouillard qui semblait tout à fait magique. Avais-je fais une erreur de prononciation ? Avais-je sauté une ligne dans la détresse que ce moment procurait ?
La réponse ne tarda pas à arriver. Sortant des ténèbres, un spectre que je ne reconnus pas immédiatement apparu alors. Son hurlement me glaça le sang, et je reculais, manquant de tomber en arrière sous l’effet de la peur. Reconnaissant une Banshee, présage de mort certaine par la douleur et les larmes, symbole du désespoir suprême je restais pétrifier de terreur face à elle. Allais-je donc mourir ce soir, ou avait-elle été envoyé pour annoncer la mort de mon frère, qui allait se faire dans le déchirement le plus total ?

« Qu’est ce que... »

La banshee prit alors l’apparence de Maeve et retomba au sol. Le brouillard s’en alla. J’étais encore plus terrorisé et pétrifié de voir ce spectacle sous mes yeux. Tellement que, je n’eus pas le réflexe de me protéger de son revers de la manche qui frappa ma joue, ni du sort surpuissant qui me décolla du sol pour aller m’envoyer comme une poupée de chiffon contre le mur de la grotte. Sonné, je regardais le sol quelques secondes, comme dans un rêve. Avais-je bien vu ce que j’avais vu ? Je me relevais péniblement, sentant la douleur de mon épaule gauche se faire de plus en plus vive. Mais, ce n’était rien face à la tristesse et la terreur du spectacle que j’avais vu.
Parce que ça ne confirmait qu’une chose : J’avais raison.
Seul espoir dans tout cela, c’était qu’elle ait réussi à passer le Protego Diabolica sans encombre,, preuve qu’elle avait encore gardé une place dans son coeur.
Me relevant, fou de colère par ce que je venais de voir, je transplanais directement devant Maeve. Mon bras valide lui saisit alors la gorge avec une force étrange et mon front alla percuter sa joue dans un mouvement brutal et rapide.

« Regarde ! »

Ma baguette se leva et des éclairs sortirent, claquant autour de moi dans tous les sens. Des larmes coulaient sur mes joues.

« Tu vas finir comme lui ! Tu seras maudite et condamné à la damnation éternelle ! A avertir les âmes que leur fin arrive, de la manière la plus horrible qui soit, comme un spectre Maeve ! »

J’étais au point de rupture, lâchant sa gorge, car une partie en moi commençait à comprendre ce que j’étais en train de faire et devenir aujourd’hui m’ordonna d’arrêter.

« Toi aussi, tu vas m’abandonner Maeve ?.. » murmurais-je

C’était le point de non-retour que j’étais en train d’atteindre. Torturé entre sa détresse qui avait pris l’aspect d’une des plus vieilles légendes du monde et qui était redouté depuis des générations par nos familles, et mon propre malheur qui continuait de croitre de jour en jour, voyant tous ceux que j’aimais soit me tourner le dos car je menais un combat pour essayer de sauver ceux qui le pouvaient encore, soit disparaître à leur tour. Dans une grimace, je relevais alors mes deux bras, même celui qui semblait avoir une partie de l’épaule démise, qui m’arracha une grimace de douleur.

« Je... »

Je la serrais par les cuirs de son armure. Les yeux dans les yeux. Elle allait partir. Elle allait quitter ce monde pour toujours, si je ne faisais rien. Et, ce n’était pas en tuant Eochaid que j’allais arranger les choses… La preuve m’en avait été donné sous les yeux. Si je tuais mon frère, j’allais provoquer ce que j’avais vu, j’en étais certains.
J’étais donc au pied du mur.
Mon désespoir fut tel que mon Protego Diabolica céda en même temps que ma volonté. Les pierres magiques, oghams qui encerclaient Eochaid tombèrent inerte pour ne revenir que des pierres. Et le grimoire qui lévitait tomba lui aussi. Les ténèbres nous envahir, et j’entendis alors le hurlement de mon frère derrière nous, signe que si on restait là, il allait nous faire regretter d’avoir briser son hibernation.
Serrant Maeve alors contre moi, en plongeant vers l’avant, je transplanais avec elle.

Poudlard, Bureau du Directeur

Je n’avais malheureusement pas emmené que Maeve avec moi. La magie du lieu nous avait suivi en parti, et dans un souffle circulaire autour de nous, tous les objets et meubles volèrent et se brisèrent sur les murs. Plusieurs portraits se mirent à hurler, puis, devant ce spectacle étrange ce fut un silence étonnant, pesant qui s’installa.

« Professeur Korrigan ? » demanda timidement Philius Grimm dans un des tableaux

Un autre grogna et déclara :

« C’est ça qu’est devenu ma lign... » débuta Alawn Cynfeirdd

Mon bras se leva et immédiatement des rideaux noirs apparut sur les tableaux, les rendant tous silencieux. Tenant toujours Maeve contre moi, je ne sus dire combien de temps je la gardais là contre moi. Finalement, je la libérais et je tombais sur le dos au milieu du bureau saccagé.

« Hmpf. »

Je roulais sur le côté, et dans un mouvement pénible, je commençais à me relever, sans rien dire. Mon regard était totalement vide, n’exprimant plus rien du tout. Ni espoir, ni envie de vivre ni rien. Il était totalement vide, même pas effaré par ce que je venais de voir. Il n’y avait plus rien du tout. Comme une âme inerte, je commençais à essayer de ramasser un objet brisé au sol, mais je n’y arrivais pas. Je me contentais alors de donner un coup de pied dedans, reconnaissant un des travaux du groupe de mécamagie.

« Maître ?! »

Un elfe de maison arriva paniqué en transplanant. C’était Flinky.

« Va t’en. » ordonnais-je

« Mais... »

« VA T’EN ! »

Ce dernier me regarda. Je ne lui avais jamais parlé comme ça. Seul mon père s’était jamais adressé à lui de cette façon. Il disparut aussi vite qu’il était arrivé. Le regard vide, je le tournais vers Maeve et je répondis simplement :

« J’abandonne. » dis-je simplement d’une voix rauque.

Il ne sonnait pas comme le « J’abandonne seulement cette situation. »Non. Il sonnait comme la chute du dernier espoir que j’avais, sur tout le monde, et tout ce que je m’évertuais à faire pour essayer de les maintenir dans la lumière. Freya, Siobhan, et elle.
Je mourrais d’envie de la serrer à nouveau contre moi, comme un grand frère, pour lui dire que tout était fini. Que j’allais être là pour elle, et que jamais, ô grand jamais la vision que j’avais eu n’allait se produire. D’un geste de la main, la porte en chêne de mon bureau s’ouvrit, signe qu’elle était libre de pouvoir partir.
Mes épaules s’affaissèrent, ma baguette tomba de mes mains, et je tombais alors en arrière. Mon bras valide serrant le blessé le visage déformé par la douleur.
Comme toujours, je n’avais pas le courage de dire aux gens que je les aimais, et que je ne les laisserai jamais tombé. Parce qu’aujourd’hui, c’était clairement remis en question.