[Cours Magistral] - Piertotum Locomotor

Un peu par hasard, elle avait croisé le regard de son frère un peu plus loin, qui, comme à son habitude dès qu’elle adressait la parole à un autre garçon que lui, avait réservé sa plus belle moue de méfiance. Le sourcil de sa jumelle s’arqua légèrement pour lui montrer son mécontentement. « Arrête », intima-t-elle silencieusement en articulant seulement ses lèvres, sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche. Siobhán détestait quand il la surveillait, surtout quand il le faisait de manière aussi peu discrète. @Finn Gavalagh-Korrigan le savait.

Bientôt, la présence de son père, droit comme un i juste derrière elle, se fit sentir. Décidément, ils faisaient la paire, tous les deux. Quand ça n’était pas son frère qui l’observait de loin, c’était son père qui saisissait la première occasion entre ses mains pour lui adresser la parole. Siobhán pouvait déjà deviner ce qu’il allait lui dire. Ses yeux se levèrent vers le ciel quand il lui donna sa consigne, et, alors que le paquet de friandises devant elle s’était volatilisé, la Korrigan ne put retenir un léger rire, imperceptible de tous sauf de @Xris Andērson, qui guettait sans doute déjà sa réaction.

Elle qui n’avait manifesté aucune envie ni aucun entrain à participer à ce cours autrement qu’en faisant acte de présence, devait maintenant réussir cet exercice contrainte et forcée.

Heureusement, son père était, depuis toujours, un véritable artiste de la métamorphose. Il avait bien des défauts, mais celui-ci ne viendrait pas s'ajouter à la liste. Heureusement, petite gamine qu’elle était, elle passait son temps entre ses pattes à l’observer jeter des sorts en tout genre, transformer tout ce qu’il avait sous la main, y compris lui même. Heureusement, elle l’avait déjà vu utiliser cette formule. Heureusement, elle avait une excellente mémoire visuelle, et savait exactement comment son père s’y était pris pour le mener à bien. Elle l’avait vu se concentrer si fort, comme s’il essayait d’inclure dans ces objets une prolongation de son esprit et de ses volontés. Elle l’avait vu faire le mouvement de baguette, elle avait retenu l’intonation qu’il avait utilisée. Ne restait plus qu’un peu de pratique pour montrer à @Luke Korrigan qu’en effet, sa fille pouvait mettre en pratique de ses consignes, même lorsqu'elle avait de la colère à revendre.

Dans un mouvement rempli de toute la hargne qui la caractérisait, elle se relevait pour regarder avec attention son frère qui l’avait rejoint, un peu sur la défensive. Il montrait à leur père qu'il était là, tout en remplissant sa part du marché, son exercice brillamment réussi. Le coude de sa jumelle vint frapper doucement et discrètement ses côtes pour le rappeler à l'ordre.

À son tour, Siobhán dû s’armer de toute sa concentration pour parvenir à faire le vide dans sa tête. Oublier qu'@Edel Almadovar était quelque part dans cette même pièce, faire abstraction de son grand frère qui attendait le moindre faux-pas de leur père pour lui aboyer dessus, Xris qui la soutenait par un simple regard, et, plus simplement, le brouhaha environnant.

Ses lèvres laissèrent s'échapper la formule du jour, accompagnée d'un petit geste de baguette, souple et calculé au millimètre près, alors que la Korrigan rassemblait toute son attention sur l'armoire et une chaise qui se trouvait juste à côté.

« Piertotum locomotor. »

Pendant un instant, l'armoire et la chaise restèrent toutes deux immobiles, faisant craindre un échec cuisant à la Serpentard qui ne pouvait clairement pas se le permettre. Et puis, elle se força à visualiser avec davantage de profondeur les deux meubles se projeter dans l'action qu'elle imaginait. Dans un seul mouvement simultané, le mobilier vint finalement effectuer une délicate révérence à l'intention de @Luke Korrigan. La chaise plia l'un de ses pieds en guise de salut ; l'armoire s'inclina en rabattant l'une de ses portes sous son plastron, comme s'il s'agissait de son bras.

À l'instant où Siobhán décida qu'elle en avait fait assez, les deux sujets reprirent leur position initiale. Ce que fit également la jeune femme en regagnant sa place, sans dire un mot de plus, évitant toujours soigneusement le regard de son père alors qu'elle s'était contenté de faire ce qu'il avait demandé.

Ni plus, ni moins.